Le Garçon et La Migrante

Partie 16

19:35.

- Mademoiselle ?

- ...

- Mademoiselle ? Est-ce que ça va ?

- ...

- Mademoiselle !

J'entends une voix répéter toujours le même mot... «Mademoiselle». Cet être couché et inerte devant moi, n'est autre que le fils de la femme qui a effectué son voyage avec nous. Je suis vraiment alarmée et triste de voir ça. Je ne sais même pas si elle est au courant... J'ai mal au cœur et je n'arrête pas de le regarder. Plus rien n'existe autour de moi. Je sens une main se déposer sur mon épaule et une autre sur mon bras. Je ne peux pas répondre à leur élan de sagesse. Je ne sais plus quoi faire et surtout quoi penser... Mon frère est peut-être dans le même cas que lui et moi je suis ici, entrain de m'attarder sur mes 'études', au lieu de le chercher ! Je me remets en questions et je pense que la meilleure des décisions serait d'arrêter les cours et ce stage. Je ne pourrai jamais le retrouver si je continue ce stage. Ce qui m'embête encore plus c'est ce stage est une énorme chance pour moi que je ne pourrai jamais revoir de toute ma vie. La France est un pays assez strict et je ne peux pas me permettre de quitter ce stage dans la faculté de médecine. Mais mon frère est peut-être mort et je ne sais toujours rien de lui. C'est quand même fou de ne pas avoir de nouvelles de lui. Les autorités réussissent à récupérer des informations de plusieurs personnes qui étaient portées disparues mais je n'arrive pas à avoir de nouvelles de mon petit frère.

Je sors de mes pensées et tourne mon visage vers l'infirmière.

- Il fait parti de votre famille ?

Je continue de la fixer sans répondre. Je n'arrive pas à lui répondre et lui donner une réponse négative. Elle comprend que je ne peux pas parler et elle décide donc de me prendre par la main pour m'emmener vers une chambre se situant au deuxième étage.

- Quand vous vous sentiez prête je serai là pour parler ! D'accord ?

- Mmh...

Elle me sourit puis elle s'en va me laissant seule dans la chambre. Je scrute un peu chaque recoin puis décide de me coucher un instant le temps de me reposer un peu. Je ferme les yeux et me laisse emporter loin de tout, histoire d'oublier cette épreuve que je viens de passer et histoire de me remettre en question sur un avenir que je rêvais tant !

23:42.

- Je ne pense pas !

- Pourtant elle était assez choquée !

- Je pense que c'est un proche mais son frère... Mmh mmh !

- Mouais...

J'ouvre les yeux et remarque que deux infirmières sont présentes dans ma chambre. Elles discutent entre elles tout en remettant correctement un repas devant moi. Je me lève doucement et une des deux infirmières se dirige vers moi.

- Ah bonsoir ! Vous avez bien dormi ?

Elle sourit tout en m'aidant à me relever. Je remarque que l'autre infirmière se dirige vers moi avec une sorte de table qui se déplace grâce à des roues et qui se positionne juste au dessus du patient. Elle la recarde correctement sur moi puis me regarde.

- Ça va allez ?

Je la regarde sans répondre. Je ne sais pas quoi répondre tout simplement parce que je n'ai pas compris dans quel sens elle posait la question. Est-ce qu'elle me demande si je vais bien par rapport à la mort de ce petit garçon ou si je vais bien par rapport au positionnement de la table. Elle comprend que j'hésite entre les deux réponses puis rigole légèrement.

- Je parlais de la table !

Je baisse la tête puis hoche de celle-ci. Elle murmure un petit "bien" puis s'en va me laissant seule dans la chambre avec l'autre infirmière qui s'occupe de me placer correctement les couvercles. Je la regarde faire sans parler. Une fois fini, elle me regarde puis me fixe sans parler. Je continue de fixer en face de moi le repas que l'on m'a préparé. Elle voit très bien que je n'ai pas envie de parler et elle décide de partir en baissant la tête comprenant peut-être mon mal être !

23:58.

Encore 2 petites minutes et un nouveau jour verra le jour. U nouveau jours ans mon frère, sans mon sang. J'ai très mal de penser encore à ça. La mort de ce garçon me donne envie de vomir... Me dire que j'ai délaissé mon frère pour pouvoir me faire une place dans la société française c'est totalement... Totalement... Dégoûtant de ma part ! J'aurais dû partir à sa recherche seule et ne pas attendre que les officiers de police le retrouvent. Ils n'arrivent pas à faire leur travail correctement. Ils ont pourtant une chance énorme de pouvoir avoir des moyens incroyables que ce soit au niveau recherches ou autre. Je ne comprends vraiment pas pourquoi ils mettent autant de temps à le retrouver. Ils devraient poser des questions à tous les migrants. Savoir leur prénom, leur nom, leur âge et j'en passe ! Ils ne sont pas capables de faire ça et ils nous laissent attendre alors que nous avons besoin de réponse et le plus vite possible. C'est affreux. C'est un sentiment horrible de perdre une personne chère à ses yeux sans savoir où elle est. De ne rien savoir de ce qu'elle fait et surtout de comment elle vit...

| 11 octobre 2028, 00:00 |

Ça y est. Un nouveau jour vient de se réveiller. Un nouveau jour sans lui. Je fixe le mur en face de moi. Je n'ai même pas touché à la nourriture qui était posée devant mes yeux. Je n'ai pas la force de manger et surtout l'envie n'y est pas. Je n'ai pas envie de rester dans cet hôpital. Il faut que je me bouge. J'ai besoin de dégourdir mes jambes et pour une raison particulière. Je décide de déplacer la table puis de sortir du lit. Je remets correctement mes chaussures et ma veste puis décide de sortir de cette chambre. Le couloir est vide, il n'y a même pas l'ombre d'une infirmière ou d'un médecin. Tant mieux comme ça on me posera moins de question et tout sera meilleur pour moi. Je cherche la sortie en suivant les indications sur le mur puis la trouve enfin. L'air frais me frappe au visage et un sentiment de libération me traverse tout le corps. C'est tout simplement magique ! Je marche lentement comme si je profitais de chaque instant et de chacun de mes pas. Je décide de me diriger vers le centre-ville. Je n'ai pas envie de rentrer au gymnase. Ils doivent se demander où je suis mais tant pis je ne veux pas y retourner.

Je marche sans me retourner et sans me poser de questions. Au bout d'une trentaine de minute, une envie soudaine me prend. Une envie à laquelle je réfléchis depuis que je suis arrivée à l'hôpital et que je me suis assoupie. Je m'arrête quelques secondes en fixant devant moi l'air pensive et les bras croisés. Mon frère a besoin de moi et j'ai besoin de lui. Notre distance a trop duré. Il est temps pour nous de nous retrouver et pour cela je dois le rechercher mais cette fois-ci sans l'aide de personne, rien que moi et... Moi !