Chapitre 26

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Pendant ce temps là, en plein cœur de la forêt interdite, une étrange caravane progressait lentement au milieu d'une végétation luxuriante. Autour d'elle, s'élevaient de puissants arbres et des buissons si touffus que la lumière du jour n'y pénétrait qu'à peine. L'air était chargé d'humidité, et le silence régnait en maître, un silence qu'aucun cri d'oiseau ne troublait. Une atmosphère lourde et inquiétante planait.

Au milieu de cette procession douteuse, quatre hommes vêtus de fourrures et coiffé de chapeaux pointus portaient sur leurs épaules un caisson de bois, sur lequel était attaché un lourd récipient de bronze surmonté d'un couvercle de fer. Autour d'eux, d'autres hommes masqués suivaient, l'un derrière l'autre et tous armés d'arquebuses.

Nous l'avons deviné, il s'agissait bien sûr de la troupe de Dame Eboshi, en route pour accomplir son funeste acte. La jeune femme se trouvait justement au pied d'un arbre, en train d'étudier rapidement une lamelle de bambou cartographiée. A ses côtés, Jiko et Gonza surveillaient la progression des membres de la caravane.

- Allez vite, suivez les éclaireurs ! encouragea le petit bonze. Qu'on en finisse avec ce maudit cerf.

Soudain, sans que personne ne l'entende, le bruit d'abord imperceptible de pas précipités retentit à travers la végétation. Presque aussitôt après, un feuillage bruissa et l'on vit émerger un homme vêtu d'une peau d'ours, le visage soigneusement recouvert de sang. Se déplaçant avec une facilité déconcertante au milieu de cette forêt si hostile aux humains, il fit son apparition juste derrière l'imposant arbre ou se tenaient Eboshi et les deux autres. Ils avaient toujours le dos tourné vers la caravane, la démarche souple de l'éclaireur de les ayant pas alertés.

- Maître Jiko ! appela l'homme à voix basse.

Le bonze se retourna en même temps qu'Eboshi, pas le moins du monde surpris.

« - Oui ! Ça y est vous l'avez repéré ?

- ... Okkoto est grièvement blessé, l'informa l'éclaireur rapidement. L'enfant louve est avec lui, et ils s'avancent vers le domaine du dieu Cerf.

- Oui, ils vont l'implorer pour qu'il guérisse le vieux cochon, affirma Jiko avec un sourire presque machiavélique. Suivez leurs traces mais restez invisibles, sinon le Cerf ne se montrera pas.

- Bien sûr maître Jiko. »

L'homme s'inclina et repartit par là ou il était venu.

- Pourquoi cet homme s'est-il barbouillé le visage de sang ? questionna Dame Eboshi qui n'avait pas bougé.

- Hé, hé ! Pour camoufler son odeur, une vieille ruse de chasseur ! répondit le petit bonze en riant.

Cependant, à quelques lieux de là, toujours en pleine forêt, le sanglier Okkoto avançait péniblement, des flots de sang s'échappant des blessures hideuses qui s'ouvraient sur son poitrail et son dos. D'énormes flaques rouges tapissaient le sol et s'étalaient sur son passage. Le terrain était très accidenté, et chacun des mouvements d'Okkoto semblait lui demander un effort incommensurable. Il avait perdu énormément de sang, et ses muscles n'obéissaient qu'à grand peine à sa volonté. Son allure était beaucoup trop lourde à son goût.

A ses côtés, San marchait elle aussi sans faiblir, et aidant du mieux qu'elle pouvait l'animal blanc dont la vie s'enfuyait de plus en plus vite de part les plaies béantes sur son pelage argenté. Devant eux, un louveteau à la fourrure également maculée de sang les guidait, la langue pendante. Il semblait épuisé, mal en point, et pourtant lui et la princesse progressaient avec acharnement, utilisant le peu d'assurance qu'il leur restait pour guider le dieu Sanglier. Tout deux utilisaient la moindre parcelle de leur volonté pour ne pas céder à la fatigue.

Princesse Mononoke - Le livreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant