C'est aujourd'hui que je vais visiter les locaux. Je suis excitée. Sur le chemin, mes parents ne se parlent pas entre eux. Mon père ne cesse de me féliciter et de m'encourager. Je sens qu'il fait surtout ça pour convaincre ma mère que ça me tient à cœur. Je le remercie pour ça. Je regarde par la vitre. Encore une fois, je vois des gens assis sur des nattes, sur des poubelles ou en train de fouiller dedans. J'en vois avec des enfants. Certains prient, d'autres dorment, d'autres encore regardent dans le vide.
Je revois cet homme, la peau cramée par le soleil de Dakar assis sur ses sachets, contenant on ne sait quoi. Ses cheveux et ses habits sont sales. Il s'installe sur ses paquets, sur la route. Les voitures le dépassent, se demandant s'il est fou.
En France, cet homme est assis, il parle à son chien qui est sa seule compagnie. Cette femme resserre son écharpe et tient le main de sa fille.Encore une fois, les mêmes scènes se répètent à différents endroits du globe. Les mêmes problèmes récurrents apparaissent sans que l'on sache comment les régler.
Les Champs-Élysées, Yves St-Laurent et la Tour Eiffel occultent la pauvreté, la mendicité de Paris et des autres villes de France.
Les mendiants, les talibés, les infortunés, la pollution ambiante et les coupures d'eau et d'électricité au Sénégal occultent le Lac Rose, Saint-Louis, la musique et les tenues en Wax.
On ne choisit de montrer que ce qui nous arrange. Les bons côtés pour rester premier et les mauvais pour évincer la concurrence. La concurrence d'un pays qui nous a aidé pendant la seconde guerre mondiale. La concurrence d'un pays que l'on a colonisé et qui s'est battu pour son indépendance. La concurrence d'un pays qui nous donne bonne conscience quand on parle de nos relations internationales et ex-coloniales.Le Sénégal aime la France. Il ne la maudit pas. Mais il aime aussi son pays. J'ai vu des jeunes filles nées aux États-Unis, ayant donc la nationalité américaine, refuser de partir faire leurs études là-bas, même après avoir passé une année à travailler le Bac avec des profs qui ont fait la grève durant CINQ mois!! Tout ça pour l'amour de leur famille et de leur pays.
J'ai vu des enfants courir derrière des pneus avec un bâton pour le faire avancer, le sourire au lèvres. Sans iPhone 6S, sans hoverboard. J'ai vu des gens se battre pour leurs enfants, en travaillant, à 83 ans. J'ai vu de jeunes adultes à peine diplômés s'occuper de leurs parents, chez eux, pas en maison de retraite. J'ai vu des centaines de personnes aller à la mosquée, puis faire la fête avec des chrétiens, un sourire honnête sur le visage. J'ai vu des dizaines de personnes danser ensemble, dans des tenues brodées à la main sur du Wax. J'ai vu la fierté et le réussite. J'ai vu l'epoir d'un jour, se faire voir.
En attendant, nous sommes arrivés. Plusieurs familles sont déjà en place, formant un attroupement. C'est un gigantesque complexe. Je peux apercevoir plusieurs terrains extérieurs. On voit en premier le bâtiment principal, avec un toit rouge où il est écrit INSEP, qui signifie, Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance. Une grande piste d'athlétisme se trouve juste devant. On nous fait visiter. Il y a beaucoup de salles, très grandes et fonctionnelles. Une salle d'athlétisme couverte, une salle avec plusieurs terrains de badminton, un terrain de basket couvert et un extérieur, une piste cyclable intérieure et j'en passe. Il y a également des salles de kinésithérapie, de soins etc. Il y a une salle "Tony Parker". Beaucoup de murs sont recouverts et décorés à l'effigie de grandes personnalité passées par ce centre. Nous visitons la cuisine, vaste, les dortoirs, 2 par chambres. Mes parents sont rassurés et je les quitte, émue, tout comme eux.
Je me dirige ensuite vers la chambre que je partage avec Jeanne, coup de chance. Sur notre lit, nous trouvons le règlement intérieur, et, surtout, un survêtement de l'équipe de France !!!! Je le prend en criant et en sautant de joie. Je ne tarde pas à voir ma coloc' faire de même. C'est à ce moment que je réalise que cette aventure commence réellement. Je sors et range mes affaires et envoie une photo à Khalife, Djibril et ma tante. Je suis tellement heureuse et fière, je dois l'avouer. Tellement de temps que je travaille pour ça, que je vomis, que je sue, que je souffre sur la piste. Tout ça est aujourd'hui récompensé. Et en plus, je suis avec Jeanne. Sur la piste, nous avons beau nous affronter, nous nous entendons bien en vrai.
Elle fait de l'athlétisme depuis ses cinq ans. Au départ, elle ne savait pas trop quoi faire, alors elle a tenté le décathlon, mais finalement, c'est en 200 mètres qu'elle excelle et qu'elle pratique. Moi, j'ai commencé à 7 ans. J'en ai 16 depuis peu. Je savais déjà que c'était le sprint qui me plaisait. Ça n'a pas été simple, j'ai du perdre le léger surpoids que j'avais, travailler un an en parallèle du basket que je pratiquais alors. Ensuite, j'ai fait de bon chrono, autour des 14 secondes, mais sans technique, ni pointes ou équipements adaptés. Mon père m'a inscrite dans un club et j'ai amélioré mes chronos. Le séjour au bled m'a aussi aidée et j'ai progressé. Aujourd'hui, je compte bien ne pas laisser tomber, courir encore et encore, vomir s'il faut. J'y arriverai. Je ferai tout pour rendre ma famille fière, mais aussi Khalife, à qui j'ai fait une promesse. De son côté, j'espère que Djibril va bien et qu'il va réussir à se qualifier. En attendant, dodo.
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Du Bout des doigts
General FictionMarieme est une jeune ado qui ne vit que pour le sprint, pourtant, sa mère l'oblige à vivre pendant 3mois au Sénégal, son pays natal, pour qu'elle apprenne ce qu'est la vraie vie....