Chapitre 34

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Non loin de là, le corps translucide du dieu se hissait sur la colline. Lentement, il se dressa vers le ciel. Lorsqu'il fut debout, il se partagea soudain en deux au niveau du cou. Masquant peu à peu la lune et le ciel, une gigantesque flaque bleu-grise rayée de violet s'écartait autour de lui. Son corps se détendit et s'amincit un tout petit peu pour créer cette énorme voile qui mangeait la voûte céleste et s'agrandissait à une vitesse folle. Il semblait sans fin et continuait de s'étendre malgré le peu de changements que cela provoquaient sur la forme du dieu. De la surface irisée de l'incroyable flaque, sortirent alors des dizaines de bras de toute tailles, dégoulinants et terminés par des mains. Tous se dirigeaient vers le forêt qui se tenait en dessous. Le spectacle était terrifiant. Bientôt, les bras menaçants arrivaient à la hauteur des arbres. Ils plongèrent dans les feuillages sans ralentir une seconde et commencèrent leur fouille. Instantanément, une effrayante couleur grise et terne s'empara de ces derniers. Chaque plante mourrait sans exception aux moindres effleurements du dieu. Les branches des arbres se tordaient avant de tomber vers le bas dans un bruissement. Aucun centimètre carré de la forêt n'y échappait. Le Cerf cherchait sa tête dans les moindres recoins, surplombant tout ce monde, et son pouvoir était si grand qu'il détruisait tout sur son passage.

Affolés, les hommes survivants de la caravane, aussi bien éclaireur que forgerons et membres du Shishou Ren, fuyaient tous devant l'ardeur démesurée de l'immense divinité. Ils couraient à toute vitesse sans direction précise, menaçant de trébucher sur les nombreux obstacles, essayant d'échapper aux terribles bras. Ces derniers, rendus invisibles par la végétation en étaient d'autant plus imprévisibles. Personne ne pouvait les voir arriver, ou savoir quand l'un trouerait le feuillage.

Une vague d'homme éperdus apparurent entre les troncs, suivi par Jiko et les trois autres hommes qui, alourdis par leur fardeau, avançaient plus lentement quoique courant à perdre haleine.

- Bande de lâches, attendez nous ! cria Jiko en forçant l'allure.

Malgré sa petite taille, il progressait à foulées rapides, courant aussi vite que ses compagnons.

- On ne peut plus compter sur personne, rouspéta t-il sans ralentir.

Il leva la tête. Au dessus d'eux, on pouvait clairement voir se détacher une gigantesque main sur des frondaisons des arbres ! La voyant avancer vers eux, le bonze ne put retenir une grimace.

- Aïe, aïe, aïe, aïe, aïe !! fit-il à nouveau tandis que le chariot s'égaillait au milieu des cris affolés de ses camarades.

Portés par les quatre hommes qui s'étaient retournés tout en courant pour constater la menace, ce dernier effectua un demi tour sur lui même avant de repartir à fond de train. Juste avant qu'un énorme paquet de substance étincelante et indigo vienne s'écraser dans un grand fracas sur l'endroit ou il s'étaient tenus. Un peu plus loin, Jiko et ses acolytes, sans regarder où il mettaient les pieds, dégringolèrent avec le réceptacle au fond d'un ravin. Celui ci était petit certes, mais très encaissé. C'était la débandade.

Avec une nouvelle grimace -de douleur cette fois – Jiko se releva à demi avant de fixer le récipient de bronze avec un effroi non dissimulé. Les autres l'imitèrent aussitôt en voyant le couvercle bouger.

- La tête ! constata le petit bonze en ouvrant des yeux exorbités. Elle remue ! ...

Ils levèrent la tête – après tout, le danger était sans cesse en hauteur. Le ravin s'élevait au dessus d'eux, mais sa mince ouverture ne pouvait apparemment pas arrêter les paquets de matière grises dégoulinantes et teintés de points lumineux qui se dirigeaient déjà droit vers eux !

- Elle appelle son corps !!! hurla Jiko en se remettant debout à toute vitesse avant de repartir en tenant le chariot.

Avec une étonnante coordination pour une situation critique telle que celle ci, les deux autres hommes attrapèrent les bois du réceptacle presque en même temps que lui et quittèrent les lieux avec précipitation en poussant des cris. Le troisième suivit en toute hâte. Derrière lui, la masse informe tomba comme une cascade, ne parvenant pas à les toucher. Ils avaient échappés une nouvelle fois à la catastrophe. Mais pourraient-ils tenir longtemps à ce rythme ?

Princesse Mononoke - Le livreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant