Recueil de textes gays

[Sydi] Les marchands de Barcelone

Les marchands de Barcelone vendent de tout : des t-shirts, des porte clés, des décapsuleurs et une ribambelle d'autres babioles estampillées du nom de la ville pour les touristes. Il y a, cependant, des marchands de rêve. Ceux qui insufflent le bonheur et l'émerveillement dans les yeux des petits et des grands.

C'est sur une petite place populaire que je l'ai vu. Là, j'étais le seul touriste. Les bâtiments autour étaient colorés, ce qui n'était pas rare dans cette ville, il y avait des plantes qui grimpaient et rongeaient peu à peu les murs de toutes les nuances, des arbres voilaient les gens qui se prélassaient, laissant filtrer quelques rayons à travers leur branchage paresseusement agité de temps à autre. Il y avait dans un coin d'ombre la terrasse d'un petit café, j'y étais assis. Les chaises de ferrailles grinçaient à chaque fois que quelqu'un les déplaçait, ce qui pouvait faire un boucan du diable lorsqu'un groupe arrivait ! Dans ma main je faisais tourner le liquide ambré d'un Ice Tea au citron, accompagné d'une rondelle et de glaçons. La journée était idéale : il faisait chaud mais une petite brise du nord - la tramontane - soufflait sur la placette.

Mes yeux étaient rivés sur lui, le vendeur de rêves - ou des miens du moins - qui tenaient dans ses mains l'instrument de son art : deux baguettes reliées par un filet. Je l'observais de loin, confortablement installé.

Il trempait le filet dans un pot rempli de liquide vert fluo avant de lever ses deux grands bâtons, étirant les fils blancs. D'énormes serpents colorés à la peau diaphane en sortaient, s'allongeant pour le plaisir des enfants qui s'amusaient à les éclater. Ils semblaient danser, tête et bras levés, pleins de savon, souriant de toutes leurs dents - si certains en avaient déjà. À les voir sourire, le marchand de bulles souriait aussi. Ses traits fatigués s'étendaient en un rictus soulagé et heureux.

Pour quelques centimes dans son bonnet, il nous faisait un signe de la tête, et le spectacle continuait. Son regard bleu-vert se concentrait de nouveau sur les bulles qu'ils créaient et que les enfants éclataient.

Par moment, un groupe d'adolescents arrivaient, sacs sur le dos, et redevenaient des gamins sur les pavés de Barcelone.

Moi aussi, à cette vision d'un tableau si naïf, je souriais.

Lorsque le marchand de bulles n'eut plus de savon, le enfants, déçus, s'en allèrent au bras de leurs parents. Seul l'homme restait avec ses baguettes au milieu d'une mare arc-en-ciel.

Il vint vers moi, l'air exténué, et s'assit à la table juste à côté. Il comptait les pièces dans son bonnet avec des yeux brillants, comme ceux des enfants qui s'agitaient tout autour de lui quelques minutes plus tôt. Je n'osais pas le regarder, je n'osais pas lui parler, pourtant le destin semblait s'acharnait à nous réunir puisque le marchand de bulles engagea la conversation.

《 Vous m'observiez, je vous ai vu. 》

Je sursautai au son de sa voix douce et grave, presque suave naturellement.

《 Oh, euh... Effectivement, bredouillai-je.

-Pourquoi vous n'êtes pas venu me voir ? 》

Je sentis ses yeux sur moi et daignai enfin le regarder.

《 Vous travailliez, je ne voulais pas vous déranger.

-Vous ne m'aurez pas dérangé, sourit-il. Vous le saurez pour la prochaine fois... 》

Il se leva en laissant un papier sur la table. Un clin d'œil, et il disparut. J'attrapai alors la feuille. Un sourire naquit de nouveau sur mes lèvres quand je vis ses coordonnées. Sylvain... Son nom s'ancra dans mon esprit et depuis, cette place devint celle de ma vie.

Hey ! Nouveau texte écris il y a une semaine, lors de mon voyage à Barcelone. J'en ai eu l'idée en voyant un marchand de bulles à l'entrée du quartier gothique... Voilà pour la petite histoire ^^ J'espère que ça vous a plus, des bisous et douceur sur vos cœurs <3