Chapitre 31 - La porte

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Mes pieds avançaient sans retenue vers toutes mes réponses. J'avais bien conscience que de me laisser m'égarer dans un tel lieu pouvait remettre en question l'intégralité de la survie de tout le peuple. Mais celui ci méritait il mon abstention ? C'était ce même peuple qui n'était pas disposé à m'écouter, ou à prêter attention au destin de Réro. Mes propres parents, et les siens, étaient restés de glace face à tout ça. Toutefois, une petite partie de moi ne pouvait s'empêcher de réfléchir à l'inverse. Et si, après avoir actionné la poignée, je me retrouvais réellement face à ce monde hostile que l'on m'avait décrit à l'extérieur ? Si c'était là le réel passage pour rejoindre cette autre partie du monde ? Si je ne pouvais plus jamais faire machine arrière ? Tant de questions qui ne réussirent malgré tout pas à m'éloigner de cet endroit. Je pris enfin une grande inspiration, puis je fis le vide dans mon esprit. J'ouvris la porte, les yeux fermés cette fois, comme pour me permettre de garder, pour quelques secondes encore, un peu de mon innocence.

Sans rien voir, j'entendis de nombreux bruits indescriptibles, et de nombreuses voix. Une chose était sûre, soit les sacrifiés vivaient ici, peut être même plus en paix que nous autres, soit devant moi se trouvaient les hommes censés être sauvages, et qui ne l'était visiblement pas, puisque j'étais toujours debout, en un seul morceau. Peu importe ce que cela allait être, je savais à présent que nous n'étions pas seul, et qu'il y avait bel et bien une autre forme d'existence au delà des tunnels. Et celle ci semblait refléter un chaos de mille voix différentes.

Je n'osais toujours pas ouvrir les yeux, de peur de me confronter à une réalité qui n'était pas la mienne, et qui ne devait pas l'être.

Puis, j'entendis une sirène, comme une sorte d'alarme pour prévenir d'un danger imminent. J'étais, sans nul doute, cette menace pour laquelle on alertait tout le monde. J'ouvris alors les yeux, une fois encore emporté par mon besoin de savoir, et je découvris des hommes, en habit de probable militaires, pointant leurs armes sur moi, comme si je venais de m'enfuir de la prison que j'avais si longtemps pris pour ma maison. J'éprouvais des difficultés à respirer, tant je venais de réaliser que le moindre mouvement de ma part, pourrait être pris comme une attaque à leur encontre. Pourtant, je sentais que l'angoisse qui était la mienne, était relativement partagée par les gens se trouvant face à moi. Je n'étais pas prévu, je ne devais pas me trouver là à ce moment précis. Lior m'avait guidé à l'endroit où personne ne voulait me voir. J'avais forcément fait dérailler le fil des événements qu'ils avaient prévus.

Derrière les militaires, se trouvaient nombre de personnes, dont je ne reconnaissais aucun des visages. Ils se cachaient derrière les plus forts et les plus armés. C'est d'eux dont venait les plus grandes craintes, je ne pouvais en douter. Ils avaient comme cessés de vivre au moment précis où ils avaient remarqués ma présence. Le décor, quant à lui, me fit découvrir des écrans un peu partout. Etait ce un laborathoire investit d'une mission bien précise ? Ce qui aurait expliqué le terme de "sacrifiés", qui étaient guidés ici pour servir la cause humaine. Et alors que je me focalisais sur cette drôle de découverte, et cette foule de visages inconnus, je sentis quelqu'un se faufiler derrière moi, dans le but de me neutraliser. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je fus allongé au sol, les mains coincées dans mon dos, tel un délinquant que l'on viendrait d'appréhender. Je n'essayais même pas de me débattre, je savais que cela serait peine perdue. Je sentais les regards glisser sur moi, comme si j'avais commis la pire des fautes en ce bas monde, en pénétrant dans ce lieu interdit.

Mais je ne pouvais m'empêcher de me repasser les images que j'avais vu, lorsque j'étais encore debout, face à tous ces gens que je voyais pour la première fois. Et tous ces écrants partout, derrière eux, à quoi pouvaient ils bien servir ? Comment était ce possible qu'au sein de Dillermo, nous ne profitions pas de l'électricité, tandis qu'ici, celle ci semblait un peu tout relier. Si je sentais en moi un début de culpabilité, je ne pouvais m'empêcher d'avoir cette nouvelle certitude : ici régnait un mensonge bien plus grand que tout ce que j'avais pu imaginer jusque là.

A peine le temps de me faire cette réflexion, que l'on me couvrit la tête d'une sorte de sac en tissu, afin que je ne puisse pas en voir plus que de raison. J'ai senti mon corps se soulever quelques secondes après, hissé par des bras forts et puissants, qui m'entouraient pour me faire glisser jusqu'à une nouvelle destination inconnue. Les silences autour de moi, de ces gens qui m'ouvraient probablement le passage, étaient si bruyants, que mon coeur commença à ressentir des pulsations très fortes. L'inquiétude me gagnait à nouveau, sans que je ne puisse en faire profiter mon corps pour se débattre. J'étais simplement figé, paralysé, à l'idée de ce qui m'attendait, maintenant que j'avais franchis cette frontière impénétrable, pour laquelle je n'étais plus du tout sûr d'avoir été prêt un jour.

Mon corps se fit trimballer ainsi, de couloir en couloir. C'est du moins ce que j'en imaginais, faute de voir. Les hommes qui se chargeaient de mon cas ne disaient aucun mot. Tout semblait être réfléchit, milimétré, du moment où ils m'avaient ligoté les mains, masqué le visage, jusqu'à l'endroit où ils avaient décidé de m'emmener. J'entendis le bruit d'une chaise glisser sur le sol, et mon corps se faire poser dessus sans la moindre douceur. Mon visage toujours recouvert, j'entendis la porte se refermer, et il ne me fallut pas longtemps avant de comprendre que j'étais seul, dans cette pièce étrangère.

Dans le couloir, je pouvais deviner le bruit des pas d'hommes, parfois de femmes à en croire les talons qui frappaient le sol, dont aucun ne projetait visiblement de s'arrêter pour venir me voir. L'attente me parue une éternité. A tel point que je finis par me demander si je n'allais pas, tout simplement, finir ma vie dans cet endroit, sans jamais plus rien voir de ce qui m'entourait. Et, alors que les heures passées me faisaient presque perdre la tête, j'entendis enfin la porte s'ouvrir. 

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