A mon réveil, je vis que les autres étaient déjà fin prêts pour cette nouvelle journée au coeur des tunnels. De mon côté, pour la première fois, j'espérais être épargné d'une trop grande aventure, tant je n'avais pas réussi à récupérer de la veille. Je regardai l'heure, et me rendis compte qu'il était encore très tôt. Il nous restait du temps avant que Lior ne se faufile dans notre chambre, pour nous irradier d'un peu de douceur quotidienne. Et alors que j'émergeais doucement en prenant conscience de tout ça, je sentis le corps écrasant de Bino faire s'affaisser mon matelas.
- Alors, cette journée d'hier ? Qu'as tu fait ? Me demanda t il.
Bino n'était pas stupide. Il savait très bien que, comme lui, je ne dirais rien sur les choses que j'avais faite, ou vécu la veille. Mais il me posait la question malgré tout, comme si cela était un rituel obligatoire.
- Et bien tu sais, je n'ai pas grand chose à en dire. Lui répondis je, un peu gêné.
Bino s'approcha de moi, et d'un chuchottement imperceptible pour le reste de la chambre, me demanda si j'avais, moi aussi, vu l'extérieur. Je tentai de rester impassible à sa demande, mais je comprenais qu'il avait sans doute eu la même quête que Lior m'avait donné. Je n'avais donc eu aucun traitement de faveur, c'était à présent certain, et ma formatrice ne m'avait peut être pas envoyé dehors pour rien. Et alors que toutes ces idées me traversaient l'esprit, Bino poursuivit son interrogatoire à voix basse.
- Lior t'a t elle accompagné ?
A cette question, je ne pu rester silencieux. Je suspectais que Lior ai pu accompagner, à un moment ou à un autre, l'un de mes camarades, à l'extérieur. Ce qu'elle n'avait pas fait pour moi. Je confirmais m'être retrouvé seul, au moins en dehors de Dillermo, et Bino me semblait troublé de l'apprendre. C'est alors qu'il me glissa un petit mot dans la main, avant de se lever de mon lit, et de reprendre ses activités matinales. Je glissais sous mes draps, et tentait de déchiffrer ce que mon rival m'avait écrit. Je finis par réussir à comprendre que celui ci m'avait donné un rendez vous, à notre "endroit". Jusque là, je n'avais pas encore ressentis le fait que nous puissions en avoir un, lui et moi, mais je ne mis que peu de temps avant de comprendre qu'il voulait que je le rejoigne, à un moment précis de la journée, dans les tunnels, où nous avions fait notre excursion des débuts.
J'ignore pourquoi, mais je n'ai même pas envisagé le fait de ne pas m'y rendre. Il me semblait évident que Bino avait quelque chose à me dire, ou à me montrer, et ma curiosité l'emportait à coup sûr. En outre, il était le seul à m'avoir adressé une parole de sympathie, suite à la disparition soudaine de Réro. Il était donc en droit légitime de me faire cette proposition, sans que je ne tente d'en savoir plus au préalable. Je jetais un œil vers lui, afin de lui faire signe que je serai là, à l'heure et à notre "endroit".
Le temps passait, sans que Lior n'arrive jamais dans notre chambre. C'est alors que je reconnus le pas lourd de Paride s'approcher de nous. Il entra dans la pièce avec bien moins de grâce que notre formatrice et nous lança que, ce jour, nous avions gagné le droit de nous reposer après tous les efforts que nous avions fournit jusque là. C'était la première fois que nous pouvions simplement profiter de ne rien faire, tous ensemble, en même temps. Et également la première fois ou j'acceptais volontiers de me tourner les pouces, d'autant que j'avais un rendez vous à honorer. Je vis Bino sortir de la pièce, et pour n'éveiller aucun soupçon, j'attendais quelques minutes avant d'en faire autant. Celui ci avait une avance d'environ dix minutes, mais après avoir longé les tunnels nécessaires, nous avions fini par nous retrouver dans ce qu'il avait baptisé << notre endroit >>.
- Tu es venu ! S'étonna t il.
- Comme demandé. Lui répondis je.
- Hier, je suis revenu ici, et devine ce que j'ai découvert ?
- Je ne sais pas. L'absence des cartons que nous avions vu ?
Bino semblait surprit de ma réponse, alors qu'il ne pensait visiblement pas du tout à cela.
