DILLERMO

Chapitre 21 - Paride

Il était l'heure de se remettre dans le bain de la formation. Nous savions que le repos de la veille était une exception. Nous étions donc tous fin prêts à affronter cette nouvelle journée d'apprentissage. C'est alors que, comme la veille, c'est le pas lourd de Paride que nous avons entendu s'approcher de notre chambre. Toujours avec la même indélicatesse, celui ci entra dans la pièce.

- Tous à l'entrée des tunnels dans 15 minutes. Les retardataires seront automatiquement disqualifiés de la formation.

Paride ne semblait pas d'humeur à rigoler et nous étions ainsi prévenu. Nous pouvions sortir d'ici, simplement en commettant une petite erreur de timing. Heureusement, nous étant bien reposés la veille, nous étions tous prêts à nous lancer dans le vif du sujet. Nous nous rendions, de façon bien plus disciplinée qu'à nos débuts, à l'entrée des tunnels, dépourvue de Lior, mais comblée de la présence de Paride.

- Il est à présent temps de passer aux choses sérieuses. Vous avez été préparé, entraîné, et tout ceci dans un seul but. Vous rendre meilleur que ce qu'ont pu l'être les anciens rapporteurs de ce monde. Vos objectifs sont simples : savoir vaincre l'extérieur, pour venir en aide à votre peuple, qui vit ici même, derrière les tunnels où nous nous trouvons.

Paride semblait s'engager sur un discours bien rôdé, duquel nous n'apprenions pas grand chose de plus. Toutefois, il semblait évident que ce jour là, nous allions passer un cap.

- Vous avez vécu des choses ensemble, et séparément. Mais que valez vous ensemble et séparément ? Qui saura s'en sortir aujourd'hui, et qui ne reviendra pas avec nous ? Je ne vous pose pas la question, nous le saurons bien assez tôt. Mais avant de nous lancer dans tout ceci, je dois vous rappeler que vous n'êtes plus que 5, puisque Réro a choisi de restreindre la liste de nos apprentis.

Je fus pris de l'envie de pester de toutes mes forces à l'écoute de ces mots. Paride savait combien je me sentais coupable de ce qu'il s'était passé, et même s'il ne partageait pas mon avis sur la question, par respect pour Réro, j'espérais qu'il évite ce genre de propos. Bino me mis un coup de coude, comme pour me faire comprendre qu'il ne fallait surtout pas que je m'enflamme sur ce moment. Pourtant, je sentais que Paride tentait de me mettre hors de moi, tant il me fixait du regard en poursuivant son discours.

- Là où je veux en venir, c'est qu'il me faut des binômes aujourd'hui. Il faut donc que vous vous métiez d'accord pour éliminer l'un d'entre vous.

- L'éliminer de l'étape ? Demanda Malé.

- L'éliminer tout court. Répondit Paride.

- Pour devenir un ouvrier ? Enchérissa t il.

- Arrêtez donc de rever. Aucun d'entre vous ne sera jamais un ouvrier. Vous serez rapporteur, ou sacrifié.

La nouvelle nous fit l'effet d'une tornade. Nous nous contemplions tous, les uns après les autres, en ayant conscience que, d'ici quelques instants, l'un d'entre nous deviendrait un sacrifié. Nous avions peur pour les autres, mais surtout pour nous, chacun de nous. Bino leva la main, et proposa d'exclure son premier binôme, prétextant que nous n'appartenions plus au même groupe depuis que nous avions été séparé lors de la première étape. Malé suivit le pas, en proposant le sien. J'étais donc le seul à ne pouvoir rien proposer, et le seul à pouvoir trancher. Je tenais en mes mains le destin de ces deux garçons, sans savoir au quel j'allais accorder une nouvelle chance, tout en bannissant le moindre petit espoir à l'autre. Paride se tourna vers moi.

- Et bien, il semble que tu as un choix à faire Khalek.

Je vis tout le monde se focaliser sur moi, dans l'attente d'une réponse, d'un châtiment. Mais je ne pouvais m'y résoudre tant cela ne me paraissait pas humain. Malgré mon manque de proximité avec eux, je ne pouvais pas devenir décisionnaire de leur futur, et je décidais de ne pas me prononcer, quitte à en payer le prix moi même.

- Tu ne veux pas choisir ? Très bien. Alors disons que tu portes malchance, et que celui qui se trouve le plus près de toi est à présent éliminé.

Il ne nous laissa pas le temps de réagir, qu'il poursuivit sa tirade, comme si cela le laissait totalement de glace. Notre compagnon d'infortune se fit empoigner le bras par un rapporteur aguerri, et nous le vîmes quitter l'enceinte des tunnels, sans dire le moindre mot.

- Ne soyez pas triste. Ce soir, vous ne serez plus que trois. Nous lança Paride.

Nos regards se croisaient à nouveau, comme pour se soutenir, tout en sachant que l'un des binômes serait forcément amputé de l'un de ses membres. Paride forma ensuite les tandems, et sans surprise, il désigna Malé pour se mettre avec sa moitié initiale, qui avait eu la chance de ne pas être la plus proche de moi lors de ce tirage au sort injuste. Sans surprise toujours, n'étant que quatre, je me retrouvais avec Bino, qui devenait soudainement celui sur qui j'allais devoir compter durant la durée de cette étape.

- Maintenant que vos groupes sont formés, je vous laisse rejoindre les extérieurs. Bino et Khalek, choisissez le chemin que Lior vous a appris, quant à vous autres, vous connaissez un autre chemin, alors utilisez celui là. Vous trouverez vos instructions le moment venu. Revenez vivant !

Paride s'éloigna de nous, sans nous prodiguer nul autre conseil. C'est alors que je l'interrompis, avant qu'il ne disparaisse complètement.

- Paride ?

- Qu'est ce qu'il y a ?

- Où est Lior ? Lui demandais je.

- Tu vas me poser la question chaque fois que quelqu'un n'est plus dans ton paysage ?

- Non mais je croyais que c'était notre formatrice. Elle devrait être là, non ?

- Ecoute petit, tu poses trop de questions, et ça ne te sauvera jamais la vie d'être aussi curieux. Vis ce que tu as à vivre, et arrête de penser aux autres. Ils ne pensent pas à toi, eux.

Sans chercher plus loin, Paride s'éloigna et passa la porte, me laissant ainsi sur mes questionnements les plus profonds. Nous nous retrouvions livrés à nous mêmes, en sachant que l'un d'entre nous quatre ne finirait pas cette formation pour laquelle nous avions tous, tant donné. Mais il n'était plus temps de réfléchir à la question, Malé et son complice avaient déjà empruntés le chemin qu'ils devaient suivre. Il fallait que Bino et moi nous mettions en route. 

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