Chapitre Dix - Changement d'horizon

131 8 4
                                    


Massko entra dans la base en premier. Il fut soulagé de voir que personne n'avait été changé en pierre à l'intérieur : s'ils devaient utiliser leur ancienne base comme refuge, ils n'auraient pas supporté la partager avec un cadavre froid. Massko s'approcha du nid de Grimpal. Lui aussi avait été changé en pierre. Il n'y avait aucun moyen de trouver du confort. Enfin, il y avait les capacités de type Sol de Grimpal. C'était ce qu'ils utilisaient pour se faire une couche viable mais ils ne le faisaient que rarement puisqu'il ne fallait pas laisser de traces de passage. Cependant un détail attira l'attention de Massko : quelques pousses qui n'étaient pas faites de pierre étaient disséminées deçà et là à l'intérieur de la base. Massko s'empressa de sortir de la base, les sens en alerte. Grimpal était là, surveillant l'entrée.
-Grimpal, on a un problème, lança Massko sur un ton grave.
-Comment ça ? demanda-t-il, interloqué.
-Je pense qu'il y a des pokémons vivants qui sont passés par là récemment.
-Quoi ?!
s'écria Grimpal.
-Les plantes qui ont poussé dans la base ne peuvent être que le fruit d'une capacité d'un pokémon.
-Ahem !
fit une voix familière derrière Massko.
Les deux compagnons se tournèrent avec effroi vers l'individu qui venait d'apparaître. C'est impossible... Quelqu'un d'autre est en vie... Et c'est... Alakazam ! Les deux secouristes sautèrent sur le pokémon psychique. Cependant, Massko ayant évolué, il était plus grand et plus lourd qu'auparavant. Les trois pokémons s'écrasèrent au sol.
-Ah ! Alakazam ! Je suis si heureux de te voir ! fit Massko aux anges.
-C'est vrai... Nous n'avons croisé personne depuis que nous avons quitté la Place Pokémon. Et puis nous avons été séparés des autres...
-Je vois ça
, fit le vieux pokémon. Je suis sacrément impressionné que vous ayez réussi à survivre aussi longtemps.
-Il est évident que nous sommes plus forts que les Ténéfix et plus intelligents que leurs capitaines
, protesta Massko.
-N'en soit pas si sûr...
-D'ailleurs, pourquoi es-tu seul, Alakazam ?
demanda Grimpal troublé.
-Nous avons décidé de nous séparer, Dracaufeu, Tyranocif et moi.
-Mais pourquoi ?
continua l'ancien humain.
-Et Roucarnage ? coupa Massko.
-Oui... Roucarnage... Dès le début de notre expédition, un pokémon nommé Noctunoir est apparu et nous a affronté, lui et une horde de Ténéfix. Il nous a séparé. Roucarnage a pris la fuite avec Ectoplasma. Je ne sais pas s'ils sont encore vivants aujourd'hui.
Massko baissa la tête. Il s'inquiétait beaucoup pour Roucarnage. Ce dernier était le pokémon avec qui il se sentait le plus proche parmi les secouristes, excepté Grimpal. Ils avaient tissé un lien très fort lors de leur combat contre Rayquaza. Roucarnage manquait terriblement à Massko. Mais il avait beaucoup de mal à l'imaginer perdre contre les Ténéfix : il était le secouriste le plus fort et le plus expérimenté de leur équipe dû au fait qu'il avait passé beaucoup de temps dans l'équipe d'Alakazam. Massko songea aussi à Absol qui avait surement affronté la Grande Paralysie avec Feunard. En tout cas, c'était son hypothèse étant donné qu'ils ne les avaient pas trouvé dans les environs du Mont Glacial. Il imaginait le duo composé de l'oracle et de son bras droit en train de traverser le monde. Comme pour Roucarnage, il ne pouvait pas concevoir leur défaite. Feunard était un pokémon réputé pour sa discrétion et sa subtilité et Absol était rapide et futé. Ils ne pouvaient pas s'être fait piéger, c'était impossible. Et puis il y avait Zorua et Givrali. L'évolution de Givrali lui avait permis d'acquérir une nouvelle force non négligeable et la capacité d'illusion de Zorua leur offraient deux atouts imbattables. Cependant leur séparation n'était pas un bon signe à la base. Massko se voilait la face en pensant qu'ils avaient pu leur échapper tout ce temps grâce aux illusions de Zorua. Mais Grimpal se faisait un sang d'encre pour eux. Il avait dit mot pout mot qu'il ne cesserait d'espérer tant qu'il ne les aurait pas recroisé, morts ou vivants.

Les trois pokémons étaient entrés dans la base. Ils auraient aimé se faire un festin pour fêter leur piètre retrouvaille mais, fidèle au monde sans saveur qu'était devenu le monde, il n'y avait plus de nourriture, plus d'eau, plus de faim ni de soif. Le temps était arrêté après tout. Dans ce monde, la seule sensation était la douleur. Il n'était même plus question de température. C'était comme être enfermé dans une boîte sans son ni lumière pendant quinze ans. Mais retrouver Alakazam était déjà une lueur d'espoir. Il était maintenant l'heure de faire un mise au point de leur objectif et de ce qu'ils savaient.
-Alakazam ? Tu peux commencer ? demanda Massko. Raconte nous tout ce que tu a appris durant ces quinze dernières années.
-Par quoi je commence ? Par ce qui nous concerne ou ce qui concerne nos ennemis ?
-Commence par nous...
fit amèrement Grimpal.
-Eh bien... Je sais qu'ils auraient pu tous nous tuer depuis longtemps. Ils sont largement assez forts. Je pense qu'ils essaient de nous faire craquer psychologiquement avant de nous attraper et de nous achever. C'est pour ça qu'ils nous ont séparé de nos compagnons. Mais si nous étions seuls, nous n'aurions donné aucune manifestation de notre folie. C'est pourquoi ils font en sorte de nous laisser par petits groupes sans jamais pouvoir en rencontrer d'autres.
-Oui, c'est ce qu'on pensait. Mais nous avons fini par tomber sur toi. Comment c'est possible ?
demanda Grimpal, le cerveau en ébullition.
-Je vous l'ai déjà dit : nous nous sommes séparés. Il semblerait qu'une fois seul, les Ténéfix ne prennent plus aucune initiative envers nous.
-Comment ça ?
questionna Massko.
-Cela fait trois semaines que nous sommes partis chacun de notre côté. Nous nous savions assez forts pour faire face à tous les adversaires, donc nous avons voulu faire le test. Et depuis trois semaines, je n'ai rencontré aucun Ténéfix.
-Quoi ?!
s'écrièrent les deux compagnons.
-Il se trouve que les Ténéfix n'arrivent pas à nous suivre lorsque nous nous déplaçons seuls.
-Mais pourquoi ?
-Je pense que c'est parce qu'ils ne savent pas quoi faire lorsqu'une personne est totalement isolé. Je pense surtout qu'ils attendent des ordres. Il y a des chances qu'ils se remettent en chasse d'ici peu.
-C'était une idée de génie, Alakazam !
s'exclama Grimpal, admiratif.
-Mais ce n'est pas tout. J'ai surtout parcouru le monde afin d'établir un bilan.
-Comment ça ?
-Je suis maintenant capable de communiquer avec tous les pokémons encore en vie. Ce qui veut dire que je peux déterminer aussi le nombre de secouristes qui vivent encore, qu'ils aient abandonné leur mission ou pas.
-C'est vrai ?!
demanda Massko.
-Oui. Mais j'ai parcouru le monde pour savoir combien de victimes ils ont fait.
-Et alors ?
demanda Grimpal sans hésitation.
-Grimpal... Tu ne devrais pas prendre sa pour toi, remarqua douloureusement Massko.
-Je m'en fiche. Je dois savoir combien de personnes j'ai envoyé à la mort. C'est une question d'honneur. Je dois assumer mon erreur.
-9433 pokémons sont morts, tués par les Ténéfix. Cela représente 8% de la population totale.
-...
-Aujourd'hui, il reste 430 pokémons encore en lice. Chaque jour, je dénombre une dizaine de victimes. Bien sûr, je ne prend pas en compte les Ténéfix dans mes calculs.
-J'ai tué 9433 personnes...
souffla Grimpal.
Le pokémon-poisson sortit de la base en traînant des pattes sous le regard peiné de son partenaire. Bon sang... Grimpal... Alakazam retint Massko du bout de la main. "Je pense qu'il a besoin de digérer ce chiffre seul." Massko hésita avant de hocher la tête et de s'asseoir. Il prit quelques secondes pour reprendre son souffle avant de demander à Alakazam de continuer.
-Il y a une demi-douzaine de capitaines, fit Alakazam. Je n'ai rencontré que Noctunoir pour l'instant, il semblerait que c'est lui qui nous ait pris en chasse.
