Je vous parle d'un temps
Que les moins de vingt ans
Ne peuvent pas connaître
Montmartre en ce temps-là
Accrochait ses lilas
Jusque sous nos fenêtres
Et si l'humble garni
Qui nous servait de nid
Ne payait pas de mine
C’est là qu'on s'est connu
Moi qui criais famine
Et toi qui posais nu
Tu avais le teint halé, propre à ton pays de bohème et ses champs de colza. À la rue, tu n’avais pour seul travail que celui de ton corps. Tu n’étais pas un putain, loin de là. Tu avais posé ton baluchon à Montmartre, où je possédais un petit meublé que j’avais du mal à payer, au détriment même de mon pain et de ma soupe. Tu posais pour les artistes de ça et là dans la rue, et m’avais tout de suite tapé dans l’œil…
Tu n’étais pas des Hercules ou des Zeus de l’Antiquité, non. Ton corps était fin, tu étais maigre. Tes cheveux étaient plutôt long, ils t’arrivaient presque aux épaules, me semblait-il, et tes yeux chocolats avaient capté mon regard à l’angle de ma rue. Je portais sous le bras le carton de mes croquis et à la main les outils de mon art. Nos regards se sont accrochés et je suis resté hypnotisé face à ta beauté que je voulais dessiner sous toutes ses coutures.
Tu semblais sous le charme aussi, tu ne décrochais pas son attention de moi et me détaillais de la tête aux pieds. Tu t’es approché, je suis resté tétanisé. Tu as engagé la conversation, j’ai continué, et on a discuté...
Le bohème, le bohème
Ça voulait dire
On est heureux
Le bohème, le bohème
Nous ne mangions qu'un jour sur deux.
On s’est retrouvé peu après dans l’intimité de mon studio. Tu m’avais demandé si tu pouvais rester et je n’ai jamais su refuser ça à tes beaux yeux. Dylan, tu s’appelais… Tu étais beau comme un dieu pour moi, mais de ceux que l’on veut garder secret, dont on aimerait que le corps et l’esprit, tout entier, nous appartiennent.
Nous avons fini par le faire, la première fois, sur notre lit et, dans la lueur du soir, nous nous sommes endormi en murmurant d’un souffle notre amour commun. Depuis ce jour, je fus le plus heureux des artistes, ma muse et mon modèle près de moi. Et même si le pain, et même si la soupe, n’étaient pas présents à foison sous notre toit, nous étions heureux. Avec quelques compromis, on s’en sortait comme on pouvait…
Dans les cafés voisins
Nous étions quelques-uns
Qui attendions la gloire
Et bien que miséreux
Avec le ventre creux
Nous ne cessions d'y croire
Et quand quelques bistrots
Contre un bon repas chaud
Nous prenaient une toile
Nous récitions des vers
Groupés autour du poêle
En oubliant l'hiver
Assis dans un coin chaud du bar, je mangeais parfois un bon repas sans broncher, jetant quelques coups d’œil fiers au tableau accroché au mur. Me remplir enfin le ventre avec de la vraie nourriture était ce à quoi j’aspirais depuis un moment et la chaleur de la salle me faisait tant de bien en cet hiver particulièrement froid.
Face à moi, tu mangeais aussi, mais tu chantonnais en même temps. J’entendais le fredonnement de ta voix si belle malgré tout le brouhaha alentours et il me berçait ailleurs. J’oubliais tout et mes yeux restèrent fixés sur toi, au regard pétillant et au petit sourire qui ne te rendait que plus adorable encore…
Lorsque tu finissais de manger, tu te mettais à chanter et j’aimais écouter le doux son provenant de ta gorge qui dansait dans l’air jusqu’à mes oreilles. Je me mettais à chanter avec toi et nous nous sourions tous les deux, allongeant ce moment où, pour une fois, la pauvreté, la faim, le froid et la fatigue n’importait plus.
C’était de simples moments de bonheur…
Le bohème, le bohème
Ça voulait dire
Tu es joli
Le bohème, le bohème
Et nous avions tous du génie.
Je pouvais passer des heures à te regarder tant ta beauté m’inspirait mille pensées merveilleuses et cent encore de rêves fabuleux. Il me suffisait de croiser ton regard pour que mon esprit vagabonde entre les champs de ton enfance que tu m’avais par vingt fois contés et les rues pavées de Montmartre sous les lilas du printemps.
Tu me disais souvent, en voyant mes œuvres, que j’étais un génie de l’art. J’étais flatté mais je n’en croyais pas un mot. C’était toi qui m’inspirais, toi seul, et il faut du génie pour inspirer ce qu’on pense l’être à notre tour.
