Partie 5

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20:03. 

D'un regard vide, je fixe l'officier de police qui vient tout juste de finir sa phrase. Mon cerveau a compris le message mais mon cœur ne veut pas l'entendre. Je sens une main se poser sur mon épaule droite et je tourne mon visage vers une femme accompagnée de son fils qui doit avoir dans la vingtaine. Elle me regarde avec compassion en bougeant légèrement sa tête en guise de soutien. Je tourne mon visage vers le reste du monde et remarque que plusieurs personnes font le même geste aux autres personnes ayant perdu un membre de leur famille. Alors j'ai réellement perdu Bassam ? Il était avec moi dans le bus, il était là, j'avais vu son reflet et ses cheveux. Je ne comprends pas. Je me suis laissée aller à l'envie de découvrir le monde, l'Europe, la France et j'en ai délaissé mon propre frère, mon sang... Je me détache de cette femme et cours un peu partout chercher encore une fois. Quand un enfant est de dos je le retourne même sans l'autorisation de sa famille. Certains sont choqués, d'autres s'énervent et les plus intelligents comprennent. Je ne cesse de chercher partout mais en vain... Mon cerveau reçoit une décharge ! C'est sûr que les policiers savent où sont les autres bus. Je décide de partir vers les officiers qui fouillent les sacs et attribuent des places à chacun de nous dans le bus. 

- Les autres bus ! 

- Pardon ? 

- Les autres bus ! Les autres ils sont... Ils sont où ? 

- Je ne comprends pas mademoiselle de quoi est-ce que vous parlez ? 

- Les autres bus ! 

- Mais lesquels ? 

- En Syrie ! 

Il leve les yeux vers le ciel comme pour réfléchir. Peut-être que chez les occidentaux c'est une habitude lorsqu'ils utilisent leur intellect. Il me regarde et finit par prendre la parole. 

- Les bus qui étaient en Syrie c'est ça ? 

- Oui oui ! 

- Vous avez perdu un proche c'est ça ? 

Je baisse mon visage sans contrôler mon geste. Il se mord les lèvres mutuellement puis reprend la parole. 

- Les autres bus n'ont pas comme destination Paris ! 

- Comment ça ? 

- Chaque bus avait une destination particulière ! Celui que vous avez pris était direction Paris tandis que les autres étaient Lyon ou Nice ou Toulouse ou Lille ou même un autre pays y avait l'Allemagne et l'Espagne ça dépend ! 

Je le regarde sans répondre. Mon frère n'est même pas sur Paris ? Ma haine envers moi s'accentue. Je n'aurais jamais dû lui dire de me tenir. Il aurait dû marcher devant mes yeux et moi marcher derrière lui en le tenant. Nous aurions été dans le même bus et à l'heure actuelle tous les deux sur Paris. Il me regarde puis finit par partir me laissant seule ici sans personnes. Je ne connais personnes ! Même la mère et le petit frère du soldat ne sont pas là. Eux aussi ont disparu ! J'espère de tout cœur qu'ils sont avec mon petit frère. Qu'il ait un repère, un être avec lui et une épaule sur laquelle se reposer. Je pars vers un rocher et m'assois en fixant le sol. Certaines personnes veulent me parler et me demandent des choses mais je ne comprends pas lesquelles. Je n'ai pas la tête à réfléchir à quelque chose et encore moins à communiquer. J'ai désormais la certitude que mon petit frère n'est pas dans la même vol que moi ou encore pire le même pays ! 

21:46. 

Mon regard toujours dirigé vers le sol, j'entends les milliers de réfugiés accueillis dans ce grand gymnase discuter ou rigoler. Certains dorment ou prient ou lisent le coran tandis que les autres ne parlent pas mais leur tristesse oui. Les autres c'est nous ! Nous ? Ces réfugiés ayant perdu un membre de leur famille. C'est une sensation horrible. Un être avec lequel on a eu l'habitude d'être tout le temps et de rigoler, disparaît du jour au lendemain sans laisser de trace et quelque chose nous permettant de le retrouver. 

Une femme et un homme vêtus d'un gilet orange fluo s'approchent de moi. Ils me sourient et je souris légèrement. J'essaye de sourire et je souris très légèrement, rectification ! Ils s'installent à mes côtés et me regardent. 

- Vous voulez manger ? 

Je baisse la tête et la bouge de droite à gauche en guise de non. Ils ne parlent pas au début mais le garçon me redemande encore une fois. 

- Vous êtes sûre ? 

Je hoche de la tête pour lui montrer que je n'ai réellement pas faim. Ils comprennent tout de suite qu'ils auront beau faire tous les efforts du monde, je ne mangerai même ne serait-ce que la taille d'une miette de pain. Ils me déposent un plateau à mes côtés si par la suite une petite faim se ferait ressentir. Je les regarde partir et me soutire en guise de compassion. 

23:29. 

Tout le monde dort. Enfin une bonne partie des réfugiés a fermé les yeux. Je les regarde tous un à un. Des fois je remarque que des enfants dorment ensemble et qu'il y a un garçon et une fille qui se tiennent ou qui dorment de manière à être très proches. À chaque fois un sourire se dessine sur mon visage. N'est-ce pas magnifique cette relation qu'un frère et une sœur puissent avoir ? 

Je n'arrive pas à m'endormir je n'en ai pas l'envie. Je décide de prendre mon sac et de le remplir. J'ai besoin de prendre l'air. J'essaye de ne pas me faire repérer et réussis tant bien que mal à arriver à la porte. Les réfugiés qui dorment par terre ne me laissent pas la tâche facile. J'ouvre la porte et un vent tape min visage. Je sais qu'en France le climat n'est pas du tout le même que celui du Liban. Je remets donc correctement la veste que les aides françaises nous ont donnée. Je marche sans savoir où je suis. Tout ce que je sais c'est que je suis à Paris ! Je visite chaque ruelle tout en repensant à mon petit frère et en essayant d'imaginer ce qu'il aurait pu faire. Sauter, rigoler, s'amuser, prendre des photos. Il aurait fait tout ça en quelques secondes. Je n'arrive pas à y croire. C'est trop dur pour moi. Trop de complication pour ma petite personne. Dieu m'éprouve mais depuis trop longtemps... Je pensais que j'allais vivre enfin heureuse à Paris au moins le temps d'une journée mais le destin était contraire. 

Je ne sais vraiment pas où je suis. Je continue de marcher sans me soucier d'être suivie. Au bout d'une bonne heure de marche je sens une forte présence derrière moi. Je me retourne à plusieurs reprises mais personne n'est là. Je continue de marcher mais je sens quelqu'un derrière moi. Ma peur fait surface. Normal je suis une fille, seule, le soir à minuit et quelques minutes, dans des ruelles de Paris. Je suis juste la parfaite proie ! Je commence à marcher vite et décide de passer à côté de morceaux de verres pour voir si l'homme qui me suit sera intelligent ou non et passera dessus. Bim tombé dans le piège. Je me retourne et nos visages sont maintenant l'un en face de l'autre. Nos regards sont liés. Je remarque qu'il tient dans sa main une batte. Je souffle un bon coup et commence à courir le plus vite possible. Ses pas se font entendre et lui aussi est fort en course. Je cours je cours sans m'arrêter et sans chercher à comprendre vers où je vais. Mon unique but est d'échapper à cet homme. Je continue de courir le plus vite possible et décide de monter sur un trottoir. Là, plusieurs voitures sont garées et certains restaurants sont ouverts. J'essaye de crier mais je n'y arrive pas. Je continue de courir et remarque qu'à quelques centimètres devant moi se trouve une chicha. Je dois essayer de passer sur la route pour éviter de me faire taper avec la porte. Je regarde sur les côtés si il n'y a pas un endroit où je pourrai passer mais rien du tout je suis obligée de passer et continuer mon chemin par là. Je continue de courir sans m'arrêter et en priant Dieu de m'aider. Je repense à mon petit frère et à mon ancien village et à ma vie d'avant. Une ultime question me vient en tête : N'aurait-il pas été préférable de subir la dictature de ce nouveau président liba... 

*BOUM* 

Le Garçon et La MigranteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant