17:25.
- Bassam allez !
- Attends laisse moi prendre le coran au moins !
- Oui dépêche toi prend le deuxième !
Il me tend un des deux coran tandis qu'il en garde un. Je referme correctement mon sac et le met sur mon dos et place le sac de mon frère sur le sien de sorte à ce qu'il soit plus à l'aise.
*BOUM*
- AAAAH !
- Chut Bassam c'est rien allez !
Nous regardons une dernière fois notre maison de l'intérieur et sortons par l'arrière de sorte à ne pas être repérés par les soldats. Nous n'avons pas le droit à la fuite de peine de se faire tuer ou rouer de coups mais si nous arrivons à la frontière sans se faire repérer, les soldats n'ont plus aucuns pouvoirs sur nous et nous sommes libres d'effectuer ce que bon nous semble.
Je tiens la main gauche de mon frère en même temps que nous courrons. Il est calme et n'est pas du tout un fardeau pour moi. Nous ne voulions pas quitter notre village natal loin de là mais nous nous étions promis qu'à la prochaine bombe lancée nous prendrions nos affaires et partirions de l'endroit. Ça nous fait mal au cœur mais notre vie oblige. Nous nous faufilons un peu partout et arrivons à la sortie du village. Je tiens fermement la main de mon frère tout en regardant à droite et à gauche à chaque fois pour voir si nous sommes en sécurité. Il est serein enfin il essaye de refléter cet aspect. Je le regarde une dernière car je sais que nous allons devoir courir un long trajet sans nous arrêter. D'un regard rempli d'espoir mélangé à de la peur, il me chuchote :
- On y est presque ukhty (ma sœur) !
Sa phrase me redonne le sourire et je le prends dans mes bras directement. Nous restons comme ça pendant environ une trentaine de secondes jusqu'à ce qu'une autre famille du village arrive. Eux aussi échappent à cet enfer. D'un regard nous nous comprenons et un léger sourire de compassion apparaît sur chacun de nos visages. C'est peut-être la dernière fois que nous les voyons...
- Boutheïna allez !
Mon frère me tire légèrement le bras pour me faire rappeler à l'ordre. Il faut qu'on y aille. Je lui souris puis ressors ma tête sur le côté du mur derrière lequel nous sommes cachés. Personne n'est là nous pouvons donc avancer sans problèmes.
- Allez !
Nous courons en essayant de faire le moins de bruit possible. Nous courons et courons sans nous arrêter et en ne pensant qu'à une vie meilleure. Mon frère et moi sommes forts en course à l'école nous avons toujours été les plus forts en sport. Pour nous courir n'est pas un problème malgré le poids de nos sacs. Je l'entends souffler et je fais de même.
18:34.
Inspirer, expirer, inspirer, expirer ! Voilà c'est ce qu'on répète depuis maintenant quarante minutes sans nous stopper. Nous sommes un peu fatigués, la fatigue commence à faire surface et la peur est toujours omniprésente. Je fixe un point loin de moi et continue de courir en me répétant 'tu vois le point là-bas ? Bah tu dois arriver à le toucher ou le voir de plus près'. Je suis à fond dedans je ne veux rien perdre. Je suis tellement dans un monde fermé que je ne remarque pas que mon frère me tire par le sac.
- Boutheïna !
- Hein ? Quoi ? Bassam t'arrêtes pas faut pas t'arrêter une fois que tu t'arrêtes t'as du mal à reprendre allez !
- Non mais...
- Bassam !
- Boutheïna on est arrivés à la frontière regarde !

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Le Garçon et La Migrante
Genel KurguBoutheïna, jeune fille libanaise âgée de 26 ans et vivant seule avec son petit frère âgé de 14 ans, travaille en tant que dentiste dans un petit village se situant au nord du Liban. Jeune fille dynamique et très généreuse, elle reste tout de même co...