Chapitre 24

98 12 0
                                    

Tout deux débouchèrent bientôt au milieu d'un gigantesque carnage où se mêlaient corps humains, et dépouilles de sangliers encore fumantes, carbonisées par le feu. Ça et là, des paravents déchiquetés et à moitié brûlés semblaient sur le point de s'affaisser. Un silence écrasant pesait sur le lieu, interrompu de temps à autre par les craquements secs de petits feux qui subsistaient toujours et le rougeoiement des braises sur les cadavres. Par endroit, le sol était jonché de débris et de taches de sang.

Tout en marchant, les traits assombris, Ashitaka essayait de reconstituer ce terrible massacre. Suivi de Yakkuru, il passa devant une bête agenouillée. Si ses yeux n'eussent pas été aussi dénués d'expression et si vitreux, on aurait pu penser que la vie palpitait encore en elle.

Soudainement, derrière un monticule de terre sèche et de souches, le prince aperçut quelque chose. Menant son élan derrière lui, il s'avança rapidement de quelque pas et s'arrêta brutalement, les sourcils froncés.

Au milieu un renfoncement boueux, une trentaine de corps – sans doute des cadavres – avaient été déposés là, et recouvert de nattes de paille. Dans un coin, un homme était accroupi, la tête entre les mains et une pioche à ses côtés. Sa position si pathétique de l'homme désespéré qui a perdu son âme et tout ce qu'il possédait, fit passer une lueur de pitié et de compassion dans les yeux du jeune guerrier.

Il se tourna gravement vers Yakkuru, puis, jetant un regard aux corps étendus sur le sol, marcha en silence vers le forgeron immobile. Mais alors qu'il allait doucement poser une main sur l'épaule du malheureux pour l'interpeller, une voix malveillante l'arrêta dans son geste.

- Qui va là ?

Deux hommes de l'organisation du Shishou Ren menée par Jiko s'avancèrent à quelques mètres de lui. Ils étaient reconnaissables à leur costume composé de tuniques rouges et blanches et d'un foulard masquant le visage pour ne laisser apparaître que les yeux.

- Nous ne voulons pas d'étranger ici, continua d'une voix peu aimable, celui qui avait parlé. Retourne d'où tu viens !

Le regard d'Ashitaka devint aussi froid que de la glace.

« - Je connaissais ces hommes, fit-il sur le même ton. Je reviens de leur village. Je cherche Dame Eboshi, j'ai un message urgent à lui donner !

- Dame Eboshi n'est plus ici, répliqua la sentinelle en le fixant avec méfiance. Quel est ton message ? Je le lui ferais parvenir.

- Je doit lui parler personnellement, insista le prince. OÙ PUIS-JE LA TROUVER ? »

Cette petite conversation semblait être sur le point de mal tourner, quand tout à coup deux hommes vêtus de kimonos arrivèrent en courant. Complètement incrédules, ils stoppèrent net devant les éclaireurs et clignèrent des yeux plusieurs fois, peinant à croire ce qu'il voyaient.

- Ashitaka !!

C'était les villageois des forges. Le jeune guerrier les reconnut immédiatement. Le premier était celui qui l'avait averti que les portes du fort étaient fermées, lorsque, quelques jours plus tôt, il était sorti du village en portant la princesse évanouie.

Bientôt rejoints par un troisième forgeron, ils se précipitèrent vers lui.

« - Tu es vivant mon garçon !

- Apparemment, j'ai beaucoup moins souffert que vous... fit-il, intérieurement soulagé de pouvoir parler avec eux plutôt que continuer une discussion orageuse avec les hommes de Jiko.

- Nous avons veillés et enterrés nos morts toute la journée, soupira tristement le premier villageois.

- Un massacre épouvantable...

Princesse Mononoke - Le livreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant