Chapitre 30 : Jeux Olympiques

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Cette piste m'a manqué. Elle est fidèle à elle même, avec du sable, les lignes effacées. La petite cabane est toujours là, non rénovée. La piste de la réussite. Celle sur laquelle j'ai transpiré et couru des centaines de fois en 2 mois.

Un an après mon sacre de championne olympique, je suis de retour. Je décide de courir avant d'aller voir Khalife. J'enlève mon survêtement pour me retrouver en tenue. Je m'échauffe lentement.
Dans un coin, je déniche les vieux starts un peu abîmés. Je me mets en position. J'entends encore sa voix me rappeler à l'ordre quand j'étais mal placé. "Sois agile me disait-il. En Afrique, c'est la loi du plus fort. Chaque matin, lorsqu'une gazelle se réveille, elle sait qu'elle doit être plus rapide que le lion qui la prendra en chasse, ou bien elle mourra dévorée. Et chaque matin, lorsqu'un lion se réveille, il sait qu'il devra courir plus vite que le plus lente gazelle de la harde, ou bien il mourra de faim. Alors peu importe que tu sois une gazelle ou un lion, tu as intérêt à galoper!!"

Et ça fonctionnait. Je courrais toujours plus vite que les autres. C'est mental. Vouloir c'est pouvoir. Gagner, c'est s'en donner les moyens... Et toutes ces autres idioties. Ça me motivait. Tout comme le No Pain, No gain, pendant la musculation. Ça me poussait à me surpasser. C'est ce qui est arrivé chaque fois.

Mon corps se déplie lentement. Je garde la tête baissée. Mes foulées s'allongent, mes genoux se lèvent. Mes bras se tendent, mes mains sont droites. Je tire dans tous mes muscles. L'acide lactique prend possession de mon corps au bout de 60 mètres. Je décélère, comme tous les sprinteurs à ce moment-là. No Pain, No gain. Ce n'est pas le moment de relâcher. Je fais un effort dans les 20 derniers mètres. Je ne peux pas m'empêcher de tourner la tête et un peu mon corps. Je suis un peu déstabilisée. Mais je continue. Je m'arrête 10 mètres après la ligne.

J'entends des applaudissements. Non, ce n'est pas dans ma tête. Ce sont les Clap, Clap des mains d'une seule personne. Je tourne la tête et voit Khalife qui m'obseve. Un sourit s'étend sur mon visage. Ça fait du bien de le revoir!! Je le serre dans mes bras et prends de ses nouvelles. Bien sûr Khalife n'est pas Khalife s'il n'a pas une correction à faire. Même après la finale de JO, il m'a réprimandée parce que mes premières foulées n'étaient pas régulières.

"-Tu as tourné la tête vers la fin. Ça t'a déstabilisée. Pourtant tu es toute seule, il n'y pas pas de concurrentes ! C'était inutile. Ça prouve que c'est un réflexe pour toi. Pff. N'importe quoi. S'il y avait eu quelqu'un, tu aurais été disqualifiée. Tu aurais piétinée la ligne à ta gauche. Tu sais très bien qu'elle fait partie de l'autre couloir. Il ne t'apprend rien ton coach ou quoi?!"

Je ne peux m'empêcher de rire face à cette tirade. C'est du Khalife tout craché. Je le rassure. Je lui demande s'il a tout ce qu'il faut ici. Il me dit que oui. Il a monté sa propre école d'athlétisme, même si la piste n'a pas changé d'aspect. Il gagne suffisamment bien sa vie. Je lui serre quand-même la main en glissant des billets. C'est comme ça ici. C'est le respect des ancêtres. Il nous ont aidés, on les aide. Ça ne se refuse pas. Ce n'est pas de la charité, mais de la reconnaissance.

Je lui demande aussi des nouvelles de Djibril. Il me dit qu'il ne devrait pas tarder à arriver. Il l'aide de temps en temps avec les enfants avant son entrainement. Je sais quand je le vois qu'il est fier de nous. Et ça me fait énormément plaisir. Nous étions peut être des diamants bruts, comme il dit, mais c'est lui qui nous a taillés. Il a su exploité nos forces et nos faiblesses pour nous rendre meilleurs. Je lui suis tellement reconnaissante. Et je sais qu'il le sait. Ça lui a mis les larmes aux yeux que j'empoigne le drapeau du Sénégal. Et ça m'a fait plaisir.

J'entends des voix d'enfants. Ils sont en shorts, beaucoup sont juste en claquettes. On peut toujours courir pieds nus sur une piste d'athlétisme, même en compétition, mais Khalife préfère leur prêter des chaussure, au moins pour l'échauffement. Certains en ont déjà, ça dépend. Les chaussures sont été achetées à l'initiative de la mairie. Et les cours sont accessibles à tous.

Djibril les guide. Il ne m'a pas vue. Vous devriez voir ça. Il les dépasse tous d'une tête. La lui arrive aux genoux, il fait attention de ne pas les écraser. Ils sautent toit autour de lui, lui tiennent la main, lui racontent leurs exploits. Et il sourit, tout heureux. Il est adoré des petits. C'est un modèle pour eux.
"Toi aussi" me glisse Khalife. Je souris faiblement. C'est probable. Je ne sais pas.

Djibril lève la tête et me voit. Il s'extirpe difficilement de la masse d'enfants agglutinée autour de ses jambes et me soulève. Je ris. Il m'a manqué !! Nous discutons brièvement pendant que Khalife rassemble les enfants.

Djibril m'explique que la popularité de ce sport a explosé depuis nos victoires respectives. Et celle de Khalife aussi. Son petit club le remplit de joie, même s'il ne le laisse pas paraître. Comme il n'a plus de famille, ça lui fait du bien. L'autre club de la ville a plutôt mauvaise réputation suite à la découverte de la cause de la blessure d'une espoir. Elle était surmenée.

Mon acolyte enchaîne les shootings photos, les pubs et les interviews, tout comme moi. Il paraît que nous sommes une grande fierté. Et ne suis fière de l'être, je l'avoue.

J'ai passé une merveilleuse après midi à jouer avec les enfants. Ils m'ont sauté dessus en me voyant. Ils ont soif de savoir et de technique. Je leur ai donné mes conseils, tentant de les aider comme je peux. Mais Khalife reste le meilleur, c'est sûr. Disons qu'avec Djibril, nous sommes plutôt source de motivation. Ils nous prennent pour modèles.
Nous avons fait la course avec eux, perdant le plus souvent. Il y a des filles et des garçons. Les plus grands s'entrainent un autre jour. Ça fait chaud au cœur de les voir. Qui sait, peut-être que le Sénégal deviendra un vivier de sprinteurs dans les années à venir? J'ai promis de revenir et j'y suis. Et ça me fait du bien.

***

Hey!
Voilà un petit bonus. Il y en aura d'autres.
Merci @MxlleMelaine d'avoir lu et voté au chaque fois.
Encore une auto - pub. 'Nouvelle histoire: En silence. C'est l'histoire d'une jeune fille vivant avec des parents mais qui ont des difficultés financières. Elle rêve pourtant de réussir. Mais elle vit dans la honte et souffre en silence, jusqu'à ce qu'IL la voir aux Restos du Coeur.

(Ceci était le résumé le plus nul du monde. Bref)

Kisses

Du Bout des doigtsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant