Prologue

3.6K 143 28
                                    


Dans la forêt, j'emprunte silencieusement le chemin de terre sinueux qui longe les sapins. Je suis en alerte, à l'affût du moindre bruit, du moindre signe d'un animal tapi dans l'ombre des buissons. Mon ventre crie famine. Les yeux plissés, je guette autour de moi; l'arc placé dans une main, prête à décocher une flèche. Ma respiration est lente et posée, les mèches qui s'échappent de ma tresse me chatouillent le visage. J'attends. Rien.  

Soudain, j'entends un bruissement. Mes aptitudes en chasse me permettent immédiatement de localiser la source sonore. Je me retourne. L'agitation des feuilles d'une fougère d'un vert étincelant s'estompe peu à peu. Le soleil filtre à travers la forêt épaisse. Une perle de sueur glisse lentement sur mon front. La fougère est agitée d'un nouveau mouvement.

C'est un faisan de taille moyenne. Je le reconnais à son plumage. J'arme ma flèche. Inspirer, expirer. Inspirer, expirer. Avancer doucement. Ne pas faire de bruit. Stabiliser le léger tremblement de ses mains. S'apprêter à tirer.  

La réflexion du soleil sur la marre qui se trouve quelques mètres plus loin m'éblouit. Je cligne des yeux. Dans un dernier effort de concentration, j'oriente l'arc dans la bonne direction. Sûre d'atteindre ma cible, je décoche ma flèche. Le faisan est touché, tente de s'échapper en agitant ses ailes, en vain. Alors que je m'en approche afin de décocher une dernière flèche pour lui éviter de longues souffrances, un cri résonne dans la forêt. 

Un long cri, glacé de terreur, tremblant de peur : "Katniss !". Effrayés par le vacarme, les oiseaux s'envolent par dizaines dans le ciel, abandonnant leurs nids au creux des arbres. Mon cœur se met à battre à tout rompre dans ma poitrine. Les mains moites et froides, l'arc que je tenais si fermement dans mes mains quelques secondes plus tôt tombe sur le sol dans un bruit sourd. Je reconnais cette voix. C'est elle. "Katniss !", hurle la voix à nouveau.

Primrose. Je me mets à courir dans sa direction. Mes jambes sont sur le point de se dérober. Ma vision se brouille. Les larmes me brûlent les yeux. Les branches me griffent le visage. Sa voix se rapproche. Au bout de quelques minutes qui me semblent interminables, je distingue sa silhouette dans une prairie. 

Au moment où je l'aperçois, un bip régulier brise le silence. Un parachute argenté que je ne reconnais que trop bien descend lentement dans les airs. Terrorisée, je cherche à courir rejoindre Primrose pour essayer de la protéger, mais mes jambes ne répondent plus. Je veux crier pour la prévenir du danger qui la guette, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je suis  paralysée. Incapable de faire quoique ce soit, mis à part regarder le parachute se rapprocher de plus en plus du sol. 

Bip. Bip. Bip. Primrose me supplie :  "Sauve-moi ! Sauve-moi !". Bip. Bip. Je suis prise d'une migraine insoutenable, qui trouble tous mes sens et me donne la nausée. "C'est ta faute !" hurle Primrose. Bip. Bip. "Tout cela est de ta faute !". Sa dernière phrase est noyée dans le vacarme assourdissant de l'explosion. Propulsée en arrière, la douleur assaille tout mon corps. Je n'entends plus rien. Ni le coassement des corbeaux qui planent au-dessus de ma tête, ni le craquement des arbres en flammes, ni mes propres vagissements. Il est trop tard. Primrose est morte. Ma vision rétrécit. Le noir se fait autour de moi, je ne distingue plus que des formes floues et lointaines... Je m'enfonce dans les ténèbres, lentement, douloureusement...

Will love find a way?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant