chapitre 8

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Cette soirée n'avait pas été aussi catastrophique que ça, songea Riona enfilant les vêtements qu'elle portait à son arrivée. Elle enveloppa ensuite dans un emballage en cellophane, le précieux livre que Dale lui avait offert en se promettant d'y jeter un œil dès son retour chez elle. Elle le glissa ensuite dans un sac en velours très épais et le rangea finalement dans son sac à dos porte bonheur.

Elle passa brièvement dans la salle de bain, refit sa tresse, dont plusieurs mèches s'étaient échappées et chaussa ses lunettes...Dont elle n'avait absolument pas besoin. Sa vision était parfaite...Mais porter ses lunettes lui procurait un sentiment de sécurité. Personne n'osait s'attarder sur une fille à lunette, mal fagotée, de surcroit.

Elle avait énormément changé en onze ans. Ses cheveux aile de corbeau lui arrivaient au bas des reins et la longue mèche cachant son front et ses yeux, même si elle la gênait, était très utile. Plusieurs fois, elle avait été tentée de les couper pour se sentir plus légère, mais elle n'en avait jamais eu l'occasion, ou plutôt le courage.

Elle prenait un soin particulier à se vêtir de vêtements masculin et assez ample pour dissimuler son corps et surtout ses courbes qu'elle détestait. Combien de fois, avait-elle rêvé d'être un homme...Histoire d'être libre et de ne pas avoir à supporter le regard des autres. Malheureusement, elle était bloquée dans sa condition de femme...Ce n'était pas tant par choix, mais par peur. Au final, elle s'était habituée à n'être remarquée de personne et cela l'arrangeait. Elle pouvait exécuter son travail en paix, sans subir les remarques scabreuses de certains de ses collègues.

En songeant au travail, elle avait été sidéré d'apprendre le métier d'Iris : coiffeuse. Elle se souvenait d'une petite fille puis d'une adolescente d'une timidité maladive...A l'époque, ça avait été un miracle qu'elles se soient liées d'amitié dès le premier jour alors qu'Iris n'osait regarder personne dans cette infernale famille d'accueil. C'était assez déroutant de constater qu'elle avait su contrairement elle, oublier le passé.

Evidement, elle n'avait pas vécu les violences d'Eliot et elle ne le lui reprocherait jamais. Ce qu'elle avait subi, elle l'avait subi aussi pour protéger Iris de ce monstre. Néanmoins, elle enviait un peu sa force de caractère. Elle aurait aimé posséder ne serait-ce qu'un dixième de sa foi en l'humanité...Ne plus croire que ce monde n'abritait que des monstres prêt à fondre sur de pauvres proies sans défense.

Ce genre de réflexion lui fit brusquement comprendre que sa thérapie était loin d'être terminée...En fait, elle n'avait pas avancé d'un iota. Elle était toujours coincée dans le passé, ne parvenait pas à aller de l'avant, craignait toujours qu'Eliot revienne lui faire du mal et l'oblige à manger ces horribles chocolats.

Afin de surmonter ses craintes, Mark, son thérapeute, lui avait conseillé de manger un morceau de ce chocolat. Son estomac se crispait de dégout à cette simple idée. Elle était certaine de ne jamais par-venir à surmonter cette aversion. Elle était trop ancrée en elle, liée à tant de douloureux souvenirs...

Elle sursauta lorsqu'on frappa à la porte de sa chambre, comme une gamine prise en faute. Elle dé-cida de chasser Mark, Eliot et tous ceux qui la dérangeait de son esprit et de passer à une activité beaucoup plus appréciable : son travail, sa bouée de secours dans l'océan déchainé de ses souvenirs.

Elle inspira profondément, plaqua son éternel sourire de façade,− celui qu'elle avait durement appris à maîtriser−, et ouvrit la porte. De ses yeux bleus nuit, Dante la scrutait. Intérieurement, elle sentait sa façade s'ébranler. Son frère avait le don incroyable de pouvoir lire en elle d'un simple regard.

- Creuser dans la pierre pour déterrer tes vieux trucs morts te fera du bien aujourd'hui, marmon-na-t-il, morose.

Ces derniers temps, son humeur oscillait entre la morosité et la colère. Or, elle était la seule envers qui il faisait des efforts. Elle était tant centrée sur ses propres douleurs qu'elle n'avait pas remarqué immédiatement le changement chez son frère. Etait-elle si nombriliste ? A cet instant, elle avait envie de hurler tant son égoïsme lui revenait en pleine figure. Avait-elle si peu d'amour pour ce frère qui avait sacrifié plusieurs années de sa vie pour la délivrer de l'horreur ?

Sombres Héritages-5Où les histoires vivent. Découvrez maintenant