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KAREN

« Elle ferait mieux de venir m'en parler en personne. », ce sont les paroles rapportées par Alexia.

Il me fait passer pour une personne immature qui n'ose pas dire ce qu'elle pense, mais la vérité est que je ne sais pas quoi penser. Je ne veux même pas lui parler parce que je ne sais même pas pourquoi je lui en veux. Enfin si je sais, mais je ne sais pas si c'est crédible, et à mon avis ça ne l'est pas. Il fait ce qu'il veut après tout, et je le comprends. Mais je dois quand même avouer que j'ai un pincement au cœur quand il me demande si je suis bien malade parce qu'il ne le savait pas. Et je me demande où est passé ce Dinn bienveillant qui me préparait des cookies et qui s'énervait parce que je portais une chemise qui n'était pas la sienne.

Maintenant tout ce que je voudrais c'est oublier l'humiliation et retrouver ce qui fait de moi cette personne tenace que j'ai toujours été. C'est ce que les gens disent, et c'est que je veux me prouver à moi-même.

Finalement, être inaccessible ce n'est pas si mal lorsque cela vous empêche d'avoir mal. Parce que oui j'ai mal, et ce n'est pas seulement à lui que j'en veux, c'est aussi à moi d'avoir trop espérer. Dinn avait toute ma confiance, et il l'a toujours en quelque sorte. Pas que je sois complétement stupide, mais je ne sais qu'il n'est pas ce type-là. Je le connais, et en fait il est tout le contraire. Je trouve cela dommage que l'arrivée de sa mère ait réussit à le chambouler de telle sorte qu'il en devienne mauvais. J'aimerai pouvoir l'aider, et d'ailleurs à ce stade de notre relation je sais que je pourrais, mais Tessa est là. Si elle est censée, elle le fera.

Alexia s'inquiète pour moi, mais elle ne devrait pas. Elle fait tout pour me parler de ça, et je fais tout pour en venir à son sujet préféré : Bruno. Lorsque je prononce son prénom ou que je mentionne son couple, ses yeux brillent. Je suis contente pour elle, qu'elle ait pu vivre une réelle histoire avec celui avec qui elle voulait la partager. Ils sont tellement mignons ensemble que je les envie, ensuite ce sentiment s'envole instantanément lorsque la douleur dans ma poitrine se ravive.

Je ne sais pas ce qu'il en est d'Yves, elle ne lui a pas reparlé depuis.

Bruno aussi s'inquiète d'ailleurs, lui et sa gentillesse légendaire. Il veut me convaincre de le laisser parler à Dinn, mais je ne veux pas, il en est hors de question. Et celui-ci à raison, je dois lui parler moi-même. C'est juste que... je ne suis pas encore prête. Je ne veux juste pas revoir Carole, ou Tessa, ou encore leur sourire de satisfaction lorsqu'il va encore m'envoyer bouler. J'ai encore ma fierté - même après être resté cloitré dans la chambre une semaine à cause de lui - parce que je le répète je veux retrouver ma ténacité, il m'a changé.

En même temps, les choses auraient pu être pires. Ce que je vis là n'est pas la fin du monde, je suppose que je ne suis pas la seule à qui ça arrive et j'aurais dû y penser avant de passer une semaine à me morfondre. J'ai été terriblement égoïste, et je m'en rends compte maintenant.

Je pense aussi qu'on ne peut pas parler de « cœurs brisés » à l'adolescence. On ne connait encore rien à la vie, et encore rien à l'amour. Et c'est d'autant plus justifié en ce qui nous concerne puisqu'avec Dinn il ne s'agissait pas d'amour. Enfin...pas avant ce baiser.

Je n'aime toujours pas Tessa. Non plus à cause de la jalousie, mais parce que je n'aime pas ce pouvoir qu'elle exerce sur les autres, en l'occurrence Dinn. Elle l'accapare et le change. Mais je ne peux pas trop lui en vouloir parce que lui aussi m'a changé.

Mon téléphone ne cesse de sonner et je me demande comment Alexia fait pour ne pas perdre patience. Elle dit que « c'est le rôle d'une meilleure amie », mais elle devrait savoir que je préfère rester en solitaire. Elle le sait d'ailleurs je pense, ce qui m'emmène à ma deuxième hypothèse : elle veut me faire chier. Et ça marche. Peut-être que je devrais lui répondre juste pour mettre un terme à ce supplice. Je suis tellement fatiguée, extenuée, que ce qui normalement m'agace juste, m'insupporte carrément.