Partie 4

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22:41. 

Sous la pleine lune de Syrie, nous marchons vers le nord du pays. Une boussole appartenant à la mère du soldat nous guide depuis maintenant 4 bonnes heures. Nous ne nous sommes pas arrêtés une seule fois. Même les garçons ont réussi à tenir le coup. Ils se parlent entre eux et rigolent. Ils ont le même âge. La mère et moi discutons aussi sereinement. Nous avons dépassé la frontière libanaise nous pouvons donc être tranquilles et ne pas avoir peur de se faire attraper. Nous ne savons  pas où nous allons aller. Ici en Syrie, la vie est paisible et aucun conflit n'a vu le jour depuis 2017 avec les terroristes et Daesh et j'en passe. Depuis ce jour la Syrie est un pays calme et apaisé qui retrouve le sourire au fur et à mesure et qui retrouve aussi ses habitants qui avaient quitté les lieux pour leur sécurité. Quand j'y réfléchie, je me dis que nous aussi peut-être, nous reviendrons sur notre terre et que cette vie ou plutôt cet enfer sera un lointain souvenir. Ils n'y croyaient pas et la population mondiale aussi n'y croyait pas et pourtant aujourd'hui la Syrie est un des pays les plus heureux d'après les derniers pronostics. Nous allons peut-être trouver le bonheur dans ce pays qui sait ? 

La famille du soldat souhaite partir en Europe. Je réfléchie à leur proposition en me disant que ça serait une bonne idée sachant que le français nous le parlons mon petit frère et moi et que nous n'aurons donc aucun barrière au niveau de la langue. J'hésite encore j'ai un peu peur d'être totalement dépaysée. En Syrie, l'islam est la première religion tandis qu'en Europe elle est un peu dénigrée. Je pense encore à ces images que je voyais en cours de français lorsqu'ils nous montraient Paris et ses magnifiques sculptures ou édifices dans les rues. Ce serait un magnifique cadeau d'anniversaire pour mon frère qui a toujours rêvé de partir en France et surtout Paris. Mais pour y aller il nous faudrait un moyen nous n'allons tout de même pas continuer de marcher des kilomètres pour réussir à atteindre le sol français. Je suis coupée dans ma réflexion par les cris des garçons qui sautent dans tous les sens en souriant. 

- Y A DES CARS Y A DES CARS ! 

Je tourne ma tête vers l'endroit où les garçons regardent. C'est vrai. Des bus sont devant nous et embarquent plusieurs réfugiés libanais. Je sens une main se poser sur mon bras gauche et je tourne mon visage vers sa provenance. 

- Tu as réfléchi ? 

C'est la mère du soldat qui me regarde avec un grand sourire et les yeux qui brillent. Je ne pensais pas que des cars allaient être présents et mis à disposition pour nous. Je ne sais même pas où ils emmènent. Qui me dit que ce n'est pas un piège ? Je la regarde et baisse mon visage au sol pour réfléchir. J'ai besoin d'être sûre et de ne pas me tromper. Je ne veux plus que ma vie et surtout celle de mon petit soit un enfer. Notre malheur a assez duré comme ça. Je relève la tête et regarde mon petit frère. Il fixe les bus avec son nouveau copain. Ses yeux brillent et sa bouche laisse apparaître un magnifique sourire. Un sourire que je n'avais plus eu l'occasion de voir depuis des années. Cette scène me rend heureuse et me donne envie d'avancer vers les cars. Je retourne mon visage vers la mère du soldat et d'un regard elle me fait comprendre qu'on doit tout de même essayer et ne pas laisser passer une telle chance de pouvoir vivre peut-être un bonheur... Je décide de tenter cette chance et d'avancer vers un homme qui donner des feuilles aux réfugiés avant qu'ils ne montent dans les bus. 

- Svp ? 

- Oui ? 

- Euh... Ce bus emmène où ? 

- En France à Paris ! 

- ... 

- La capitale de Paris ! C'est une très jolie ville ! 

- ... 

- Vous voulez un ticket ? 

Je regarde son ticket qu'il me tend de sa main droite. Plusieurs personnes attendent derrière lui et se plaignent du fait que je ne prenne pas le ticket et qu'ils doivent attendre à cause de moi. Je remarque que l'homme commence un peu à s'énerver et il me le fait comprendre. 

- Bon soi tu le prends soi y a pleins de personnes ici qui le veulent ! 

Je tourne mon visage vers mon petit frère et remarque qu'il tend sa main à l'homme. 

- On en veut 4 svp ! 

L'homme prend 4 tickets et écrit des mots incompréhensibles dessus. Il les donne à mon petit frère et se retourne pour servir les autres. Je me retourne vers mon frère et le fixe. 

- Bassam ? 

- On n'a quand même pas fait tout ce chemin pour rien ! 

- Je sais... 

- Eh bah si tu sais prenons le bus ! 

Je le regarde et comprends qu'il faut que je suive son conseil. Il me tend un ticket et je me dirige vers le bus. Tout le monde se pousse mais je tiens fermement la main de mon petit. Un moment je sens que sa main s'enlève de la mienne mais il me tient par le pull. Je continue d'avancer et réussie enfin à monter dans le bus. Nous sommes très très serrés et j'ai du mal à voir mon petit frère. Une femme est collée à moi mais pas loin de nous je remarque une silhouette qui ressemble à celle de mon frère. Nous ne sommes pas à côté mais au moins il est avec moi. Les portes du bus se ferment et il démarre. Plusieurs personnes perdent l'équilibre et tombent sur tout le monde. Je réussie à me tenir à une rembarre accrochée au plafond. 

| 29 septembre 2028, 19:26 | 

- OH ! 

- AH ! 

- ALLAHÛ AKBAR ALLAHÛ AKBAR ! 

Les portes du bus s'ouvrent et nous laissent enfin sortir de ce bus. 2 jours qu'il roule vers la France et qu'il ne s'est pas arrêté une seule fois ! Personne n'est sortie mais vraiment personne ! Quand les gens voulaient aller aux toilettes, ils devaient se retenir. Pour la nourriture nous nous sommes partagés le peu que nous avions. Nous étions très solidaires mais il est temps pour nous de nous séparer. 

Je réussie enfin à sortir du bus. Mon sac sur le dos, je leve les yeux vers ce nouveau paysage que j'ai en face de moi. Une grande tour apparaît devant mes yeux et quelques ruelles se dessinent devant moi. Je suis à Paris ! Je profite de cette vue que j'avais toujours rêvée de voir un jour dans ma vie. Je finis par m'arrêter et me retourne pour chercher mon petit frère. Personne n'est parti depuis avant nous devons attendre que les policiers français nous disent quoi faire et nous envoient dans des foyers conçus pour nous. Je profite alors de leur discours pour regarder partout où est mon petit frère. Pas là ! Il n'est pas là ! Je cherche encore et encore, je demande à tout le monde si ils n'ont pas vu un petit en le décrivant, je vois des familles pleurer, un homme pleure dans ce soin et n'écoute même pas le discours des policiers. Je le fixe sans comprendre et m'arrête de chercher. Un policier continue de parler et je tourne mon visage vers lui. 

- Vous êtes partis du Liban avec votre famille. 

- ... 

- Votre frère, votre sœur, votre mère, votre père, votre cousine, votre cousin, votre voisine, votre voisin, votre femme. Mais le trajet vers l'Europe vous a séparé. 

- ... 

- Vos pleurs montrent à quel point vous étiez attachés à eux. 

- ... 

- Vous avez commencé le trajet ensemble... 

D'un air triste et par un seul regard se dirigeant vers moi il rajoute : 

- Vous allez devoir le finir seul ! 

Le Garçon et La MigranteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant