Partie 26

6.5K 756 45
                                    


23:19.

- Boutheïna ? Boutheïna il t'arrive quoi là ?

- Bassam, Bassam, Bassam...

Je le regarde sans lui répondre. Il doit me prendre pour une folle. Je ne fais que répéter la même chose. 'Bassam, Bassam, Bassam'. Il ne dit rien et comprend que je ne vais pas bien. Il se relève et prend mon sac et mon téléphone puis me prend la main. Je le suis sans parler. Je lui tiens fortement la main comme si c'était celle de mon petit frère. Il remarque que je ne parle pas et que je suis vide de tout. On se dirige vers sa voiture et il met mes affaires dans le coffre puis m'ouvre la porte côté passager et je m'installe dedans. Je fixe le tableau de bord. Il entre dans la voiture, ferme la porte puis se retourne vers moi.

- Boutheïna qu'est-ce qu'il y a ?

Je ne réponds pas. Je n'arrive pas. Mon cerveau entend, des paroles se forment dedans mais rien ne veut sortir. J'ai l'impression d'être morte, vide de l'intérieur. Il pose sa main sur mon visage et au contact de sa peau, je me recule légèrement. Je le regarde puis ferme les yeux. Je sens mes larmes monter et dans la seconde qui suit j'éclate en sanglot. Il s'approche de moi et prend ma tête pour la déposer sur son torse. Je me laisse faire je n'ai pas la force de m'enlever. Il me caresse les cheveux et me dépose de légers baisers sur ma tête.

- Chuuuut.

- Bassam... Je... Veux... Bassam...

- Chuuuut Boutheïna... Qu'est-ce qu'il va pas ?

- Bassam...

- Bassam ? C'est qui ?

- Bassam...

Il me détache de lui et met ma tête en face de la sienne. Il pose ses mains sur mes joues puis me fixe droit dans les yeux.

- Boutheïna qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Je ne fais que suffoquer.

- Boutheïna dis moi qu'est-ce qu'il y a ?

- Bassam... Je devais le voir et je l'ai perdu...

- Mais c'est qui Bassam ?

- Bassam Bassam c'est...

- C'est... ?

- C'est mon frère...

- Et il a quoi ton frère ?

- Je l'ai perdu...

- Perdu comment ça ?

- Perdu... Perdu...

- Chuuuut calme toi !

Il me repose ma tête sur son torse puis me caresse à nouveau les cheveux. Je me calme petit à petit.

- Qu'est-ce qu'il a ton frère ?

Je ferme les yeux et prends une grande inspiration. Personne ne sait pour mon frère mis à part Sarah et Laura. Hassan n'a jamais été au courant pour mon histoire je ne lui ai jamais expliqué. Je décide de tout révéler sans m'arrêter.

- Quand je me suis échappée du Liban j'étais avec mon petit frère Bassam. Quand on a voulu prendre les bus qui étaient mis à disposition pour nous emmener en France je croyais l'avoir dans mon bus mais il n'y était pas. Je me suis rendue compte de ça que lorsque je suis arrivée à Paris. J'étais triste et dépitée et je me suis échappée alors qu'on devait nous prendre en charge. La nuit où tu m'as tapé avec la porte j'étais entrain de m'échapper. Je suis partie et je suis revenue grâce à toi au gymnase. Je dors là-bas, vis là-bas depuis un bon bout de temps sans mon frère mais avec des milliers de réfugiés. La police essayait de le trouver mais en vain j'ai donc décidé de le chercher moi-même. C'est là où je me suis perdue dans ton quartier. Je suis retournée au gymnase par la suite. Mon but de le retrouver était toujours le même. Je pensais énormément à lui mon cœur se resserrait lorsque je revoyais son visage dans ma tête. Je suis quand même retournée en cours. Je pensais toujours à lui même lors de mes repas. Avant entre midi et deux j'ai mangé avec Sarah. En sortant du restaurant, une femme m'a attrapé par le bras et m'a demandé si je n'avais pas un frère qui s'appelait Bassam. Mon cœur a fait un bon en avant. Elle m'a ensuite révélé qu'il était chez elle, qu'il se portait bien, qu'il allait même au collège et qu'il s'était fait des amis. J'étais heureuse Hassan, très heureuse si tu savais... Alors la femme m'a dit qu'elle habitait à Lyon mais qu'elle avait un train vers 17:37. Je lui ai dit que je serai là et que je trouverai une solution pour prendre un billet. J'ai réussi à en avoir un Hassan. J'avais mon billet. À 17:35 j'étais entrain de me diriger vers le quai. Les gens étaient tellement nombreux et surtout ils parlaient entre eux. Il y en avait qui n'allaient pas prendre le train en direction de Lyon mais restaient quand même planté là et me bloquaient le passage. À 17:37 je suis arrivée en face de la porte. Quand j'allais poser mon pied, elle s'est fermée et un homme qui s'occupe des trains s'est placé devant moi et m'a dit...

Je m'arrête. Je n'arrive plus à continuer. Je ferme les yeux et respire fort.

- Et t'as dit...

- Il m'a dit...

Je place ma main sur ma bouche en vitesse. Je bloque tout pleure qui essaye de sortir de moi. Je ne suis pas bien. Mes yeux se replissent de larmes. Il me regarde avec tristesse puis me dit :

- Le train va partir... C'est ça ?

Je hoche de la tête et recommence à pleurer tout en gardant ma main sur ma bouche. Il prend ma tête et la place sur son torse puis me caresse de nouveau les cheveux et me rassure. Je le sens réfléchir à quelque chose. Je ne saurai dire quoi mais je sais qu'il réfléchit à quelque chose. Il me relève la tête puis me regarde dans les yeux.

- Boutheïna regarde moi !

Je relève mes yeux vers lui. Je ne prête même pas attention à mon aspect. Je dois faire peur je dois juste être horrible. Il enlève une mèche de mes cheveux qui était depuis tout à l'heure sur ma figure et la place derrière mon oreille droite. Il sèche chacune de mes larmes avec ses mains puis prend un mouchoir et m'aide à m'essuyer encore plus. Je m'arrête de pleurer mais je me sens faible. Il le ressent.

- Boutheïna on va aller à Lyon !

Je relève mes yeux vers lui. J'ai cru mal entendre n'est-ce pas ? C'est juste impossible ! Il va m'emmener à Lyon ? Lyon la ville où je devais être à l'heure actuelle ? Il se place correctement de manière à être bien en face de moi.

- On va aller à Lyon là maintenant tout de suite !

- Mais... Mais comment ?

- Avec ma voiture !

- Mais on... On peut pas !

- Pourquoi on pourrait pas ?

- Tu peux pas... Je veux pas...

- Tu veux pas pourquoi ?

- C'est pas possible... C'est la nuit et tu devrais pas être là avec moi Hassan...

- Et alors si c'est la nuit ? Tu crois j'ai jamais pris la route de nuit ? Quand je vais au bled avec mon père et ma mère je roule la nuit c'est pas une première !

- Oui mais tu as envie d'aller là ce n'est pas pareil...

- Qu'est-ce qui n'est pas pareil ?

- Tu avais peut-être prévu quelque chose d'autre tu ne devais pas être là avec moi à m'entendre pleurer et essuyer mes larmes tu devais t'amuser et profiter de ta soirée avec tes copains et moi je t'embête.

- Dis pas ça Boutheïna tu m'embêtes pas du tout ! Je le fais avec plaisir je te jure !

Je le regarde sans parler. Il met sa ceinture puis prend la mienne et l'attache. Je le regarde faire. Je ne le lâche pas du regard. Il prend son téléphone et envoie un message à quelqu'un puis le pose. Il allume sa voiture et regarde en face de lui. Il finit par se retourner vers moi.

- On va juste passer chez moi je monte en deux secondes je prends quelques affaires juste de quoi tenir ce week-end et ensuite on prend la route.

Je ne réponds toujours pas. Il retourne son visage et commence à rouler. Au bout de quelques mètres il arrête la voiture et se retourne vers moi puis place sa main gauche sur ma joue droite. Il approche ma tête de ses lèvres et place un léger baiser sur mon front. D'une voix fine et chuchotante il me murmure entre deux baisers sur mon front :

- Je ferai tout pour toi Boutheïna, TOUT, pour que tu retrouves le sourire quand tu es avec moi !

Le Garçon et La MigranteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant