Accompagné de nos quatre nouveaux rivaux, Réro et moi nous approchions du rang des rapporteurs. Paride nous glissa à l'oreille que nous rencontrerions notre guide de formation très prochainement. Nous fûmes emmenés dans une petite pièce, à l'arrière de la salle où nous nous trouvions. Chaque corps de métier fut alors séparé, et nous savions que cela prendrait longtemps avant que nos chemins ne se recroisent.
En tant que rapporteur, nous devions dormir non loin des tunnels. Nous imaginions que nous rapprocher des lieux était une façon de nous investir d'autant plus dans les missions qui nous seraient confiées. Calmes et disciplinés, nous sommes arrivés dans nos nouveaux dortoirs. Et le moins que l'on pouvait en dire, était que ceux ci me semblaient aussi rustiques que ce qu'avait été ma chambre jusque là. Je n'étais pas dépaysé au moins. Mais je sentais que pour Réro, l'acclimatation n'allait pas se passer aussi facilement. Je profitais alors d'un moment où les quatre autres apprentis rapporteurs discutaient ensemble, pour tenter d'engager la discussion avec Réro. Celui ci m'expliqua qu'il n'était pas sûr de tenir le choc. Il avait tellement passé sa vie à redouter d'être un sacrifié, qu'il n'avait pas même envisagé la possibilité de s'en sortir en tant que rapporteur. Et je ne pouvais nier que ses chances étaient plus minces que pour le reste du groupe. Toutefois, j'imaginai que si je venais à réussir à lui faire reprendre confiance en lui, je pourrais peut être nous sauver tous les deux. Il fallait qu'il s'illustre, et si ce n'était pas par ses capacités physiques, il fallait qu'il devienne le plus malin. Car certes, ne pas atteindre l'objectif imposé par la formation pouvait le ramener à la case départ, en le faisant devenir un simple ouvrier, mais il pouvait aussi finir chez les sacrifiés, s'il n'y mettait pas suffisamment du sien. Et maintenant qu'il avait réussi à échapper à cela, il aurait été impensable de le laisser s'engouffrer à nouveau dans cette optique.
Si je venais à réussir mon pari, alors, je pouvais espérer devenir le numéro un, et faire de Réro un numéro deux qui n'aurait jamais eu besoin d'aller sur le terrain, en dehors de la formation. Cela mettait énormément de pression sur mes épaules, mais la perspective d'abandonner, à nouveau, mon meilleur ami, ne m'était plus concevable.
Nous n'avons pas pu aller plus loin dans ce plan, mais l'idée était ainsi posée. Il fallait à présent faire connaissance avec nos collègues et concurrents. Et c'est finalement autour d'un premier repas loin de nos familles, que nous avons pu le faire. Bino était sans doute celui dont j'avais le plus à craindre. Il faut dire qu'avec sa stature imposante, il était de loin celui qui pouvait le plus prétendre au titre. Mais il n'avait pas été éduqué dans l'idée de devenir un rapporteur. Bino espérait finir référant, malgré son caractère dispersé. J'imaginai que cela pourrait constituer une faille, sur laquelle j'allais devoir creuser, afin de réduire ses chances de réussite. Quand aux trois autres, je ne me souciais pas vraiment d'eux. Ils avaient un niveau plus ou moins correspondant à celui de Réro. Ne me restait donc plus qu'à les mettre hors jeu, afin de mettre sur un piédestal mon ami. Mais les plans que je me fixais allaient prendre du temps, et j'en avais pleinement conscience. Le monde n'allait pas changer durant ce repas, et après ce moment d'analyse, il fallu aller se coucher, tout en sachant que nous allions être mis debout aux aurores, pour débuter notre formation.
Il était 5h du matin quand Paride est venu nous sortir de notre lit. Il fit le tour du dortoir, afin de s'assurer que nous étions bien installés, et nous expliqua qu'il nous attendait face aux tunnels dans les 20 minutes qui suivaient. Nous n'avions jamais eu l'habitude de nous préparer en un temps record, pourtant, nous étions tous à l'heure, au lieu de rendez vous, moins de 20 minutes plus tard.
J'y étais. Je me trouvais enfin face à ce lieu qui allait, à n'en pas douter, m'ouvrir à d'autres étendues de ce monde. Moi qui avait passé les 21 premières années de ma vie comme enfermé dans cette civilisation, je savais que j'entreprenai là le début de ce qui allait me faire voir la terre autrement. Je savais qu'au delà de ces tunnels, existait un autre monde, un que je ne connaissais pas. Un territoire servant d'extension au notre, et qui était pourtant bien plus hostile que tout ce que nous connaissions. Les rapporteurs avaient, pour moi, cette chance de pouvoir en savoir bien plus que le commun des mortels. Et lorsque je mis mon pied à l'entrée de ces tunnels, où j'avais toujours eu l'interdiction de m'approcher jusqu'alors, je sentis mon cœur se resserrer dans ma poitrine. A cette seconde précise, je pris pleinement conscience que tout allait me sembler différent après cet instant. La seule chose que j'ignorais encore, était sans doute en quoi tout allait être bouleversé dans mon équilibre naturel.
En tant que bon référant, Paride nous accompagna jusqu'à l'entrée des tunnels. Là où nous n'étions pas encore tout à fait dedans, mais plus vraiment en dehors. Le reste de Dillermo ne nous voyait déjà plus, et nous mêmes, nous ne les voyions plus de là où nous nous trouvions. Pourtant, il semblait évident que le chemin restait encore à faire avant de pouvoir circuler librement dans ces lieux. Et alors que mon esprit me paraissait plus lucide que jamais, Paride me sortit de mes pensées, en prenant la parole, afin de s'adresser à nous.
- Futurs rapporteurs, vous êtes donc les six élus de cette année. Mais ne vous y fiez pas. Si cela est un grand honneur, c'est avant tout une lourde responsabilité.
Paride nous expliqua alors l'engagement qui devait être le nôtre, à partir de ce jour. Et alors qu'il nous assommait de différents conseils, probablement très utiles, je ne pouvais m'empêcher d'avoir les yeux fixés sur la porte se trouvant derrière lui. Je savais que c'était juste derrière que se trouvait tout ce dont j'avais besoin de savoir. Mais au moment où j'écoutais le moins, j'entendis Paride, au loin, faire référence à celle qui allait nous former, nous jeunes élèves encore trop naïfs pour s'en sortir par nos propres moyens.
C'est alors que je vis Lior pour la première fois de ma vie. Lior était ce genre de fille au visage doux, et à la personnalité robuste. Si nous étions tous plus ou moins séduit par son allure, nous savions qu'elle allait certainement nous donner du fil à retordre, quotidiennement. D'ailleurs, notre formatrice ne mis pas longtemps avant de nous assurer que nous n'allions pas rire tous les jours. Et que, pire encore, nous finirions probablement par la supplier de nous envoyer chez les sacrifiés. Si ses propos me semblaient un peu exagérés, j'imaginais que la jeune femme avait un discours bien rodé, lui permettant d'intimider les petits nouveaux qui voudraient se la jouer tête dure face à elle. Je n'avais pas prévu d'interpréter ce rôle, bien au contraire. Si je ne voulais pas particulièrement entrer dans un quelconque moule, je voulais malgré tout faire mes preuves, sans m'égarer dans des actes qui me ferait perdre toute l'essence de ma possible nouvelle fonction.
De son côté, Bino ne semblait absolument pas dans le même état d'esprit que le mien. Je l'entendais lancer des petites phrases acerbes et déplacées sur le physique avantageux de Lior. Celle ci n'entendit pas, ou fit semblant de ne pas intercepter ses mots. Mais Bino imposait déjà son style, insupportable et immature. Pourtant, alors que j'imaginai déjà mon rival se faire taper sur les doigts pour son comportement, Paride invita Lior à le choisir comme chef de groupe, pour la première étape de la formation. Je fus dépité, Bino fut ravi. Il passa donc derrière Lior, et devant nous. Réro, quant à lui, fermait la marche.
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DILLERMO
Science Fiction"Dillermo, c'est une sorte d'immense cuve, bien entourée par de grands rochers, nous permettant de nous terrer dans cet endroit, devenu le seul lieu de vie n'étant pas encore tombé dans un état totalement sauvage, à notre connaissance." Dillermo est...