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DINN

J'espérais que ce moment n'arrive jamais. Pourtant, je ne suis pas stupide, je me doutais bien qu'à un moment ou à un autre, si je voulais que notre relation perdure, il fallait que je lui dise. Mais j'avais l'espoir - si improbable soit-il - que cela n'arrive pas. Du moins, je voulais repousser ce moment encore.

Karen ne m'a jamais posé de question, et je lui en suis reconnaissant, parce que ces souvenirs sont terriblement douloureux. Mais maintenant, alors qu'elle me regarde avec cette forte envie de savoir, je comprends qu'il est temps maintenant.

- Dinn..., elle souffle.

Si je pouvais juste partir, m'en aller, loin... Je voudrais disparaître, juste une seconde, le temps de digérer et de reprendre le contrôle. Parce qu'en effet, je viens de perdre le contrôle. J'ai hurlé, j'ai crié, je me suis déchiré et j'ai utilisé des arguments que je n'aurais jamais pensé utiliser.

La colère que j'éprouve en ce moment est incontrôlable. Je hais ma mère, je la hais plus qu'il ne le faut. Cette douleur, lorsque je pense à lui est insoutenable, et c'est de sa faute. Je ne peux pas ne pas repenser à cela, parce que je ne peux pas juste être un lâche et l'oublier, j'en ai déjà été un lorsque je suis parti ; j'ai prétendu ne pas le vouloir certes, mais j'en ai toujours eu envie. Mais lorsque je repense à lui, c'est comme si je ne pouvais plus respirer, la souffrance, la culpabilité et le malheur sont trop imposant dans ma poitrine.

Karen s'approche et me caresse la joue. Les sensations que j'éprouve face à son touché me font lever les yeux vers elle. Elle est tellement belle.

Elle ne dit rien, je ne dis rien. Ce silence n'est pas pesant, il est apaisant. Nous nous regardons dans les yeux, je me plonge dans ses yeux noisette. Ces yeux qui me regardent, et qui ne me lâchent pas. Au fur et à mesure, ma colère s'éteint. Karen a tout le temps cet effet sur moi.

- Je suis là, d'accord ?

Je souris, un léger sourire parce que c'est tout ce que j'ai besoin d'entendre là, tout de suite. Je veux qu'elle soit là.

Elle ne me dit pas qu'elle a envie de savoir, elle ne parle pas de cela, et d'ailleurs je ne veux pas qu'elle en parle. Je dois lui offrir cela, je veux pouvoir me confier à elle sans qu'elle me le demande puisque maintenant c'est inévitable.

- Viens, je dis.

Je lui prends par le bras, l'incitant à me suivre à travers le salon. Je m'installe devant le piano et lui fais signe de s'assoir à côté de moi. Nous n'avions plus évoqué ce piano depuis le jour où j'avais refusé de lui en jouer. Encore une fois, elle ne m'a plus demandé et je la respecte pour ça parce que je connais assez bien Karen pour savoir à quel point elle est curieuse. Le piano fait partie de ce secret, et ils font tous les deux partie de moi. Il est maintenant nécessaire que je lui dise en lui montrant.

- Ma mère l'a renversé.

Elle ne détourne pas une seule fois ses yeux de moi, et j'en suis plus confiant, comme si elle était mon énergie.

- Ma mère a couché avec un des collègues de mon père, je continue. Son meilleur ami.

- Dinn.

- Chut, je vais te le dire.

Je saisis sa main et je l'embrasse avant de continuer.

- Je connais Vincent depuis que je suis tout petit. Lui et sa femme, Lyse, étaient des amis de la famille bien avant que je sois né étant donné que mon père et lui ont fait leurs études ensemble.

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