XVII.Mathieu

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Lorsque j'ai sonné à la porte de M.Jefferson, je ne m'attendais pas à voir Rose m'ouvrir. Elle était splendide dans sa robe bustier blanche et noire et ses talons. Ça faisait une semaine que je ne l'avais pas vue, elle ne venait plus travailler et M.Jefferson nous a dit que c'était parce qu'elle avait des examens à passer.

-Bonsoir Rose, lui dis-je avec un grand sourire.

-Bonsoir Mathieu.

-Comment allez-vous ?

-Pas trop mal et vous ?

-Je vais très bien merci.

Je vais ensuite serrer la main de M.Jefferson. Nous discutons un peu tous les trois avant que le reste des invités n'arrive.

-Dîtes-moi, que voulez-vous boire, je demande à Rose par-dessus le bruit des conversations qui résonnait dans la maison.

-Je ne bois pas d'alcool.

-Vraiment ?

-Non, je ne supporte pas ça, un verre d'eau suffira.

Je vais donc lui chercher un verre d'eau puis elle me dit :

-Ça vous dit de sortir un peu, dans un endroit où il y a moins de bruit ?

-Je ne suis pas contre mais pensez-vous que M.Jefferson ne le prendra pas mal ?

-Ne vous inquiétez pas, je m'en occupe.

Elle part ensuite parler à M.Jefferson en lui glissant quelque chose à l'oreille. Il sourit et lui fait un hochement de tête. Elle revient dans ma direction et me dit :

-C'est bon, on peut y aller.

Rose me prend la main et me tire vers l'extérieur. Elle m'emmène derrière la maison, là où se trouvait le jardin et la piscine, et elle s'arrête en regardant tout autour d'elle.

-C'est beau, dit-elle.

-Je suis d'accord avec vous, en plus la pleine lune est au rendez-vous.

-C'est vrai.

-Alors vos examens ?

-Oh...euh...je pense qu'ils ne se sont pas trop mal passés.

-Je pense aussi, vous avez l'air d'avoir des facilités, vous aurez vos examens.

-Je l'espère...

-Et Jules ? Je n'ai pas eu de nouvelles par rapport à votre entrevue.

Le visage de Rose s'est aussitôt refermé. J'en conclus donc que ça ne s'est pas passé comme prévu.

-Ça ne s'est pas bien passé ?

-À vrai dire, j'ai su des choses que je n'aurais pas dues savoir.

-Vous voulez m'en faire part ?

-Et bien lorsque je suis rentré dans son bureau il était en train de faire l'amour à son sous-chef.

-Je suis navré.

-Le pire c'est que ça faisait seulement depuis la veille qu'il l'avait promue, je comprends mieux pourquoi.

Et là j'ai eu un déclic dans ma tête.

-Où travaille Jules ?

-Dans l'agence de voyage de la ville, il en est le directeur.

-Comment était-elle ?

-Euh...brune, les yeux marrons, la peau légèrement basanée.

-Je la connais...

-Vraiment ?

-Je pense que c'était Émilie...

-Quoi ?

-Oui, elle m'a dit qu'elle était devenue sous-chef de l'agence l'autre jour. Et je ne pense pas qu'il y ait trente-six agences dans cette ville.

-Vous pourriez la faire avouer ?

-Oui je peux, je sais comment persuader Émilie de me dire les choses sans que je lui en parle. Il suffit que je sois plus doux et attentionné que d'habitude pour qu'elle culpabilise et qu'elle m'avoue les choses car elle se sentira coupable.

-Je vous en remercie.

-Au pire maintenant nous voilà dans le même bateau.

-Ça je ne vous le fait pas dire. En tout cas si c'est elle, je suis navrée pour vous aussi.

-Oh ! Ne vous en faites pas, je ne m'attache jamais à une femme, on ne sait jamais ce qu'elle peut vous jouer par derrière. On dit que l'homme est à la tête mais la femme en est le cou qui fait bouger la tête quand et comme elle veut.

-Ce n'est pas faux, dit-elle avec un petit rictus, mais ce n'est pas mon genre car je ne suis pas le genre de personne à avoir beaucoup d'amis, je suis une solitaire, je n'ai que mes livres comme véritables amis. Ils sont les plus fidèles puisqu'ils reflètent d'une certaine manière, ce que nous sommes.

-Très belle philosophie.

-Merci.

Tandis que nous regardions la gigantesque piscine de M.Jefferson, je demande à Rose :

-Vous pratiquez une activité sportive ?

-Oui je fais de la danse.

-Depuis combien de temps ?

-Depuis l'âge de dix ans.

-Ça fait un petit bout de temps, vous devez être une danseuse hors paire.

-C'est très aimable à vous.

-Pourquoi la danse et pas un autre sport ?

-La danse est un autre moyen de m'exprimer en dehors de la littérature.

Rose s'avance jusqu'au rebord de la piscine où elle s'assoit avant de retirer ses chaussures et d'y tremper ses pieds. Je la rejoins et m'assois à ses côtés. J'ai l'impression que Rose connaît cet endroit comme si elle y avait grandi. Peut-être M.Jefferson est-il un de ses proches.

-Vous connaissez bien M.Jefferson ?

-Non, enfin de nom oui mais sinon avant d'arriver dans l'entreprise je ne l'avais jamais croisé.

-Vous m'avez l'air plutôt proche tous les deux.

-Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

-Depuis que vous êtes entrée dans l'établissement, M.Jefferson a changé, il est plus ouvert et j'ai l'impression qu'il accepte tout ce que vous lui demandez.

-Je vous assure qu'il n'y a rien entre nous.

Je décide donc d'abandonner. Mes yeux se posent alors sur les pieds de Rose qui étaient toujours dans l'eau. Les ongles de ses orteils étaient recouverts d'une couche de vernis rouge, la même que sur ses ongles de doigts. Ça renforçait son côté féminin, son côté jeune femme. Je la regarde, ses yeux verts reflétaient les rayons de la lune.

-Qu'est-ce que vous avez à toujours me regarder comme ça ?

-Je n'ai pas le droit de vous admirer.

Je pouvais presque la voir rougir malgré l'obscurité et la faible intensité de la clarté de la lune.

-Ne dîtes pas des choses comme ça, dit-elle embarrassée.

-Pourquoi, parce que je dis la vérité ?

Elle me regarde droit dans les yeux. Jamais je ne les ai vus d'aussi près. Mes yeux jonglaient entre son regard et ses lèvres. J'ai soudain eu l'envie de l'embrasser mais je ne savais pas si c'était bien approprié et puis de toute façon, M.Jefferson est venu nous appeler.

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