Partir 25

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17:37.

- On ne peut plus rien faire nous sommes désolés !

Je me recule en continuant de regarder droit dans les yeux l'homme en face de moi. Le train commence à rouler petit à petit et en une seconde je ne le vois plus en face de moi. Il est bel et bien parti. C'est juste impossible. Je ne comprends pas comment ni pourquoi. J'ai longuement attendu ces retrouvailles et quand j'y arrive enfin on m'en en prive. C'est juste inconcevable, impossible, impensable. J'aimerais suivre ce train et partir devant lui et lui faire des signes de main pour lui dire 'stoppe toi ne pars pas ouvre moi les portes je dois rentrer à l'intérieur' mais je ne peux pas.

Je ne parle plus je ne fais que fixer cet homme. Il ne comprend rien de ce qui se passe. Il doit être habitué à voir des personnes rater leur train mais voir une personne qui vient de rater son train pour une raison très importante jamais. Si il savait que j'étais ici pour retrouver mon frère que j'ai perdu, j'en suis sûre qu'il aurait tout fait pour arrêter le train mais malheureusement il ne sait rien de tout ça. Il se rapproche de moi et dépose sa main droite sur mon bras gauche.

- Mademoiselle ça va aller ?

Je le regarde sans répondre. Il s'attend à quoi ? Que je le regarde en souriant et que je lui dise 'oui très bien la forme et vous'. Il voit bien que je ne vais pas bien alors pourquoi demander ? Il attend un bon petit bout de temps puis quand il remarque que je ne lui répondrai pas, il s'en va me laissant là entourée de milliers de personnes attendant leur train. C'est de leur faute si je n'ai pas pu passer. Certains étaient là entrain de discuter ou attendre le prochain train sauf qu'il ne laissaient pas passer les personnes souhaitant prendre le train en direction de Lyon. Les gens sont égoïstes et ne pensent qu'à eux mêmes. Je sens des larmes couler sur mes joues. Je ne les enlève pas je n'ai pas envie. Cette fois-ci ma peine est encore plus grande qu'avant. J'ai l'impression d'avoir perdu mon frère deux fois de suite sans que je m'en rende compte. La première fois c'était à cause des bus puis la seconde fois à cause d'un train. Toute les fois où je le perdrai ça sera dans un véhicule différent ? Je ne sais plus quoi penser j'ai juste besoin de me reposer. Il faut que je m'assois un peu le temps de retrouver des forces. Je cherche du regard un banc et en trouve un à l'autre bout de la gare. Je dépose mon sac près de moi puis sans que je me retienne, j'éclate en sanglots en plein milieu de la gare devant des centaines de personnes. Certaines s'approchent de moi et me demandent si je vais bien mais je leur réponds pas. Je n'ai pas envie je veux juste que vous me laissiez tranquille.

Je ne comprends pas pourquoi on me prive tout le temps de ce que j'ai de plus cher à mes yeux ? Allah n'éprouve que ceux qu'Il aime certes mais moi j'ai l'impression qu'Il ne veut pas m'éprouver pour me montrer qu'Il m'aime mais plus pour me punir de certaines choses que j'ai faites ou dites. Je ne comprends plus rien je suis définitivement perdue. Je sens mon téléphone portable vibrer. Je regarde et lis 'Appel entrant : Laura'. Je devais leur envoyer un message une fois dans le train pour leur dire que je suis bien arrivée et surtout bien placée à l'intérieur. Ah si elles savaient les deux, elles seraient à mes côtés entrain de pleurer aussi. Je ne réponds pas à l'heure appel et continue de m'apitoyer sur mon sort. Je pleure encore une fois toutes les larmes de mon corps. Je reste là des minutes et des minutes sans faire attention aux gens qui m'entourent.

22:56.

Je suis encore assise à la même place que tout à l'heure. Les minutes se sont transformés en heures. Je n'ai pas réussi à bouger ni à me déplacer quelque part et encore moins à revenir au gymnase. Je préfère rester ici. Les larmes ont arrêté de couler depuis quelques bonnes minutes déjà. Je reste tout de même inerte à ce qui se passe autour de moi. Je ne prête attention à rien et certainement pas aux différents passagers qui sortent ou entrent dans les différents trains.

Je me suis éloignée des quais. Je suis à l'intérieur même de la gare, assise sur le même banc et toujours le même mouchoir dans la main droite. Mon regard ne cesse de fixer le sol en face de moi. Mon téléphone continue de sonner. Je devais arriver à Lyon déjà depuis 2 heures et je devais appeler Laura et Sarah mais je ne l'ai pas fait. Elles s'inquiètent je pense mais ne se doutent pas une seule seconde que je suis encore à la gare. Je prends mon téléphone et remarque que mes yeux sont rouges et enflés. La tristesse que j'ai au plus profond de mon cœur se fait voir sur mon pâle visage. Je parle toute seule. Je me retrouve à dire tout bas 'Bassam' ou encore 'pourquoi'. Ces deux mots se répètent constamment dans ma tête et dans ma bouche. Je pose mon téléphone à côté de moi et fixe le sol encore une fois en répétant encore et toujours 'Bassam'. Les gens doivent me prendre pour une malade mais je ne contrôle rien de tout ce qui se passe à l'heure actuelle.

J'entends des rires au loin et remarque que ce sont des garçons. Ils sont heureux et j'aimerais tellement être à leur place. Au bout de quelques minutes, les rires disparaissent et je me retrouve une nouvelle fois seule sans personne autour de moi. Une femme de ménage s'approche de moi et me demande si je vais bien. Je ne lui réponds pas et ne la regarde même pas. Mon état est pitoyable et surtout déplorable. Je suis tout simplement horrible. Elle s'en va et me laisse encore une nouvelle fois seule. Je répète encore et toujours la même chose toujours en fixant le sol. Mes yeux sont enflés et rouges mais aucune larme ne sort. Je me retrouve à me bercer seule de gauche à droite comme si le prénom de mon frère était une berceuse. Au bout d'un certain temps j'entends des pas se diriger vers moi. Quelqu'un est derrière moi. Je ne bouge pas et je ne sais pas pourquoi. Je continue de chantonner et de fixer le sol. Peu importe ce qui m'arrivera ce soir je n'ai plus rien à perdre de toute façon. La personne avance et contourne le banc pour se mettre devant moi. Je la sens me fixer. Elle se baisse et se met accroupi en face de moi. Je continue de me bercer et de chantonner mais cette fois-ci je détourne mon regard vers elle. Elle dépose ses mains sur mes mains et ouvre grand les yeux.

- Boutheïna ?

- Bassam, Bassam, Bassam...

Hassan est devant moi.

Le Garçon et La MigranteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant