Le Garçon et La Migrante

Partie 30

- Alors ?

- Euh... Non enfin oui...

Il secoue sa tête en souriant et en plissant les yeux. Il se fout de moi. Il me met énormément mal à l'aise. Je ne parle plus et ne le regarde même plus. J'essaye au maximum de ne pas croiser son regard. Il essaye de me déstabiliser je le sais très bien. Il s'enlève de devant moi pour se décaler légèrement. Au moment où je m'apprête à entrer dans la salle de bain, il me tient le bras et se place derrière moi. Il touche mes cheveux puis s'en va d'un coup s'habiller. Je respire un bout coup puis entre dans la salle de bain une bonne fois pour toute. Je ferme la porte en vitesse et souffle. J'essaye de souffler sans faire de bruit je ne veux pas qu'il m'entende. Je l'entends prendre une ceinture. Je me dépêche de prendre mon parfum et regarde mon visage dans le miroir. C'est vrai qu'il est très beau lorsqu'il sort de la douche. Il est même magnifique. Mais de quoi je parle ? Je suis complètement malade. Déjà juste avant lorsqu'il dormait je le regardais et je le trouvais beau et là c'est de nouveau parti pour un tour. Il ne faut pas que j'oublie que je suis ici pour mon frère il ne faut pas que je me laisse distraire.

Je sors de la salle de bain après lui avoir demandé si je pouvais en sortir. Quand je le vois, j'ouvre en grand mes yeux. Il est entrain de se coiffer devant un miroir du salon. Il a lui aussi mis une chemise blanche et un pantalon noir. Il est vraiment très beau. Il se retourne une fois qu'il m'a aperçu.

- Ça va ?

- Hamdoulah...

- Hamdoulah c'est tout ? D'habitude tu dis et toi !

- Aaah euh oui enfin et toi ?

- Hahahahahaha !

Il rigole mais ne me répond pas. Je sais à quoi il pense. Il sait très bien que je le trouve beau et que si je ne réponds pas correctement ou vaguement c'est parce qu'il me fait un certain effet. Il en joue. J'essaye de ne pas tomber dans ce piège. Ce n'est pas moi qui dois tomber c'est lui. Il finit par se coiffer puis prend sa veste et se met devant moi.

- On y va ?

Je hoche de la tête et prends ma veste à mon tour. Nous sortons en veillant bien à fermer la porte de la chambre. Nous nous dirigeons vers le parking et entrons dans la voiture. Je me sens un peu stressée je ne suis pas vraiment bien. J'ai peur de ne pas retrouver mon frère une nouvelle fois. Hassan doit sentir que je ne me sens pas bien puisqu'il me prend la main.

- T'inquiète pas Boutheïna, insh'Allah on va le retrouver !

Je lui souris légèrement. Mon sourire n'était pas sincère il n'était pas concret. Je sais au plus profond de moi que j'aurai énormément de mal à le revoir. Si ça se trouve je n'arriverai même pas à le retrouver ce week-end. Lyon est une immense ville elle est énorme il y a une grande population. Je ne sais pas comment nous allons faire mais j'essaye au maximum de rester positive et de me faire croire que je vais réussir à le retrouver.

20:47.

Nous arrivons dans le cinquième quartier. Nous essayons toutes les cités même les moins peuplées. Pour l'instant nous n'avons rien trouvé. Nous demandons si ils ne connaissent pas une famille ayant hébergée un jeune garçon réfugié. Les langues se délient vite dans les quartiers. Tout le monde peut être au courant de tout en un instant.

Nous sortons d'une cité et nous dirigeons vers la voiture. Je marche la tête baissée. Hassan me suit derrière. Je suis dépitée. Je suis fatiguée et je suis triste. Tout ce que nous faisons ne sert à rien. Je l'ai vraiment perdu. J'ai perdu mon petit frère. J'ai perdu Bassam. Je rentre dans la voiture et m'installe. Hassan arrive et prend sa place de conducteur. Il n'allume pas le contact. Il reste là, assis et silencieux. Je ne parle pas non plus. À quoi bon ? Je sens Hassan me regarder. Je ne me retourne pas vers lui.

- Boutheïna ?

- ...

- Boutheïna t'inquiète pas insh'Allah on va le retrouver on fait pas tout ça pour rien !

- ...

- Faut juste qu'on attende un peu je pense que si on cherche encore plus on pou...

- Non !

Il s'arrête de parler. Il me fixe.

- Je ne veux plus !

- Comment ça tu veux plus ?

- Je veux plus chercher !

- Haha qu'est-ce que tu racontes là ?

- Je veux plus chercher Bassam !

- Quoi ? Mais t'es malade toi je crois hein ! T'es juste énervée c'est pour ça tu dis ça !

- Non je ne suis pas énervée je suis sûre de ce que je veux !

- Donc là maintenant tu veux plus ?

Je ne réponds pas. Pourquoi je ne veux plus ? Je ne sais pas ! Ma décision est complètement folle, incroyable, hallucinante. Je ne comprends pas pourquoi ma réaction est négative. Je ne suis pas comme ça d'habitude mais là je change complètement.

- On peut retourner à l'hôtel ?

- Moi j'y retourne pas !

- Hassan j'ai vraiment envie de retourner à l'hôtel tu as très bien vu de tes propres yeux on a du mal à le retrouver c'est horrible ça me fait mal j'ai vraiment mal au cœur Hassan je le montre pas mais cette journée m'a fait énormément de peine je veux juste m'arrêter un instant...

Il me regarde sans parler. Il se frotte le visage de ses deux mains puis frappe le volant.

- Putain !

Je baisse la tête et ferme les yeux. Je ne voulais pas en arriver à la. Loin de là je voulais vraiment continuer j'étais plus que déterminée à le retrouver mais cette grande détermination s'est éteinte à petit feu. Il allume le contact puis prend la route sans m'adresser la parole. Nous arrivons à destination quelques minutes plus tard. Il sort de la voiture et claque la porte derrière lui. Je le sens distant. Il ne veut même plus me regarder dans les yeux. Nous montons dans notre chambre. En arrivant il jette sa veste sur le lit et se dirige vers la baie-vitrée.

- Je suis désolée je voulais pas en arriver à là je te jure que j'étais vraiment déter...

- C'est l'anniversaire de ma mère !

- ...

- Aujourd'hui c'est l'anniversaire de ma mère ! J'ai raté l'anniversaire de ma mère exprès pour t'emmener à Lyon pour qu'on le retrouve !

Je baisse la tête. Je n'étais pas au courant de ça. Je m'en veux énormément. Je savais qu'il ne fallait pas partir à Lyon je le sentais. Il a voulu me rendre heureuse mais je l'ai déçu... Il se retourne et se dirige vers moi puis reste en face de moi sans parler.

- Je savais pas...

- ...

- Je pensais pas que c'était l'anniversaire de ta mère...

Il reprend sa veste et sort de la chambre en claquant la porte sans me répondre. Je m'installe sur le lit et met mes deux mains sur mon visage.

J'ai réussi à te perdre Bassam et à perdre Hassan aussi !