L'horloge de Dillermo, située à ce qui pouvait ressembler à une sorte de centre ville, affichait 8h du matin. Il était encore tôt, et si les festivités ne débutaient pas avant 10h, nous savions tous qu'il n'y avait pas une minute à perdre pour se mettre en place. Accompagné de mes parents, j'arrivais au lieu de rendez vous, prêt à rencontrer mon destin. Mon père me serra la main, tandis que ma mère me fit un dernier baiser sur la joue, avant de s'orienter dans la salle, vers le carré réservé aux familles. Quant à moi, je me mis en chemin pour rejoindre tous les participants de la cérémonie. Je me nourrissais de l'espoir d'y croiser Réro, mais l'euphorie qui régnait dans les rangs me destabilisait, et m'empêchait de me concentrer correctement sur mes recherches. Et, alors que je m'employais à ratisser les visages jusqu'à trouver le bon, une main sur mon épaule me fit ressortir de ma tâche. En me retournant, je me retrouvai face à face avec Réro. J'étais ravi de pouvoir le voir, avant que notre avenir ne se mette en marche. Il me demanda comment je me sentais, et si la peur me rongeait l'estomac, je ne pouvais pas lui montrer, sous peine de lui faire ressentir un stress qui n'était pas le sien. Réro, quant à lui, m'avoua être angoissé. Il m'attira alors à l'écart de la foule, comme s'il voulait me délivrer un dernier message, que personne ne devait entendre et répéter.
Je vis dans ses yeux l'incertitude, l'envie de bien faire, et l'incapacité à s'y résoudre. Il m'expliqua que, durant la nuit, l'idée de s'enfuir lui avait effleuré l'esprit. Sur le moment, je pris cela pour une blague, avant de comprendre tout le sérieux de ses propos. Réro n'avait rien de courageux, et s'échapper demandait un peu plus qu'une simple réflexion. Je le mis donc en garde, lui rappelant que ceux qui ne respectaient pas les règles, finissaient d'office en tant que sacrifié. Réro en était persuadé, quoi qu'il ferait, son sort était déjà scellé, et il finirait par être emmené à l'usine. Je n'avais aucun pouvoir pour lui assurer le contraire, pas plus que pour le sauver de cette situation.
Durant un bref instant, j'ai dû envisager de l'aider à s'enfuir, puis, je suis revenu à la raison. Conscient qu'en plus de signer son arrêt de mort, j'allais probablement m'occuper du mien également. Réro me supplia, au nom de notre amitié de toujours. Et lorsque j'ai fini par solder son argumentaire à coup de négation, j'ai senti une colère s'emparer de lui. Mon meilleur ami, celui qui avait confiance en moi, celui qui était convaincu que je pourrais mourir pour lui, prenait en conscience que je n'étais peut être pas la personne qu'il voyait en moi. M'apercevoir de ce qu'il pouvait soudainement penser de moi, me fit culpabiliser. Et avant même que je ne pu ajouter quelque chose, Paride nous interrompit, pour nous inviter à prendre place.
Réro fut conduit à son rang. Je pouvais le voir depuis le mien, mais nous ne pouvions plus communiquer. Plus son regard se posait sur moi, plus je ressentais la sensation d'un poignard planté dans mon coeur. L'avais je trahit en refusant de l'aider ? Je m'interrogeai, tout en continuant d'espérer qu'il finirait par devenir un ouvrier, ou un référant, et que tout irait bien, pour lui comme pour moi.
Mais je n'avais plus le temps pour toutes ces considérations. J'entendis retentir la musique d'introduction de la cérémonie. Au dessus de nous, les participants et le public, les lumières s'éteignirent. Seule la scène, et les gens qui s'y trouvaient, étaient alors visibles. Je vis Paride arriver, accompagné de quelques figures emblématiques de Dillermo, représentants tous les corps de métier de la population. Nous savions alors que les destins étaient scellés, et que seuls eux savaient déjà ce que l'avenir nous réservait. Après un discour d'ouverture peu intéressant, offert par le plus vieux des ouvriers, Paride repris la parole, et débuta alors la réelle cérémonie des fonctions. Il commença par appeler, un à un, les prénoms de ceux qui allaient devenir ouvriers. Les noms défilaient, mais celui de Réro n'était jamais prononcé. J'angoissais alors de l'imaginer ne pas être ouvrier. cette séquence fut la plus longue, car la majorité des habitants de Dillermo était faite pour exercer cette profession.
Puis, Paride poursuivit avec ceux qui allaient devenir référants. Contrairement aux ouvriers, seules 3 personnes étaient élues pour le devenir, et là encore, Paride n'invita pas Réro à rejoindre son nouveau groupe, sa nouvelle vie.
Il ne restait donc plus que deux options pour mon ami. Soit il allait devenir mon concurrent dans le rang des rapporteurs, soit il allait tomber dans l'oubli, en se faisant mener à l'usine des sacrifiés. Cette seconde option n'était pas possible pour moi. Je jetais un dernier regard vers Réro, comme si je venais de comprendre que j'avais peut être fait une erreur, en refusant de l'aider à s'enfuir, avant la cérémonie. Mais mes inquiétudes ne faisait pas ralentir le train des festivités, et plus les secondes passaient, plus l'étau se resserrait. Mon nom fut appelé en cinquième position. Il ne restait donc plus qu'un seul petit espoir pour Réro. Et soudain, contre toute attente, Paride prononça son nom. Réro devint ainsi mon concurrent, et échappa à l'usine, de peu. Pour autant, je n'étais qu'à moitié soulagé, conscient que mon ami n'avait en rien l'étoffe d'un rapporteur. Mais au moins, nous allions être ensemble, et j'allais pouvoir lui offrir mon aide dans son périple.
>>>> A suivre - Chapitre 6 : La formation <<<<
VOUS LISEZ
DILLERMO
Science Fiction"Dillermo, c'est une sorte d'immense cuve, bien entourée par de grands rochers, nous permettant de nous terrer dans cet endroit, devenu le seul lieu de vie n'étant pas encore tombé dans un état totalement sauvage, à notre connaissance." Dillermo est...