Chapitre 11 : Compétition

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Enfin! Cet après-midi a lieu ma première compétition depuis que je suis ici et que je m'entraîne avec Khalife. C'est une petite, qui oppose les différentes écoles et petits clubs. Khlaife m'y a inscrite une semaine avant. Je suis pressée, ça fait longtemps que je n'ai pas couru avec un enjeu. Il m'a dit que j'ai toutes mes chances mais je reste sur mes gardes, on ne sait jamais. D'ailleurs, il a un tout autre objectif que la victoire pour moi. Je me souviens comment il me l'a annoncé, à la fin d'un entraînement.

"-Marieme, je t'ai inscrire ainsi que Djibril à la compétition des 10. Elle regroupe les 10 écoles et clubs de Dakar. C'est une assez petite compétition, mais largement à ta portée.
-Je vais tout faire pour gagner.
-Non. Ça ce n'est pas important.
-Pardon?
-Je ne veux pas que tu gagnes, je veux que tu pulvérises le record. Tu peux le faire. Tu en as les capacités.
-Euh... Il est de combien?
-12'56.
-Mais... Je ne fais pas souvent ce temps-là en compet'.
-Écoute, c'est à ta portée. Arrête de te contenter de la cerise, mange le gâteau."
Attendez. Pause là. Je suis intérieurement morte de rire. La cerise? Qu'est ce que ça veut dire? En plus on dit la cerise SUR le gâteau, donc logiquement, c'est la cerise que je dois viser. Bref, je comprends l'idée. Je ne dois pas me contenter de gagner, je dois aussi exploser le record, rester dans "l'histoire". J' hoche la tête.
"-Tu comprends?
-Oui, oui.
-Bien. On va mettre les bouchées doubles. On va prouver à ces clubs de riches que l'on peut les battre. Je compte sur toi.
-Très bien.
-C'est une championne du CAD qui détient le record pour l'instant. Tu vas l'affronter. C'est du gâteau. Elle va tenter de te déstabiliser, mais n'y fais pas attention.
-Du CAD? Je la connais donc?
-Non. Les champions s'entraînent à part. Tu n'as pas dû la croiser. C'est dans la tête Marieme, retiens bien ça.
-Je vais essayer."
Bon maintenant qu'il m'a mis la pression je ne dois pas décevoir. Je me suis entraînée sans relâche, frôlant les meilleurs chronos que je n'ai jamais fait. Le problème c'est que les chronos réalisés à l'entraînement ne peuvent pas être reconnus sinon il y aurait trop de triche.

Je souris en y repensant. Pour l'instant je me contemple devant le miroir. Ça fait déjà 3 semaines que je suis arrivée au Sénégal. Il y a déjà quelques changements. Ma peau a bronzé, les cheveux se sont légèrement éclaircis. Je n'ai pas maigri ni grossi, c'est encore trop tôt (pour maigrir, parceque grossir on sait que ça se voit direct). Le riz presque quotidien n'arrange rien, mais je sens que j'ai plus de capacités physiques. Les vrais résultats seront visibles dans 1 mois je pense. D'autres changements ne sont pas physiques, mais mentaux et psychologiques. Ma curiosité s'est agrandie tout comme ma culture. J'ai appris pas mal de choses sur mes origines.

Trêve de bavardages. J'enfile mes pointes, ferme ma veste de jogging et sors. Mon oncle vient me voir et m'accompagne. Il adore le sport et comme il ne travaille pas, il peut venir me soutenir. Khalife me prend le bras et vient nous parler avec Djibril. Il nous rassure, nous flatte, nous met en garde, nous motive et nous prodigue ses derniers conseils. Je sens un petit stress familier monter en moi. Ce n'est pas cette pression qui fait perdre ses moyens ou faire des bêtises. Non, c'est plutôt cette pointe d'excitation bénéfique, qui permet de nous surpasser et de décupler nos facultés. Je suis impatiente. C'est la première fois qu'un membre de ma famille vient me voir. Je salue une dernière fois Djib' qui passe après moi et entre sur la piste. Je repère rapidement la championne. Elle est à l'aise, on sent que c'est son terrain, qu'elle s'y connait. Elle est petite, 1m55, (je compare par rapport à moi pour le "petite") et tout en muscle. Bien plus musclée que moi. Elle fait signe à la foule à l'appel de son nom et tourne la tête vers celui qui aura été mon coach pendant 1 semaine. Il ne sourit pas. Quand vient mon tour d'être présentée, son visage se renfrogne légèrement. Je jubile intérieurement. Je me concentre, et me place dans les starters. Je lève la tête vers mon objectif. La ligne blanche. Ou plutôt, le chrono juste à gauche. 12'56. Moins de 13 secondes pour rentrer dans les annales de la course des 10. " GO!"
Je m'élance un peu surprise. Mon départ n'est pas des meilleurs, je suis déstabilisée, perdue dans mes pensées. Or, pour un record, il n'y a pas de place pour de mauvais départ. Ni pour le doute, alors ne t'égare pas. Je fais bien attention de ne pas tourner la tête pour observer mes camarades. Je lève la tête et regarde droit devant. Une poussée d'adrénaline m'atteint quand je pense à ceux qui me soutiennent. Khalife qui a cru en moi, mon oncle, mes amis restés en France. Je suis heureuse, légère. Les courses à enjeux m'ont manquées. C'est la première fois que je cours sans réfléchir à tout ce que je dois faire, depuis bien longtemps. Je finis en tête. Je crois avoir dépassé la championne mais de combien de temps? Sera-t-il suffisant? Je tourne ma tête vers le chrono. Oh pu-tain! Désolée pour la vulgarité, mais c'est trop pour moi! 12'19! 12'19! J'ai presque égalisé mon record perso avec un départ laborieux. Je hurle de joie. Je saute comme jamais auparavant. Plus que le jour de mon admission à l'INSEP! Je n'ai plus atteint ce chrono depuis des mois. Je vois le regard plein de fierté de mon oncle et de mon entraîneur, ce qui me fait chaud au coeur. Je fonce dans les bras de Khalife, qui me rattrape, surpris. Je l'ai fait! Je l'ai fait!

Du Bout des doigtsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant