Chapitre 16 - Etape 5

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En retournant au dortoir, j'étais tout sauf fier de moi. Mes compagnons d'infortune, visiblement au courant de ce qui s'était passé, ne posèrent pas les yeux sur moi. J'étais devenu comme invisible pour eux. Le personnage à abattre dans un collectif qui n'avait pas besoin de trouble fait. A ma grande surprise, seul Bino s'approcha de moi.

 - Je suis désolé pour Réro. Me lança t il.

Il ignorait à quel point ces quelques mots l'avait fait remonter dans mon estime en l'espace d'un instant. Lui qui m'avait toujours paru être le parfait exemple de l'égoïsme et de l'immaturité, venait soudainement de me démontrer que j'avais eu tort. Je comprenais que je m'étais beaucoup trompé, depuis le début de mon existence. Et cette nouvelle découverte ne pouvait pas ne pas me troubler. Lior avait finalement raison, ce que l'on vivait au sein des tunnels finissait par nous changer, d'une façon ou d'une autre. C'est sur cette leçon que je fini par m'endormir, épuisé, terrifié à l'idée de voir Réro dans mon sommeil. 

Au petit matin, je n'avais pas la moindre envie d'ouvrir mes yeux. Je savais, de toute façon, que je n'étais jamais choisi pour faire quoi que ce soit, alors, pourquoi ne pas simplement profiter de mon lit, toute une journée. Lior arriva dans la chambre, sans que je n'eus la force de la regarder cette fois ci.

- Bonjour à tous ! Khalek, aujourd'hui, tu viens avec moi.

 Cette phrase que j'avais tant attendu, n'avait finalement aucune saveur. J'ignorai si, pour l'occasion, elle m'appelait pour enfin entrer dans le vif du sujet de ma formation, ou simplement pour me faire connaître mon châtiment. Sans un mot, je la suivis jusqu'à l'endroit où elle voulait me guider.

- Tu te souviens du jour où l'on s'est croisé, durant l'étape 1 ? Me demanda t elle.

- Oui.

- C'est ton tour cette fois, d'explorer ce qu'il y a en dessous de la grille où tu m'avais trouvé.

 Lior semblait ravie d'enfin m'emmener à cet endroit. Quant à moi, mon esprit était quelque peu ailleurs, même si je comprenais soudainement que l'idée était de ne plus reparler des événements de cette fameuse nuit.

- Nous sommes presque arrivé Khalek.

Je ne pouvais me réjouir, et ma formatrice l'avait de suite remarqué.

- Ecoute, avant de te lancer dans cette étape, tu dois savoir que je suis désolée pour ton ami. Mais la vie doit continuer.

Lior avait raison, la vie devait continuer. Et je m'étais promis de faire mieux, tout comme de suivre les règles, à la mémoire de Réro. Pourtant, si en théorie tout ceci me semblait simple, en pratique, cela ressemblait plutôt à une montagne impratiquable. Je ne perdais pas pour autant espoir, et écoutais Lior tenter de me raisonner.

- Avec le temps, tu te sentiras mieux. On a tous déjà perdu quelqu'un, et regarde, nous sommes tous là encore.

- Je ne suis pas sûr que vous vous sentiez responsable comme je peux le ressentir.

- Peut être pas. Mais la perte de quelqu'un reste quelque chose de difficile. Il faut savoir aller de l'avant.

- Je préférerais oublier simplement.

- Vraiment ? Tu ne penses pas que ce que l'on vit fait ce que l'on est ? Me demanda t elle.

- Si. peut être. Je ne sais pas en réalité. Parce que si c'est le cas, ce que je viens de vivre ne fait pas de moi une belle personne.

- C'est ton objectif Khalek ? Etre une belle personne ?

La question me sembla étrange. Il me paraîssait évident que, pour chacun d'entre nous, tenter d'être quelqu'un de respectable était notre seule option. Mais alors que j'allais enfin répondre à sa question, elle me coupa la parole soudainement :

- Regarde, nous sommes arrivé.

 Mes yeux découvrirent un lieu de toute beauté. J'avais tant marché que je ne m'étais pas rendu compte qu'en utilisant les tunnels souterrains, j'avais fini par grimper, et grimper encore. Jusqu'à ce que j'arrive à cet endroit, d'où nous pouvions voir l'intégralité de l'étendue de Dillermo, et plus encore. Pour la première fois de ma vie, je découvrais ce qui se cachait derrière les rochers qui m'avaient si longtemps gâché la vue. Et au loin, ce n'était plus des pierres qui entouraient notre lieu de vie, mais une forêt, à perte de vue. J'imaginai que c'était sous ces milliers d'arbres, que vivaient cette autre civilisation, incompatible avec la nôtre.

- Tu en as déjà rencontré ? Demandais je à Lior.

- De quoi ?

- Des gens de l'extérieur.

- C'est arrivé. Me répondit elle.

- Comment vivent ils ?

- Et bien, c'est difficile de répondre à cette question. Mais ils vivent comme n'importe qui. Ils chassent pour se nourrir, ils se construisent des abris de fortune, ils élèvent selon leurs idées les prochaines générations.

- Mais ils sont bien différents de nous, non ?

- C'est ce que l'on dit, oui.

- Tu n'en es pas convaincu Lior ?

- Si. Bien sûr. Mais ce n'est en réalité pas si différent de ce qui se faisait avant. Ce ne sont que des différences culturelles, mais l'humain reste un humain, avec ses bons et ses mauvais côtés.

 - Mais alors pourquoi on n'a jamais réellement tenter d'unir nos forces ? Je veux dire réellement. Paride m'a dit que des essais avaient échoués, mais peut être que les anciens ne s'y sont pas bien pris. 

- Je suis contente de voir que tu t'intéresses à quelque chose Khalek, mais nous ne devrions pas parler de ça. Je t'ai amené ici dans un but précis. Tu dois rentrer, mais tu ne pourras pas passer par la route que nous avons prise. Tu vas devoir te frayer un chemin, sans jamais te faire remarquer par les habitants de Dillermo, sans quoi, tu n'auras rien d'un rapporteur à ton retour. Je vais maintenant te laisser.

Lior me montra du doigt un coffre qui se trouvait non loin de nous, en m'indiquant qu'à l'intérieur, je trouverais ce dont j'allais avoir besoin. Je la vis disparaître, après m'avoir lancé un << à ce soir, si tu t'en sors >>. J'étais à présent seul avec moi même, et l'envie d'observer, quelques minutes encore, l'étendue du paysage, freinait mon départ. Il était possible qu'en regardant bien, j'allais y deviner la silhouette de ma mère, ou de mon père. Ce dernier qui n'aurait pas été fier de ce que j'étais en train de devenir. D'y repenser servit de déclencheur. Je me jetais soudainement sur le fameux coffre, et tentait désespérément de l'ouvrir. J'ignorai si Lior l'avait volontairement laissé fermé, mais il me semblait difficile de réussir à l'ouvrir à mains nues. 

Je n'avais que peu d'options pour m'en sortir. Soit tenter de m'acharner sur ce coffre verrouillé, avec la quasi certitude de ne pas réussir à découvrir son contenu. Soit de tenter de retrouver mon chemin, sans avoir la possibilité d'utiliser les souterrains pour le faire. Je jetais un oeil autour de moi, et la première complexité se situait dans le fait de réussir à redescendre de ces hauteurs. Dillermo semblait loin, et faire une chute à un tel endroit aurait pu m'être fatal. Je me mettais ainsi en recherche d'un lieu moins périlleux, pour tenter une descente à la force de mes mains. A ce moment précis, la discrétion ne faisait pas encore partie de mon vocabulaire. Je devais juste m'en sortir, et prouver à tous que je pouvais être digne de confiance, et de la formation que l'on m'avait accordé de suivre.

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