[Mozalieri] C'est la fête ! (TW dépendance, drogue, alcool, mutilation)

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Bonne année ! Un petit OS mozalieri fluff pour célébrer 20biteen !

Les rires et éclats de voix traversaient les murs pourtant épais et arrivaient jusqu’aux oreilles de Salieri. Celui-ci était cloîtré dans la salle d’eau à côté de la réception, incapable de s’y rendre. Il était assis sur le carrelage, l’air misérable, fixant le vide. Parfois il relevait les yeux vers l’un des miroirs en face de lui et se regardait. Ses yeux noirs, cerclés de noir, ses vêtements noirs, ses longs cheveux bruns tirés en une queue… Il la défaisait et la refaisait fébrilement régulièrement puis riait. Pas comme s’il était heureux, non, mais comme s’il voyait l’être le plus pathétique du monde devant lui.
C’était le cas.
Il avait un carnet sur ses jambes et une plume dans la main ; il écrivait d’une main tremblante et avec frénésie tout ce qui lui passait par la tête.
La pression est si grande que je ne me sens pas capable de la supporter. Rosenberg semble porter tant d’espoirs en moi que je ne peux que le décevoir. Il voulait éradiquer Mozart, et je l’ai fait, mais ça ne me plaît pas. Si nous sommes rivaux, je ne peux que m’incliner pour son talent : sa musique est si belle… en fait, elle me transporte et me fascine. Comment pourrais-je jamais être heureux de sa disgrâce ? Qui plus est en en étant la cause ? Boire me reste la meilleure solution pour ne pas craquer face au roi et à mon bon mentor. Au laudanum* et au vin !
Un petit flacon et une bouteille se trouvaient à côté de lui. Il se saisit du premier, sur lequel une étiquette indiquait ‘’laudanum’’, et l’ouvrit pour en verser le tiers dans un petit verre. Il le but cul-sec. Il se servit ensuite de l’autre bouteille un vin particulièrement rouge et particulièrement alcoolisé. Il but la moitié du verre et grimaça. Il revint à son écriture.
La pression est telle que mes pensées s’emmêlent. À quoi bon lutter ? je n’ai plus de conscience. Je suis un pantin, l’ombre de moi-même, rien. Mes rêves d’enfants d’être un grand musicien et compositeur ont vite été effacés par la recherche du succès et du bénéfice, et on privilégie la quantité à la qualité. Un retard, et la moitié de mon pain m’est enlevée.
Il fut une grosse rature, ragea, pesta, attrapa la bouteille de vin et la but au goulot. Puis il attrapa le laudanum, remplit de nouveau le récipient et me vida. Sa tête commença à tanguer, il voyait flou. Il coucha quelques mots sur papier, essaya de lire ce qu’il venait d’écrire, mais n’y parvint pas. L’avantage du laudanum était qu’il faisait vite effet. Il reprit l’alcool, voulut le vider, mais sa main s’ouvrit au lieu de se resserrer et la bouteille se cassa au sol, tâchant ses vêtements et son carnet. Il le regarda, mais ne voyait rien. Son esprit était embrouillé, mais il était calme. Il posa ses affaires à côté de lui, sorti un objet de sa manche et le contempla. Sa respiration ralentit, comme son cœur,  et il avait envie de dormir. Le couteau qu’il serait brillait dans ses mains, il en fit usage sur ses bras, sans précipitation, avec un calme qui l’étonna lui-même… Il se sentait tellement mieux, en distinguant le rouge au milieu de ce blanc et ce noir. Il n’avait pas mal grâce à l’opium, aussi les coupures se multiplièrent. Il ne sut quand, mais ses yeux se fermèrent en contemplant le spectacle et il s’endormit.

Je l’aime pourtant, et mon âme et meurtrie. Pourquoi suis-je né en ces temps et ici ? De quelle arme a-t-il usé pour faire naître cette hérésie en moi. Elle me prend le cœur, la tête, et tout mon corps se paralyse en sa présence. Est-ce la dépendance qui se montre ?
Mozart fronça les sourcils en lisant le carnet de son ami. Il venait de le trouver là, allongé dans une marre de vin et endormi. Il était plutôt pâle, ce qui ne rassurait pas le jeune musicien. Il voulut attraper sa main pour le réveiller, mais à peine l’eût-il touché qu’il retira sa main comme s’il avait été brûlé. Ce n’était pas loin de la vérité : la peau de son ami était réellement glacée. Il posa ses doigts sur son poignet pour s’assurer de son pouls, il était lent. Il approcha sa joue pour vérifier sa respiration, c’était la même conclusion. Mais au moins, il y en avait. Il commença à paniquer lorsqu’il vit qu’une partie de la flaque de vin était largement plus claire. Elle se trouvait pas loin de ses mains, dont il dénuda l’avant-bras sur de larges entailles qui ne saignaient plus. Une légère croute s’était déjà formée sur les blessures. Alors Mozart essaya de réveiller son ami, l’appelant maintes fois, serrant sa main, tapotant sa joue… Salieri finit par ouvrir les yeux. La lumière l’agressa, alors il se couvrit les yeux. Wolfgang écarta son bras et lui demanda :
« Salieri, mon ami, comment-vous sentez vous ? »
Le susnommé se redressa sans répondre, lançant un regard noir en espérant faire fuir l’autre compositeur. Cela ne marcha évidemment pas.
« Pourquoi avez-vous fait ça ? retenta-t-il. »
Le regard insistant du jeune homme mettait mal à l’aise son ainé. Il essaya de se dégager, se sentant envahi par l’odeur et la présence de son supposé ennemi, mais ce fut aussi vain.
« Salieri, ça me peine de vous voir ainsi… continua Mozart en caressant son épaule. Maestro, dites-moi, pourquoi vous faites-vous du mal comme ça ? Quelque chose ne va pas ? Je suis que nous sommes censé être ennemis, mais vous pouvez me le dire, vous savez. Si vous ne voulez pas en parler, dites-moi ce qui vous ferait plaisir. Regardez-vous maestro, vous n’avez pas bonne mine...
-Ce qui me ferait plaisir, répliqua d’une voix éraillée mais néanmoins colérique ledit maestro, ce serait que vous me laissiez seul.
-Pas dans cet état. »
La voix de Mozart était tendre mais ferme. Il y avait dans son attitude naïve quelque chose qui touchait profondément l’italien. Il était d’une nature douce et ne voyait nul ennemi, à part celui toujours présent de la censure. Salieri fixa son homologue, fasciné par cette honnêteté d’âme qui le rendait jaloux et honteux. Lui n’avait rien de généreux, rien de doux, et encore moins de tendre.
« Mozart… S’il vous plaît, laissez-moi seul, réitéra-t-il, mais sa voix avait sonné plus désespérée qu’il ne l’aurait voulu. »
Si Mozart était naïf, il savait être aussi observateur et n’en était pas moins un génie. Il remarqua le ton, et en fut plus peiné encore. Il prit la main de son collègue et la serra.
« Pas dans votre état, répéta-t-il. Je ne veux pas vous laisser après vous avoir vu si brisé. Je vous en prie, maestro, laissez-moi vous aider… Juste une fois… »
Salieri ferma les yeux et serra lui aussi la main dans la sienne. Une larme coula alors. Il se sentait si faible et nul et pitoyable…
« De quoi avez-vous besoin maestro ? réessaya le cadet, et cette fois-ci sa peine transparaissait vraiment dans sa voix. Je n’aime pas vous voir ainsi… »
Pour réponse il fut serré par deux bras fort, et un menton se posa sur son épaule. Il se sentit sincèrement heureux de cette étreinte et la rendit volontiers.
« Dites-moi, mon ami, que se passe-t-il ?
-Il se passe que je regrette, Mozart, lui répondit-il. Je regrette d’avoir pris votre place.
-Ce n’est rien…
-Je regrette les mots de Rosenberg.
-Ils ne sont pas les vôtres.
-Je regrette l’attitude de la Cour à votre égard.
-Ce n’est pas votre faute.
-Je m’en veux d’aimer autant votre musique.
-Cela me touche, mon ami, mais-
-Je m’en veux d’être ce que je suis.
-Attendez, quoi ? »
Le génie semblait surpris. Il se recula et fixa un Salieri plus que gêné dans les yeux.
« Ce que vous êtes ? répéta-t-il. Ais-je compris ce qu’il faut ?
-Certainement, soupira l’autre, toujours allongé dans le vin et le sang. »
Ces mots, ‘’ce que je suis’’, plongèrent le plus jeune dans une contemplation muette du visage de son interlocuteur.
« Vous… vous voudriez bien me laisser maintenant ? lança Salieri en reprenant son attitude désagréable.
-Non.
-Non ?
-Pourquoi pensez-vous que ces penchants sont honteux ? »
Le brun rougit. Donc son cadet avait bien compris ses mots… Il ne savait pas qu’il pouvait se sentir plus mal à l’aise.
« Je vous assure, monsieur, qu’ils ont tout de naturel, continua Mozart. Je connais votre foi en Dieu, ce qui n’est pas mon cas, mais mon père l’était et me récitait parfois cette phrase : ‘’Dieu aime tous ses enfants, et tout ceux l’aimant en retour verront sa grâce et profiteront de sa miséricorde.’’ Vous avez été fait pour être ainsi, ne le reniait pas, et si ma Cour aujourd’hui ne l’a pas compris, c’est qu’elle est trop aveuglée par l’argent. Les bûchers font peur, ils poussent les gens à se soumettre, et il faut bien taper sur quelqu’un… Mais je ne les crains pas, et vous devriez faire de même.
-Vous aimez les hommes ?
-Oui. Non. Les deux sexes m’attirent, plutôt. »
Ils se turent tous les deux, mais il n’y avait pas d’embarras dans le silence. Ce ne fut que lorsque Mozart se rendit compte que son aîné pleurait qu’il reprit la parole :
« Mon ami, pourquoi ces larmes ?
-Je… je ne sais pas… Je n’ai jamais entendu ces mots, fit-il remarquer. »
Une main vint caresser sa joue et sécher ses larmes.
« Je vous les répéterai tous les jours s’il le faut, car je ne veux plus vous voir triste à ce propos, triste à point de… vous faire du mal.
-Merci, sourit légèrement Salieri. »
Le blond sourit également plus largement.
« En ce qui concerne Rosenberg, cela fait des années que je ne prends plus la peine d’écouter ses sottises. Tout ce qu’il veut est créer des rumeurs, c’est une commère, rien de plus, précisa-t-il, faisant rire son homologue – dieu que ce son était beau ! Pour la cour, les tendances vont et viennent, peut être que je serais le numéro un demain, ce que je n’espère pas. Je ne doute pas que vous méritez votre place Salieri.
-Mon ami, vous êtes si… beau- bon ! »
Salieri rougit de nouveau de son lapsus et ce fut au tour de l’autre musicien de rire.
« Cela me touche, Antonio. Vous n’êtes pas mal non plus, remarqua-t-il, accentuant les rougeurs de son ami. »
Il avait l’air taquin maintenant, et décida de s’approcher du pauvre violoniste jusqu’à ce qu’ils soient joue-contre-joue pour lui murmurer au creux de l’oreille :
« Me repousserez-vous si je vous dis que j’aimerai vous embrasser ? »
Le cœur de Salieri lui faisait mal. Il battait si fort dans sa poitrine que c’en était douloureux, comme son ventre qui le tirait.
« Prendriez-vous avantage d’un homme saoul et drogué ? demanda-t-il, sonnant plus froid qu’il ne l’aurait voulu. »
Mozart s’écarta soudainement.
« Drogué ? répéta-t-il. »
Il espérait profondément avoir mal entendu. Pour toute réponse, l’italien leva devant ses yeux le flacon de laudanum. Les yeux du cadet s’emplirent de larmes.
« Pourquoi faites-vous ça maestro ? questionna-t-il d’une voix faible remplie de sanglots. »
Ledit maestro soupira et se releva maladroitement. Il tituba jusqu’à la sortie de la pièce alors que l’autre compositeur était toujours face à la flaque rouge. Ce dernier se redressa et lui fit face.
« S’il vous plaît Salieri, restez, l’implora-t-il.
-Avez-vous envie de passer la soirée avec un homme tel que moi, dans mon état ? lui demanda en retour le susnommé, écartant les bras lamentablement.
-Je voudrai passer toutes mes soirées avec vous, qu’importe votre état, répliqua avec passion son interlocuteur. »
Salieri tomba à genoux, sanglotant. Son ami se trouva désemparé mais il eut tout de même l’instinct de le rejoindre et le prendre dans ses bras. Il serra fort son collègue, tenant sa tête contre son épaule, caressant ses cheveux et son dos, le laissant s’épancher contre lui.
« Maestro, murmura-t-il, pourquoi ces pleurs ? Fussent-ils justes, il m’est toujours douloureux de les voir. »
L’aîné le serra un peu plus fort et pleura – encore une fois – réellement contre ce corps ami – qu’il aimerait plus !
« Mon ami, parlez-moi. Je ne vous jugerai pas vous savez, si ma surprise vous a blessé, pardonnez-la car je vous assure que vous n’êtes pas moins un homme à cause de cela. Dites-moi, quels maux vous hante ? Quelle blessure gardez-vous ? Je veux tout savoir… »
Salieri se calma un peu, et releva la tête. Il sécha ses larmes lui-même et se racla la gorge.
« Il y a les mêmes raisons dont nous avions déjà discutées et… ma honte, dit-il. J’ai si honte de ce que je fais, c’est un cercle vicieux. Un cercle dont je ne sors pas. Je suis seul, vous savez. Je me sens seul, et au début je pensais que la solitude m’irait, mais je me suis bien rendu compte que c’était faux, un autre mensonge à moi-même. »
Il rit amèrement.
« Et c’est cet homme qu’on appelle compositeur et auquel on fait appel pour sa musique… se moqua-t-il en se pointant du doigt. »
Mozart le serra de nouveau contre lui.
« Vous n’êtes pas seul Antonio, répondit-il. Je vous aime. Si vous vous sentez la solitude, je vous en conjure, venez me voir plutôt que de vous faire du mal. Je serai toujours là pour vous… Je vous aime tant… »
Ses derniers mots étaient murmurés, mais ledit Antonio les avait bien entendu.
« Wolfgang… susurra-t-il.
-Entendre mon nom de vos lèvres est la chose ma plus douce qui soit. »
Antonio déglutit.
« Attendez de les sentir contre les vôtres…
-Je n’attends que ça… »
Ils s’embrassèrent. Ce fut une explosion de lèvres, de langues, de dents, de mains qui se cherchent, de corps qui se trouvent, de souffles entremêlés… Finalement ce fut Mozart qui écarta son amant.
« Quelqu’un pourrait nous trouver-là…
-Je connais un endroit où il ne pourrait pas, murmura-t-il. »
Le cadet sentit un picotement chaud et agréable dans son bas-ventre à l’entente de ces mots et à la sensation du souffle dans son cou. Il se laissa mener jusqu’à… la salle de composition, où son amant lui fit chanter mille mélodies et voir plus de notes encore…

*laudanum : drogue, dérivé de l'opium.

Jles aime ❤

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