-M'en parle pas... Zorua nous avait parlé d'un Spiritomb.
-Nous n'avons trouvé aucun moyen d'accéder à la Tour du Temps pour aller affronter Dialga. Et nous ne savons pas non plus si c'est la solution... Aucune piste pour rétablit le temps non plus. Nous n'avons pas vraiment avancé... Nous n'avons fait que constater des faits. Et vous ?
-Je pense que nous ne sommes pas allés très loin non plus. Nous avons seulement remarqué que les Ténéfix nous attaquaient à intervalles réguliers. En réalité, c'est de cette manière qu'ils comptaient nous faire craquer. Ça a bien failli marcher... Quinze ans à fuir... C'est de la vrai torture.
-Mais parlons du plan. Moi j'en ai un. J'en ai même deux.
-Ah ? Tu as vraiment quelque chose ?
s'étonna Massko.
-Oui ! Et si, au lieu de rétablir le Temps, nous essayons d'atteindre le problème à la source ?
-Tu veux dire à la Tour du Temps ?
-Non. Plus encore. Ecoute... Si nous rétablissons le Temps maintenant et que ça sauve les vies de tous ceux qui sont figés, ça ne ramènera pas les 9433 pokémons morts... La vie de plusieurs pokémons ranimés pourrait aussi être anéantie à cause de ces pertes. Et si nous essayons de les ressusciter ?
-Comment ça ?
demanda Massko en ouvrant des yeux ronds.
-Si nous parvenions à remonter dans le temps avant que celui-ci se fige, nous pourrions empêcher Dialga de détruire la Tour du Temps.
-Ah, ah. Très drôle. J'ai failli y croire, à ton histoire. Remonter dans le Temps ? Je pense que seul Dialga est capable de le faire.
-Mais si nous trouvons un moyen pour remonter dans le Temps, alors nous pourrions le faire.
-C'est ça... Malgré tout, la probabilité que nous remontions dans le Temps est nulle. Bref, ton deuxième plan.
-Comme nous ne pouvons pas exécuter le premier plan, je propose que nous jouions la sécurité. Faisons l'inverse de ce qu'a proposé Grimpal il y a quinze ans : allons réunir les survivants. Si nous ne sommes plus assez nombreux pour agir, nous n'y arriverons pas. Nous devons donc sauver les secouristes.
-Ça, c'est un plan qui me plaît ! Mais il y a un problème : les Ténéfix risquent de nous attaquer sans relâche pour nous séparer.
-C'est pour ça que nous ferons tout par groupe de deux ou trois pokémons et que nous nous réunirons dans un endroit que nous aurons sécurisé.
-Un refuge ?
demanda Massko.
-Exactement ! s'exclama Alakazam.
-D'accord. Faisons ça. Essayons de retrouver les pokémons encore en vie. Avec un peu de chance, nous retrouverons nos amis... soupira Massko.
Massko se retourna vivement pour aller annoncer leur stratégie à son partenaire. Mais Alakazam l'interpella. "Au fait, je suis content que vous soyez encore en vie. Moi aussi, je vous pensais morts." lança Alakazam avec amertume. Massko lui répondit avec un grand sourire avant de sortir avec hâte. Pour la première fois depuis le début de la Grande Paralysie, Massko ressentait de la joie. Il avait hâte de secourir des gens comme avant, de voir de nouveaux visages amicaux. Mais tout ça allait être un sacré challenge étant donné que les Ténéfix éloigneraient le plus possible les autres pokémons d'eux.

Grimpal entra à la suite de Massko. Ilsétaient tous les trois dans la Place Pokémon depuis quelques jours déjà. Ilsavaient décidé d'attendre le retour de Dracaufeu et de Tyranocif avant de selancer à la recherche de survivants. Alakazam annonçait chaque jour le nombrede secouristes restants. Comme un compte à rebours, terrifiant, stressant etangoissant. "392" avait-ilannoncé ce matin. Mais avant de partir, Massko avait eu une petite idée.Peut-être avait-il trouvé le moyen de remonter dans le Temps. Enfin, si çamarchait, ils sauraient si il existait un moyen de remonter dans le Temps.
-Alakazam ! appela Massko.
-Oui ?
-Pourrais-tu fouiller dans la tête de Grimpal ?
-Pourquoi faire ?
-J'aimerais que tu me ramènes Gobou !
lança Grimpal avec espoir. Nous sommes toujours connectés. S'il estencore en vie, tu devrais pouvoir le voir et surtout, le ramener. Je suis sûrque nous aurons besoin de son aide, peut-être même maintenant !
-Je vais voir ce que je peux faire
, fit finalement le pokémon psychique.
Il posa une de ses pattes sur lecrâne de Grimpal comme il avait fait lorsqu'il avait communiqué avec le mondeentier. Mais cette fois-ci, c'était Alakazam qui injectait son esprit danscelui de Grimpal.
L'ancien humain se sentit projetédans le monde des esprits. Ce n'était pas sa simple double-vue, l'attribut luipermettant de garder un œil sur le monde des esprits. Cette fois, Alakazaml'avait expulsé de son corps. Grimpal pouvait donc se balader librement dans lemonde des esprits. Il trouva rapidement le tribunal dont lui avait parlé Gobou.Tout était désert. Ça me fait froid dansle dos tout ça... Pas un seul pokémon légendaire à l'horizon. Rien. Pas unesprit non plus. Quoiqu'en se concentrant, Grimpal arrivait à percevoir lesesprits les plus faibles. Mais Gobou était un gardien, il était devenupuissant. Normalement, il devrait être présent et visible. Ne connaissant riend'autre du monde des esprits, Grimpal s'assit là sans bouger, priant pour quequelqu'un capable de le renseigner ou quelqu'un qui dirigeait le remarque. Ilavait essayé de communiquer avec un petit esprit mais il semblerait qu'ils nel'entende pas. Ce n'était peut-être pas une histoire de faiblesse mais dedimension. Grimpal se trouvait sur la terre des pokémons légendaires et desgardiens, pas la terre des pokémons morts. C'estpeut-être pour ça que je ne vois pas Gobou... Peut-être qu'il est mort.Mais une voix vint le contredire exactement à ce moment-là.
-Grimpal ! s'écria Gobou enapprochant vivement.
-Gobou ! lui répondit-il.
-Comme je suis heureux de te voir ! Maiscomment es-tu arrivé ici ?
-Alakazam m'a donné un coup de main.
-Quoi ?! Alakazam est en vie aussi ?!
-Tout comme Massko.
-Mais c'est génial ! Bon sang, je vous croyez tous morts...
-Mais non, nous sommes là ! Et toi, que fais-tu ici ? Pourquoi n'es-tu pas venuvérifier que j'étais en vie ?
-Eh bien... C'est une longue histoire... Pour faire court, tous les pokémonslégendaires ont quitté le monde des esprits pour aller défendre le monde réelou pour fuir la mort. Depuis personne n'est revenu... Je sais que quelquespokémons légendaires ont survécu mais je sais surtout que s'ils pointaient lebout de leur nez quelque part, ils ne survivraient pas beaucoup plus longtemps.
-Mais qu'est-il advenu des autres gardiens ?
demanda Grimpal.
-Tous morts. Morts ou paralysés avecleur humain... J'ai décidé de me séparer de mon corps pour ne pas subir le mêmechâtiment. Je suis désolé Grimpal, je ne voulais pas m'éloigner de toi...
-Tu as bien fait, ne t'en fait pas. Tout ce temps, tu as protégé le monde desesprits. Et toi seul en plus ! Je suis fier de toi.
-Merci...
-Enfin bref, rentrons, tu veux bien ? Massko avait besoin de te parler. Et jesuis sûr que tu souhaites voir dans quel état est le monde réel... Même s'iln'est pas beau à voir.
-D'accord, rentrons. En effet je suis curieux... Mais je ne m'attend à rien depositif.
Alakazam rouvrit les yeux,rapidement imité par Grimpal. Le toussotement de Grimpal fit comprendre au deuxautres qu'il s'agissait de Gobou. Massko le salua avec enthousiasme.
-Ne perdons pas de temps, Gobou,lança-t-il sèchement.
-D'accord, je t'écoute.
-Tu te souviens de ce que je t'ai dit lorsque Grimpal est revenu ?
-Oui. Tu m'avais dit que je faisais toujours partie de l'équipe et que mon rôledevait être de garder un œil sur le monde des esprits pour que je puisse tefaire un rapport régulièrement.
-Exact. C'est l'heure de tenir ta parole. Gobou, c'est très important. Taréponse va déterminer si oui ou non, nous pouvons sauver le monde à la manièred'Alakazam.
-Je t'écoute, Massko
, fit Gobou qui sentit la tension monter.
-Quels sont les pokémons légendaires qui ont survécu ?

Pokémon Donjon Mystère: Explorateurs du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant