Princesse Mononoke - Le livre

Chapitre 32

Entre les deux arbres, de l'autre côté, la caravane était figée par la stupeur. Seule Eboshi avait gardé son étrange sourire, son arquebuse entre ses mains.

- Par tout les dieux, s'écria Jiko stupéfait. C'est comme s'il avait aspiré leurs vies !

L'incroyable créature se tourna ensuite lentement vers le ciel, le cou tendu vers le croissant de lune blanc qui brillait là haut. Le bonze plissa ses traits et fronça les sourcils, une lueur de mauvais augure s'allumant dans ses yeux. Il réfléchit un instant sans comprendre, puis leva alors la tête vers les étoiles. Les frondaisons des arbres qui s'espaçaient au centre du lieu étaient doucement éclairés d'une lumière féerique. Là bas sur la berge, le dieu tendait son cou vers la lune, les rayons de celle ci plongeant vers lui en parallèle et le nimbant de lumière argentée. On aurait dit qu'ils le tiraient doucement vers le haut, vers les cieux, qu'ils l'invitaient à les rejoindre. Tandis qu'il la regardait, il semblait s'allonger et grandir. Ou plutôt, il grandissait réellement. Son regard se modifia, sa grande encolure immaculée s'élargit en même temps que son corps. Peu à peu, une étrange transparence s'empara de lui. Soudain, lorsque les bois qui garnissaient la couronne du Cerf effleurèrent les premiers rayons bleutés de l'astre, ils se parèrent d'un incroyable cyan et devinrent transparents à leur tour. Des myriades de paillette semblables aux étoiles qui brillaient dans les ciel, dansaient à l'intérieur et les enveloppaient d'une clarté éblouissante. Entre les deux arbres, Eboshi s'était redressée et observait la transformation de l'animal divin avec une moue inquisitrice.

- Vite ! avertit Jiko au comble de l'excitation et à la fois de l'inquiétude. Il commence à se métamorphoser !

Reprenant un sang froid remarquable et un visage déterminée, Dame Eboshi se retourna aussitôt vers les hommes qui se tenaient derrière elle, et qui assistaient également au spectacle.

- Maintenant regardez bien vous tous ! commanda t-elle d'une voix impérieuse. Je vais vous montrer comment on tue un dieu ! Un dieu de vie et de mort !

Pétrifiés et avec une lueur de crainte et d'admiration dans les yeux, les éclaireurs et les sbires de Jiko la fixait sans oser bouger, tendus comme des arcs. Certains baissèrent tout de même la tête. Un mauvais pressentiment qu'ils tentaient tous d'ignorer leur tourmentaient l'esprit. Leur conscience leur soufflait que s'attaquer à un dieu pouvait entraîner des conséquences imprévues. Des conséquence graves.

Un rictus satisfait et inquiétant sur le visage, Eboshi se prépara à l'attaque. Elle était presque effrayante alors, sa cape bleue flottant autour d'elle.

- ... Il ne faut surtout pas l'effrayer ! prévint-elle en tenant fermement son arquebuse chargée.

- Madame, non ! s'écria Gonza à voix basse.

Mais il était déjà trop tard. A peine avait-elle prononcé la fin de sa phrase que la jeune femme s'était élancée en avant sous tout les yeux des hommes de la caravane.

Au milieu du lac, Ashitaka, ayant réussi à se débarrasser de la matière noire nuisible, remontait vers la surface en tenant étroitement San. Ils émergèrent tout les deux de l'eau en même temps. La jeune fille n'avait toujours pas reprit connaissance, et ses yeux demeuraient clos mais elle pouvait respirer. Sans la lâcher, le prince resta bouche bée devant ce qui se tenait devant lui sur la rive. Le Dieu Cerf était maintenant immense et sa taille menaçait de dépasser celle des grand arbres qui entouraient l'étendue d'eau. La tête toujours tendue vers le ciel, il continuait à « pousser » à une vitesse sidérante. La couleur brune claire de son pelage était toujours visible malgré sa transparence, mais à l'intérieur on pouvait commencer à y voir des milliers de petits points lumineux comme autant d'étoiles qui se mouvaient autour de la lune. Ses bois, maintenant bleus et scintillants, s'étageaient sur son dos tels des écailles ou piques, et n'avaient désormais plus rien de la couronne diurne du dieu. C'était un titan irréel et sublime qui prenait forme.