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DINN

Il est déjà minuit, et ma mère n'est toujours pas là. Karen était censée rentrer il y a de cela des heures, mais je l'ai invité en parti pour qu'elle me soutienne car j'appréhendais le moment où ma mère se trouverait face à moi. Je lui avais pourtant dit de partir, mais elle n'avait rien voulu entendre, au lieu de ça elle avait appellé ses parents.

C'était nécessaire et elle est restée longtemps au téléphone avec son père parce que 1) jusqu'à preuve du contraire je suis un garçon et 2) nous avons cours demain. La seule raison qui pouvait le dissuader étant bien sûr le travail, elle lui a raconté que nous avions pris du retard sur l'un des nôtres et que nous devions donc veiller tard le soir. Sa mère elle aussi s'était opposé et « à moins que tu ne veuilles que je me fasses violer en rentrant seule cette nuit, je pense que je n'ai pas trop le choix » a été la raison utilisée par Karen pour la convaincre.

Il nous faut encore près d'une heure pour nous convaincre qu'elle ne viendra pas. Ça ne m'étonne pas franchement d'elle, elle est aussi tête en l'air qu'irresponsable. Mais l'autorisation qu'a Ethan pour manquer les cours n'est que d'une semaine, il ne faudrait pas qu'elle le fasse attendre plus longtemps. Ethan est encore là oui je suis content, mais je pense avant tout à ce qui est bien pour lui.

Karen est monté prendre une douche dans ma salle de bain quelques minutes auparavant, et je lui ai prêté un de mes t-shirts en guise de pyjama. Ethan est parti se coucher, et moi je suis allongé dans l'obscurité de ma chambre, uniquement éclairé par le faisceau de lumière s'échappant de la porte qui me sépare de la salle de bain. Je réfléchis mais je ne sais pas vraiment à quoi. Si je pouvais changer la situation dans laquelle ma famille se trouve en ce moment, je le ferai.

Karen finit par sortir, et je ne sais pas pourquoi mais dès que la porte de la salle de bain s'ouvre je ressens le besoin de poser mon regard sur elle. Mon t-shirt lui arrive mi-cuisses et je peux observer ses longues jambes. Elle a les cheveux encore un peu humide, et quelques mèches s'échappent de son chignon. Celles-ci parsèment quelques gouttes sur sa nuque, qui brillent sur sa peau caramel. Elle me sourit, d'un large sourire.

Elle éteint la lumière de la salle de bain, et de nouveau l'obscurité. Je ne la vois plus le temps que mes yeux s'habituent au noir, mais quelques secondes plus tard je sens le matelas s'affaisser et je sais qu'elle vient de s'y installer. Elle sent bon.

Nous passons les minutes qui suivent dans le silence. Nous regardons tous les deux au plafond. Je sais qu'elle ne dort pas, et je pense qu'elle sait qu'il en est de même pour moi, mais nous ne savons tout simplement pas quoi dire.

- Ça va ? elle demande après ce qui m'a semblé être une éternité.

Je délaisse mon attention du plafond pour la regarder elle, et elle fait la même chose. Je ne réponds pas mais je continue de l'observer. Et je pense que ma détresse se fait sentir puisque l'instant d'après elle s'approche de moi et effleure mon bras nus de ses doigts.

- Approche toi encore, je murmure si bas que je ne suis pas sûr qu'elle ait entendu.

Mais c'est ce qu'elle fait. Elle se rapproche encore et agrippe maintenant mon bras des ses mains, et pose sa tête sur mon épaule. Je sens la chaleur de son corps et son souffle sur ma nuque. Mais ce n'est toujours pas assez. Je passe ma main autour de sa taille et l'attire encore plus vers moi, elle a la tête sur mon torse et entoure ma taille avec son bras.

Je n'ai pas répondu à sa question. Mais il semblerait qu'elle ait compris la réponse.

*

Bruno à l'air profondémment vexé qu'Alexia ait pris la peine de s'excuser auprès de Karen et non auprès de lui, et je ne peux pas m'empêcher de le trouver légèrement pathétique. Il n'a rien fait de mal et pourtant sa petite-amie lui fait payer au prix fort et il trouve ça normal juste parce qu'il l'aime. Franchement sur ce coup là Alexia est vraiment très chiante. Karen a même entreprit d'aller lui parler mais elle ne veut rien entendre. Encore heureux que Bruno ne soit pas aller s'excuser, même si je suis sûr qu'il l'aurait fait si je ne lui avais pas fait prendre conscience de la stupidité dont il fait preuve. Cependant, il n'a pas l'air dans son état normal. Il a des sautes d'humeur fréquentes et j'aimerais vraiment l'aider, mais je ne sais pas quoi faire.

Nous sommes mercredi, et ça fait dix jours qu'ils ne se sont pas adressés la parole. Non pas que je compte, mais il se trouve que Bruno le fait et qu'il n'arrête pas de me rabâcher les oreilles avec ça.

- Ça me rend malade.

Je lève les yeux au ciel parce que ça fait déjà bien trop souvent que j'ai entendu cette phrase. C'est mon pote d'accord, mais là il réagit clairement comme une fille. Ce qui explique encore plus le fait qu'il n'est pas dans son état normal, parce que le Bruno de d'habitude est en tout point différent. C'est le premier à parler de fierté, limite macho, tellement que Karen doit tout le temps le remettre à sa place. Et maintenant il nous parle d'amour comme si c'était le remède à tous les malheurs du monde.

- Tu m'écoutes ? il demande.

Je souffle, oui je l'écoute. Ça va faire dix jours que je l'écoute. Dix jours que je l'écoute me répéter la même chose. Nous sommes en cours de physique, et j'aimerais juste me concentrer un peu plus au vu des examens. Mais ce n'est visiblement pas sa priorité.

- Oui, je t'écoute.

Il repart dans son même discours et je suis un peu contrarié parce qu'entre temps j'ai perdu le fil, et s'il ne se tait pas maintenant, je doute que je pourrais le retrouver. Ce n'est pas vraiment un grand problème puisque je pourrais retravailler ce cours plus tard où même poser des questions à Karen ou à Alexia, mais cette perte de temps inutile me ferait vraiment chier.

- Il faut que tu m'aides.

À ce moment je délaisse totalement mon cours pour accorder toute mon attention à Bruno. Franchement si je pouvais l'aider c'est sûr que je le ferai, rien que pour ne plus entendre ses plaintes à longueur de journée.

- Il faut que tu parles avec Alexia, il continue, ou à Karen.

Je soupire, elle lui a déjà parlé et ça n'a rien donné. On dirait qu'elle ne veut juste pas prendre conscience de ses torts. Et je marque l'ironie parce qu'elle se comporte maintenant comme un garçon.

- Mais je ne sais pas moi, allez y tous les deux et insistez plus.

La détresse est visible dans ses yeux, et se ressent dans sa voix.

- Je veux bien essayer, mais je ne te promets rien.

Alexia est venu me voir lorsqu'elle voulait se réconcilier avec Karen, peut-être que si je lui parle un peu plus subtilement elle comprendra ses torts.. C'est pour ça que je vais le faire. Pour ça, et aussi parce que Bruno commence vraiment à me taper sur les nerfs.

Ah je n'aime vraiment pas être mêlé à ce genre de chose, mais c'est tout ce qu'il m'arrive en ce moment. Et puis Alexia est aussi têtue que Karen pour ne pas dire plus. Avec elle il faudrait que je trouve exactement les mots justes et franchement ça m'ennuie.

*

Je suis allongé sur le lit de Karen, j'ai besoin de lui faire part de la situation avec Bruno. Et même si je sais déjà de qu'elle va penser de tout ça - c'est-à-dire la même chose que moi - j'ai quand même besoin de conseils.

- Il veut que tu l'aides ? Mais comment ? elle demande.

- Je ne sais pas, peut-être qu'il veut juste que je lui parles.

Elle fronçe les sourcils.

- Tu penses que tu réussiras à la convaincre ?

- Je ne sais pas et c'est pour ça j'ai besoin de toi.

- De moi ?

Elle se désigne de la main comme pour appuyer sur sa question.

- J'ai déjà essayé, elle continue.

- Je sais, mais peut-être que si l'on y va tous les deux et qu'on fait preuve de plus de subtilité ça marchera.

- Pourquoi avec toi ça marcherait plus qu'avec moi ? Attends une seconde...tu viens de dire que je ne suis pas subtile ?

Je rigole et elle sourit.

- Quand Alexia s'est excusé auprès de toi elle a fait appel à moi.

- Ah.

Son sourire s'évanouit et elle met du temps à répondre. Elle semble réfléchir.

- Très bien, allons s'y.

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