- Mais non. Hier, lorsque je suis revenu, je t'ai vu... avec Lior. Me lança t il.
J'étais un peu gêné. Lior avait fait tant d'efforts pour que personne ne sache que nous nous étions rencontrés dans cet endroit. J'ignorais pourquoi, mais il était évident qu'il ne fallait pas que cela s'ébruite. J'imagine que mon visage laissait transparaître toute l'inquiétude que je ressentais quant à la découverte de Bino.
- Ne t'en fais pas Khalek, je n'ai rien dit. Mais quand je t'ai demandé de me rejoindre, je ne savais pas encore qu'il n'y aurait pas de formation aujourd'hui, et je me dis que, peut être, je ne suis pas le seul à avoir découvert votre proximité.
Aussi stupide qu'avait pu me paraître Bino dans le passé, je ne pouvais que lui reconnaître qu'il avait une lucidité à toute épreuve sur la question. Il n'était effectivement pas impossible que l'absence de Lior en ce jour, soit en étroit lien avec notre rencontre la veille. Mais si Bino avait raison, alors il devenait évident que notre formatrice m'en avait trop dit, et qu'elle en avait payé le prix fort. Je redoutais que celle ci ai pu être chassée des tunnels, et envoyée à l'usine des sacrifiés. En m'entendant demander à Bino si cela lui paraissait possible qu'elle ai pu avoir ce triste sort, mon corps se figeait, car si cela venait à être avéré, je n'aurais pu faire autrement que de me reprocher cette nouvelle disparition. Et je n'étais pas certain d'être capable de supporter un deuxième drame du genre. Et alors que je sombrais lentement dans un silence inquiétant, Bino reprit la parole.
- Qu'as tu vu dehors ?
J'étais troublé qu'il puisse passer du sort de Lior à ce qu'il se trouvait à l'extérieur, mais il avait raison, nous n'avions que peu de temps pour nous, pour discuter ainsi à l'abris des autres. Il fallait enchaîner les éléments que nous pouvions nous transmettre. Je lui racontais, sans réfléchir, ce que j'avais pu découvrir à l'extérieur. Je lui parlais des arbres à perte de vue, des bruits angoissants, et de la solitude que j'y avais ressenti. A son tour, il me raconta ce qu'il avait vu. Et à l'écouter, je compris que son périple avait été beaucoup plus palpitant que le mien. Bino avait eu l'honneur, et la malchance à la fois, de rencontrer un sauvage de l'extérieur. Il me raconta que celui ci avait perdu toute civilité, et s'était jeté sur lui agressivement, prêt à le tuer. C'est alors qu'un coup de feu l'aurait sauvé de son malheur imminent. Cela ne faisait donc plus aucun doute, les bruits de feuillages étaient bien dû à des rapporteurs aguerris qui nous avaient gardés à l'œil, depuis le départ. Je ne pouvais qu'admettre leur incroyable capacité à se fondre dans le paysage, tant nous n'avions pas remarqué que nous n'étions pas seuls, depuis toujours.
Lorsque Bino termina son histoire, je sentais en lui une sorte de soulagement d'avoir pu enfin en parler avec quelqu'un. Il me confia, dans la foulée, que son désir de devenir rapporteur était encore plus fort qu'auparavant, après cet événement troublant, à l'extérieur. Pour lui, cette rencontre avait animée son désir de protéger le peuple de Dillermo. Je le comprenais sans mal, mais mon vécu était si loin du sien. Je n'avais vu que du vide, que des arbres. A l'inverse de lui, mes certitudes quant au titre fait pour moi, s'effondraient au fur et à mesure des jours qui passaient. Mais je ne pouvais pas lui dire. Malgré le fait que j'avais enfin perçu quelque chose de bon en lui, nous n'en restions pas moins des concurrents dans cette formation. Après avoir partagé ce moment, qui avait presque fait de nous des amis, nous remarquions qu'il était plus que temps de retourner au dortoir, à laisser ainsi passer la journée, sans rien faire de particulier, jusqu'à l'heure d'aller nous coucher.
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DILLERMO
Ciencia Ficción"Dillermo, c'est une sorte d'immense cuve, bien entourée par de grands rochers, nous permettant de nous terrer dans cet endroit, devenu le seul lieu de vie n'étant pas encore tombé dans un état totalement sauvage, à notre connaissance." Dillermo est...