XXIX.Mathieu

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On aurait dit que le temps s'était arrêté, que tout se déroulait au ralenti. Rose criait, M.Jefferson convulsait, tout n'était que chaos et discorde.

-PAPA ! PAPA !

Papa ? Rose était...sa fille ? Qu'importe, je suis trop tétanisé pour penser à quoi que ce soit d'autre excepté cette horrible scène. Les yeux de M.Jefferson se pose alors vaguement sur moi et articule ses derniers mots :

-Traître.

Et il s'éteint, les yeux ouverts avec une sécrétion blanche sur le coin des lèvres. C'est ensuite au tour de Rose de me regarder, mais j'ai su dans son regard qu'elle n'allait pas être tendre.

-Tu l'as tué !

-Rose...je ne savais pas...

-Bien-sûr ! Tu te tapes la fille du patron pour ensuite avoir la garanti de monter plus haut dans la hiérarchie et prendre sa place ! Ma place devrais-je dire à présent ! Tu avais tout calculé depuis le début !

-Rose, je t'assure que je ne savais rien de tout ça...

-Arrête avec ton visage innocent et si séduisant ! J'étais sur le point de t'annoncer que j'acceptais d'avoir une relation sérieuse avec toi, j'ai bien fait d'attendre encore un peu !

-Rose s'il te plaît écoute moi...

-Non, tu en as assez fait comme ça. Je vais demander à partir plus tôt en Angleterre, cela me fera le plus grand bien, plus je serais loin de toi et mieux ce sera.

Je la laisse sortir, je n'essaye même pas de la retenir, ça ne servirait à rien. Mais en tout cas il fallait que je sache qui a fait ça. Quelques minutes plus tard, deux hommes en uniforme, entrent dans le hall suivis de Rose.

-Arrêtez cet homme.

Je me laisse faire. Les policiers me passent les menottes et me disent :

-Nous allons vous emmener en garde à vu et vous serez soumis à un interrogatoire afin d'expliquer la raison de votre acte.

Je secoue la tête en signe d'approbation et ils me guident jusque dans la voiture de patrouille. Ils m'installent sur la banquette arrière puis démarrent. J'ai tout juste le temps de regarder dans le rétroviseur pour apercevoir Rose. Elle avait les mains croisées et fixait la voiture qui partait indifférente. Une fois hors de mon champ de vision, je n'ai pu m'empêcher de laisser couler quelques larmes. Tout allait si bien, pourquoi moi ? Après une demi-heure de route, la voiture se gare sur un immense parking. Les deux policiers descendent, me font sortir de la voiture et m'emmène à l'intérieur d'un grand bâtiment. Je marche la tête baissé, j'ai perdu toute force de me tenir droit. Les deux agents parlent à une femme qui tape ensuite sur un clavier d'ordinateur et quelques minutes plus tard je me retrouve dans une cellule de garde à vue. C'est petit, inconfortable, les gens défilent en me reluquant de haut en bas, se demandant ce que j'ai bien pu faire, en pensant que je suis un criminel, mais il n'est rien de tout ça. Je le jure sur ma propre vie. Pendant ce qui m'a paru une éternité, je n'ai cessé de regarder mes mains liés avec ces foutus bracelets d'argent. J'ai également réussi, non sans mal, à sortir mon portefeuille et à y prendre les deux mots que Rose m'avait écrits. Le premier avec sa trace de rouge à lèvre lorsqu'elle m'avait donné son numéro et le deuxième quand elle m'avait dit qu'elle était partie pour l'université avec ce « Je t'aime ». Le pire dans l'histoire, c'est qu'elle me l'a formulé à voix haute en disant qu'elle était prête à accepter une relation sérieuse. Qu'avais-je fait pour mériter ça ? Les deux hommes reviennent me chercher et m'annoncent :

-Nous allons vous conduire dans une salle pour effectuer un interrogatoire.

Je les regarde à peine et me lève afin de les suivre. J'entre ensuite dans cette petite pièce que nous voyons tous dans les séries policières qui passent à la télévision. Oui mais Mathieu, ce n'est pas la télévision. Je m'assois sur la chaise noire, devant la table qui trônait dans cette pièce monochrome, illuminée par une faible lumière, rendant cet endroit encore plus oppressant. Un homme en costar cravate entre et s'appuie sur la table face à moi.

-Bonjour monsieur.

Je ne réponds rien.

-Quel est votre nom je vous prie ?

-Mathieu Coleman, dis-je faiblement.

-Votre âge ?

-Vingt-sept ans.

-Votre métier ?

-Je travaille dans la banque qu'entretenait M.Jefferson, vous ne savez déjà pas tout ça ?

-Désolé monsieur mais toutes ces informations doivent sortir de votre plein gré. Vous étiez proche de la victime ?

-Oui, j'étais l'employé le plus proche de M.Jefferson.

-Qu'est-ce qui vous a poussé à agir ainsi.

-Vous savez, il faut un coupable pour tout, et il faut croire que c'est moi que l'on a choisi pour ce crime.

-Vous prétendez donc n'y être pour rien dans cette histoire ?

-Non, je n'y suis pour rien.

-Racontez-moi les faits s'il vous plaît.

-Nous étions tous les trois, Rose, M.Jefferson et moi-même. Nous discutions et M.Jefferson a proposé de boire le café tous ensemble. Je me suis porté volontaire pour aller chercher les trois boissons. J'ai donc rempli trois gobelets et je suis retourné vers Rose et M.Jefferson. Après avoir trinqué, M.Jefferson a bu une gorgée de sa boisson et c'est là que tout s'est empiré.

-Il se trouve néanmoins que vous êtes le premier à vous être servi de cette machine. Vous faites donc un suspect de taille. Aviez-vous des relations avec cette Rose ?

-Oui, nous étions amants, enfin disons que nous venions tous les deux de sortir d'une relation amoureuse et nous avions pour projet de se mettre ensemble mais le destin en a décidé autrement.

-Qui est-elle exactement ?

-Elle était la secrétaire et la fille de M.Jefferson.

Puis une idée me traverse l'esprit, après tout, n'était-ce pas elle la coupable, elle qui avait une relation bien plus proche que la mienne avec M.Jefferson et qui voulait le plus rapidement possible prendre la tête de la banque. Et bien Rose, on dirait que plus tu grandis, plus ta petite fleur laisse place à tes épines.

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