Etrangement, les tunnels semblaient moins terrifiants durant la nuit. Plus silencieux que la journée, ils semblaient pourtant habités, comme envoûtés par quelque chose qu'aucun de nous n'avions envie de croiser. Mais la nuit, tout était beaucoup plus calme. C'était un peu comme si nous savions que nous n'allions rencontrer personne. Je pris la première place pour marcher, afin de guider Bino et Malé à l'endroit dont je leur avais parlé un peu plus tôt. Et comme dans mes certitudes, je réussis à les emmener, sans trop d'encombres, en reprenant ce fameux couloir de gauche, que Réro avait estimé être le bon chemin. Puis, au moment où nous aurions dû être dans le bon couloir, je n'eu d'autres choix que de constater qu'aucun trou n'était visible dans la paroi. Bino ne me laissa pas même quelques secondes de réflexions, pour me lancer quelques petites réflexions, comme si j'avais tout inventé depuis le début.
Malgré ses attaques verbales, je continuai de croire que ce que j'avais vu, était vraiment à cet endroit. Et puis, sur le côté, à droite de la fin du couloir, je vis un petit bouton incrusté dans la paroi. Je ne savais pas à quoi il servait, et je redoutais de mettre en marche quelque chose que je n'aurai pu gérer à ce moment là. Mais Bino, bien plus téméraire que je ne l'étais, décida de voir de quoi il en retournait, en le pressant sans se poser de questions. A première vue, aucun déclenchement de quoi que ce soit. C'en était presque décevant finalement. Mais, au moment où nous allions rebrousser chemin, j'entendis Malé s'exclamer :
- Ce ne serait pas ça, ton trou ?
Je me retournais pour voir de plus près, et pouvais enfin confirmer que nous étions au bon endroit. Je comprenais alors qu'un mécanisme existait pour masquer cette fenêtre sur l'autre côté, et que je n'étais peut être pas censé l'avoir découvert dans la journée, et donc, encore moins le divulguer à mes compagnons. En regardant au travers, Bino pu voir des cartons empilés, avec des inscriptions indiquant qu'à l'intérieur, se trouvait sans doute de la nourriture. Une véritable aubaine pour notre peuple, si nous pouvions atteindre cet endroit. Bino ajouta qu'au loin, il avait réussi à apercevoir une porte, ce qui prouvait qu'il y avait bien une issue à ce couloir. Ne restait plus qu'à la trouver. Nous savions toutefois que nous ne pourrions résoudre ce mystère dans la nuit. C'est pourquoi nous avons décidé de retourner, en toute discrétion, jusqu'au dortoir, dans l'espoir qu'une de nos prochaines missions, puisse nous permettre de trouver une solution pour pénétrer ce couloir.
Au lendemain matin, Paride vint nous réveiller, alors que nous nous attendions à voir Lior s'en occuper. Celui ci s'assit sur ma couchette, et me demanda si j'avais bien dormi. Je sentais une question piège, et préférais donc ne pas mentir. Après lui avoir confié être un peu fatigué, il ajouta que cela ne l'étonnait pas, puis nous pressa pour que nous sortions de nos lits. Il nous donna rendez vous dans les 10 minutes qui suivaient, à l'entrée des tunnels. Nous redoutions que Paride ai pu apprendre que nous nous étions échappé la nuit dernière, mais nous ne pouvions pas fuir devant lui. Inquiets, nous nous étions rendus sur place, dans un silence quasi religieux. Paride nous attendait, et Lior n'était pas là. Cela ne semblait pas être une bonne chose, à première vue. C'est alors que le référant pris la parole.
- << Vous savez, à Dillermo, les murs ont des oreilles, des yeux. Ils savent tout, et si on sait les écouter à notre tour, nous finissons par également partager leurs connaissances. Ne vous en faites pas, je ne vais pas vous réprimander pour ce que vous avez fait durant la nuit. Je ne le dirais pas non plus à Lior, mais s'il vous prenez l'envie de recommencer, alors, nous aurions un véritable problème entre vous et moi. >>
Alors qu'il nous demandait s'il avait été clair, je ne pu me retenir sur mes propres interrogations, et lui lançai la question qui me brûlait les doigts, à savoir où se trouvaient nos trois compagnons de formation. Paride semblait gêné, pas très envieux de répondre clairement à la question. Il me regardait comme si javais eu le malheur d'aborder le sujet le plus tabou du moment. Je ne comprenais pas bien le silence et l'indifférence qui entouraient ces 3 disparitions, comme si tout le monde trouvait cela normal. Je tentais de chercher du soutien en fixant Malé et Bino, mais aucun d'eux ne prirent la parole pour m'aider à faire pression.
Paride s'approcha de moi, et, à voix basse de sorte à ce que son message ne s'adresse qu'à moi, me lança :
- Sais tu qu'il y a deux façons d'appréhender la disparition d'un être cher ?
Évidemment, je le laissai poursuivre afin qu'il m'inonde de son savoir.
- Tu peux faire le choix de te lamenter, de te laisser ronger par cette absence. Ou tu peux accepter la situation, et sortir de ton inertie.
Je comprenais ce que voulait me transmettre Paride, mais je ne pouvais pas accepter de simplement relayer Réro au rang des oubliettes. Je sentis que ma réaction n'était pas celle qu'espérait mon référant qui, toujours à voix basse, me tint ces mots :
- Khalek, pour devenir un homme, il faut en accepter le prix.
- Me demandez vous sérieusement d'oublier mon meilleur ami ?
- Tu en es capable.
- Non.
- Bien sûr que si. Et c'est même ce que tu finiras par faire.
- Comment pouvez vous en être si sûr ?
- Crois tu que le monde ressemblerait à cet enfer, si c'était l'empathie et la bienveillance qui l'emportait à la fin ?
Les propos de Paride me troublèrent. Je fus bien obligé de l'admettre, mais avant de pouvoir lui répondre, je le vis faire un pas en arrière, avant de s'adresser, de nouveau, à chacun d'entre nous :
- Le sujet est donc clos. Plus de folie la nuit, et de la rigueur le jour. Vous pouvez retourner dans vos appartements.
Nous ne nous étions pas fait prier pour quitter l'entrée des tunnels, et retourner au dortoir comme il nous l'avait conseillé. Si Paride avait raison sur un point, c'est bien sur le fait que nos folies nocturnes, finiraient par contrarier notre rigueur quotidienne. Toutefois, je n'étais pas totalement convaincu d'être capable d'abandonner l'idée même de savoir ce qui avait pu arriver à Réro. Je ruminais le sujet, et expliquais à mes deux compagnons d'infortunes, les propos que m'avait tenu le référant sur le sujet.
- Peut être qu'il a raison. S'exclama Malé.
Je redoutais que, eux aussi, soient gagnés par l'envie d'abandonner, simplement. Bino alla jusqu'à me conseiller d'attendre sagement. Selon lui, les réponses finiraient par se révéler. Il suffisait d'être patient. Je ne comprenais pas qu'ils soient si léger sur la situation. Je savais que pour Réro et moi, c'était un peu plus particulier, du fait de notre proximité, mais de là à ne pas du tout se poser la question, il y avait un fossé que je ne pouvais m'expliquer. J'aurais pu tenter de parlementer des heures avec eux, afin de les convaincre, si Lior n'était pas apparue, soudainement, dans l'encadrement de la porte.
- De quoi parlez vous ? Nous lança-t-elle.
Alors que je brûlais de l'envie d'être totalement honnête avec elle, Bino me coupa la parole pour assurer à notre formatrice que nous discutions de choses totalement banales. Je comprenais que j'étais seul sur ce coup là, et que ma seule option était encore de jouer le jeu.
- Bien ! Alors, Malé, tu viens avec moi aujourd'hui. Pour vous deux, c'est repos.

VOUS LISEZ
DILLERMO
Science Fiction"Dillermo, c'est une sorte d'immense cuve, bien entourée par de grands rochers, nous permettant de nous terrer dans cet endroit, devenu le seul lieu de vie n'étant pas encore tombé dans un état totalement sauvage, à notre connaissance." Dillermo est...