Princesse Mononoke - Le livre

Chapitre 27

Okkoto poussa un beuglement terrifiant. Il appelait ses guerriers !... Sa peau se plissait et gonflait, sa gueule était ruisselante de sang, ses yeux vides reflétaient sa perte de conscience. Le sanglier n'avait plus rien du calme, charismatique et imposant dieu qu'il avait été quelques temps auparavant.

La princesse ne pouvait détacher son regard de l'animal. Des gouttes de sang projetées par le beuglement vinrent se poser sur son visage et ses épaules, comme autant de perles de grenat. Il ne faisait plus aucun doute désormais : c'était la folie qui commençait déjà à s'emparer d'Okkoto.

- En avant... ! Mes braves guerriers ! déclara t-il d'une voix impérieuse sans entendre la chute des fontaines rouges qui s'écoulaient à travers sa fourrure. Le dieu Cerf nous attend...

Il se mit aussitôt en marche. Désorientée, la jeune fille se tourna vers le louveteau et, la situation lui revenant aussitôt à l'esprit, elle observa les « guerriers ». Le loup, lui, n'avait pas bougé, ne prêtant qu'une attention distraite au dieu sanglier. Son regard n'avait pas bougé, et il serrait les mâchoires, les crocs brillants. Imité par San, il fit un pas en avant en grognant en direction des sangliers fantômes. Non, décidément, ces sangliers n'étaient pas nets. Leur comportement n'était pas ordinaire.

Sans se préoccuper de l'avertissement, ces derniers se mouvèrent tout à coup dans leur direction. Ils avançaient disposés en delta, et étaient en fait plusieurs dizaines. Les doutes de la princesse et de son compagnons quand à l'identité des arrivants se confirmèrent ; leur façon de se déplacer ne ressemblait en rien à celle de sangliers normaux.

Sans hésiter, la jeune fille se lança sur les traces d'Okkoto, suivie par son loup. Le dieu faisait fausse route, ceux qui les suivaient n'étaient pas ses guerriers !

- Attendez seigneur, haleta San en posant sa main sur les défenses de l'animal qui courait comme un fou. Personne ne revient jamais du pays des morts !!

Elle jeta un regard en arrière pour surveiller la progression de leurs poursuivants – car c'était une poursuite, elle en était certaine. Les peaux des sangliers flottaient au vent, et ils semblaient avancer en glissant sur les rochers. Elle frémit. Cette fois il n'y avait plus de doute : leur façon de se mouvoir n'était pas animale.

- Ce sont des humains !! s'écria t-elle avec effarement. Cachés sous les dépouilles de vos guerriers pour masquer leur propre odeur !

Mais Okkoto n'entendait plus rien. Sa conscience embrumée n'avait qu'un seul but. Sans doute même le sanglier ne savait pas ce qu'il faisait. A demi fou, il avançait à une vitesse folle, droit devant lui, bousculant et déracinant les arbres qui se trouvaient sur son passage. L'espoir de revoir ses guerriers vivants semblait l'avoir doté d'une énergie incroyable et malgré son agonie, même la jeune princesse peinait à le suivre. A ce rythme là, il allait très vite s'effondrer. Il fallait absolument le convaincre de s'arrêter, au mieux d'essayer de partir dans une autre direction pour ne pas tomber dans le piège des humains. Un énorme tronc se cassa net sous la poussée d'Okkoto. Essoufflée et au bord du désespoir, San se tourna à nouveau vers lui.

- Vous ne comprenez pas ! insista t-elle en criant d'un ton exaspéré tandis que les branches lui fouettaient la figure. C'est une ruse des humains pour que nous les conduisions jusqu'au dieu Cerf ! AH !!?!

Elle poussa un cri quand elle vit sur quoi ils se dirigeaient. En effet, c'était un énorme rocher qui se rapprochait à une vitesse folle. L'imposant sanglier était en train de foncer droit dessus sans ralentir une seconde. Ayant anticipé le danger trop tard, la jeune fille ne put s'écarter à temps et fut obligée de le suivre. Le rocher se brisa instantanément dans un épouvantable fracas quand ils arrivèrent sur lui. Sans avoir changé sa vitesse, Okkoto continua sa course en entraînant la princesse, tout deux suivis par le loup qui s'était bien gardé de se placer devant le sanglier. Les faux sangliers progressaient très vite eux aussi, et malgré toute la volonté des trois survivants, ils se rapprochaient dangereusement.