XXXI.Mathieu

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Je me réveille avec un atroce mal de dos. Le lit de ma cellule n'est pas le plus confortable que je connaisse. Malgré la douleur insoutenable, je reste allongé en regardant le plafond couleur vert d'eau, cela m'aide à ne pas tomber dans la folie. Je ne sais pas quelle heure il est, je ne sais pas quel jour nous sommes, je ne sais pas combien de temps j'ai dormi, je ne sais pas depuis quand je suis ici, je n'ai plus aucune notion du temps. Passe-t-il lentement ? Rapidement ? Je ne sais point. Tout ce que je sais c'est que je vais être sûrement jugé pour un crime que je n'ai pas commis. Au bout d'un certain temps, un policier entre dans ma cellule pour m'annoncer :

-Suivez-moi, nous allons vous soumettre à un nouvel interrogatoire.

Je le suis sans un mot et retourne dans la même pièce oppressante de la dernière fois. Je m'assois de nouveau sur la chaise qui m'était proposée. Tandis que je fixe mes mains, un homme entre et pose un dossier sur la table avant de dire d'une voix grave :

-Nous avons effectué l'autopsie de la victime. Les résultats ne sont pas satisfaisants pour vous.

-Allez-y.

-Nous avons retrouvé dans son estomac une quantité importante de strychnine. C'est un extrait de noix vomique, fruit du Strychnos nux-vomica. À faible dose, il s'agit d'un remède homéopathique, augmentant les amplitudes respiratoires et accroit le goût, l'odorat et la vue. Seulement, si on dépasse les 0.2 milligrammes par kilogrammes, l'agent incorporant une telle dose, est soumis à des spasmes musculaires après dix ou vingt minutes environ, commençant par la tête, le cou, de fortes douleurs, convulsions, arrêt cardiaque et mort par asphyxie. Il se trouve donc que M.Jefferson a été exposé à une dose de 1 milligramme par kilogrammes ce qui lui a valu la mort immédiate. De plus, M.Jefferson prenait ce traitement homéopathique, avez-vous eu accès à son traitement récemment ?

-Je ne savais rien de tout ça, je n'étais même pas au courant qu'il était sous traitement ! Comment aurais-je fait pour lui voler ses médicaments si je l'ignorais !

-Alors que faisaient les comprimés dans le tiroir de votre bureau ?

-Pardon ! Vous voulez rire j'espère ! Je n'ai pas touché à ces foutus cachets !

-Calmez-vous M.Coleman !

-Que je me calme ?! On m'accuse d'un meurtre que je n'ai pas commis, je risque une peine considérable mais je dois rester calme ?!

-Je vous prie de me parler sur un autre ton !

-On voit bien que la justice accomplie merveilleusement bien son travail ! Dîtes-moi monsieur l'agent, combien d'innocents avez-vous enfermés derrière les barreaux par erreurs ?

-Cela suffit M.Coleman ! Vous serez jugez pour le meurtre de M.Jefferson !

Je ne peux m'empêcher de lâcher un rictus amer.

-Rigolez tant que vous le pouvez M.Coleman, il se peut qu'il ne vous reste plus beaucoup de temps.

-Alors enfin je serais libéré de cet infâme fardeau.

L'enterrement de M.Jefferson se fera trois jours plus tard, je ne pense pas m'y rendre car je ne pense pas que je serais le bienvenu, mais je compte tout de même me confesser sur sa tombe à la fin de la cérémonie. Je ne sais si Rose se rendra à l'événement mais j'espère sincèrement qu'elle y sera, la voir une dernière fois avant mon procès me ferait le plus grand plaisir. Avoir comme dernière image son visage, ferait de moi l'homme le plus heureux. Mais pour l'instant je devais croupir dans cette cellule. Rose assistera-t-elle à mon procès ? Si oui, sera-t-elle pour ou contre moi ? Aura-t-elle pris conscience que le coupable n'est pas moi ? Qui cela peut-il bien être ? Pourquoi m'avoir visé moi ? Tant de questions sans réponses. De nombreuses heures plus tard, un agent est venu me dire que j'avais de la visite. J'ai osé espérer l'espace d'un instant qu'il allait s'agir de Rose mais ce n'est tout simplement qu'Émilie. Je la regarde droit dans les yeux derrière le verre épais qui nous sépare. Elle avait une mine triste mais je ne crois pas à son jeu d'actrice. Elle prend le combiné et moi le mien et elle entame la conversation sur un ton pathétique.

-Comment vas-tu ?

-Merveilleusement bien comme tu peux le voir.

-Tu as beaucoup changé.

-Dans quel sens ?

-Tu es maigre.

C'est vrai que je n'avais rien mangé depuis un certain temps.

-Et ta pilosité faciale se laisse à désirer.

-Excuse-moi, c'est vrai que nous sommes dans un salon de beauté ici, dis-je de manière ironique.

-Mathieu, est-ce vraiment toi qui a fait ça ?

-NON ! Combien de fois va-t-il falloir que je le répète !

-Calme-toi.

-Arrêtez de me dire de me calmer !

Je me passe les mains sur le visage pour ne pas laisser la folie et l'emportement prendre le dessus.

-Si ce n'est pas toi, pourquoi alors tout t'accuse ?

-Toi aussi tu crois tout ce que l'on dit ?

-Non je ne le crois pas.

Alors que je lève le regard sur elle, je vois un sourire sournois se dessiner sur son visage.

-Puisque je connais la vérité, dit-elle tout bas.

-Qu'est-ce que tu as fait pauvre idiote ?

-Je ne suis pas seule dans l'histoire.

-Dis-moi !

-Vois-tu, je me suis faite licencier par Jules, je l'ai menacé mais en tant que bonne âme que je suis, je lui ai proposé un marché.

-Quel genre de fourberie lui as-tu proposée ?

-Il voulait retrouver Rose et je te voulais, alors le seul moyen de vous avoir de nouveau à nos côtés, était de vous diviser. Seulement le seul point qui vous liait directement était votre patron et étant le père de Rose, sa mort provoquerait chez elle un bouleversement immense. Jules qui avait pas mal observé M.Jefferson, m'a informé de son traitement. Il n'avait plus qu'à se faire passer pour l'employé qui changeait le café dans la cafetière et pendant que toi tu servais les verres, j'ai caché les comprimés dans ton bureau. J'ai ensuite rejoins Jules et nous sommes partis ni vu ni connus.

Je perds mon sang froid et cogne contre le verre, tentant de le briser afin de lui faire la peau. Mais notre actrice a appelé à l'aide et les policiers m'ont immobilisé.

-Cette fois c'est sûr, vous êtes condamné M.Coleman.

Je regarde ensuite Émilie partir, fermant la porte de ce qui était mon tombeau.

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