Souvent il m'arrivait
Devant mon chevalet
De passer des nuits blanches
Retouchant le dessin
De la ligne d'un sein
Du galbe d'une hanche
Et ce n'est qu'au matin
Qu'on s'asseyait enfin
Devant un café crème
Épuisés mais ravis
Fallait-il que l'on s'aime
Et qu'on aime la vie
Tu n’étais qu’habillé de ta beauté quand je te peignais sous toutes tes coutures comme je le souhaitais dès la première seconde. J’aimais ces nuits passées dans le silence à dessiner tes courbes masculines, dans le calme plat de notre chambre sous les toits. C’était apaisant malgré la dureté d’une nuit sans sommeil à faire travailler les yeux qui saignent de labeur. Mon amour pour toi et ton corps était plus grand que ce mal dont je souffrais si souvent.
Quand j’avais fini, tu préparais le café comme tu savais si bien le faire et nous nous asseyions, face à face, à nous dévorer des yeux comme nous dévorions le contenu de nos tasses, avide de l’énergie que peinait à nous procurer notre amour fou. Nous étions éreintés comme jamais mais cette vie là nous plaisait grandement et pour rien au monde je n’aurais échangé notre cocon misérable, mon travail si peu rémunéré et notre idylle que l’on vivait entre la lune, maîtresse de nos nuits, et les coups de pinceaux sur ma toile.
Le bohème, le bohème
Ça voulait dire
On a vingt ans
Le bohème, le bohème
Et nous vivions de l'air du temps.
La vigueur de la jeunesse nous accompagnait à chaque nouveau lever de soleil. Je voyais ses rayons caresser ta peau basanée avant que mes mains ne passaient dessus. J’appréciais ce toucher si doux, cette sensation d’appartenance… C’était ça : tu m’appartenais. Tu me faisais toujours comprendre la réciprocité en effleurant de tes doigts agiles mes mains devenues rudes à force de peindre. Ils remontaient mes bras pour accrocher mes omoplates d’une forte poigne. Et généralement, nos vêtements finissaient par valser au travers de la chambre pour que nos peaux avides de l’autre se rejoignent.
J’aimais tant ces moments d’une douceur et pourtant d’une passion extrême. Ce sont ceux qui me manquent le plus, je le crois bien. Ne plus avoir tes épaules épousant la forme de mes coudes, ton torse contre le mien, tes mains quelques peu baladeuses qui jamais ne me déplaisaient, pourtant… Tes yeux, qui brillaient dans la lueur du jour d’une gaieté sans pareil, étaient ma raison à moi. Ils étaient ma raison de me lever les matins où je dormais, ils étaient la raison, à mon monde, de tourner. Certainement, ils me manquent…
Quand au hasard des jours
Je m'en vais faire un tour
A mon ancienne adresse
Je ne reconnais plus
Ni les murs ni les rues
Qui ont vu ma jeunesse
En haut d'un escalier
Je cherche l'atelier
Dont plus rien ne subsiste
Dans son nouveau décor
Montmartre semble triste
Et les lilas sont morts
Les rues n’étaient plus pavées, les lilas ne pendaient plus aux fenêtres, les artistes ne courraient plus les rues, toiles ou croquis sous le bras, les oiseaux ne chantaient plus, le soleil ne brillait plus au travers de notre fenêtre, ses rayons ne caressaient plus ta peau, tu ne posais plus, nu, au milieu de l’atelier vide, seule reste de toi était cette tasse brisée, piétinée, et une larme me vint à l’œil a la pensée des tiens s’en remplissant. C’était fini.
Les bars n’accueillaient plus les artistes miséreux, ceux-ci ne récitaient plus les vers de quelques dramatiques poèmes, mais seul, dans l’atelier, me revint la mémoire de ton sourire brisé. Je t’avais serré dans mes bras, ce soir là. Je t’avais serré si fort… Je ne voulais plus te lâcher, toi et tes longs cheveux bruns, tes yeux chocolats-noisettes, ton visage adorable et tes courbes que j’aimais manier de mon crayon et de mon pinceau… C’était fini.
Ils avaient frappé, un coup fort, le coup de notre mort. Ils étaient entré, le pas lourd, comme nos cœurs se séparant. Deux morceaux de lambeaux qui jamais ne pourrait redevenir complet. Et me voilà, à repenser à notre vie d’antan, ton souvenir funeste me collant à la peau. Plus jamais je ne verrais ta peau bronzée par la Bohème, c’était fini.
Je ne t’appartiens plus car tu n’es guère désormais mais l’image de ton corps reste imprimée contre le mien. Et me voilà, à vaquer dans Montmartre, à chercher la douleur de tes restes, à essayer de me convaincre… C’était fini…
Le bohème, le bohème
On était jeunes
On était fous
Le bohème, le bohème
Ça ne veut plus rien dire du tout.Hey ! Voici une songfic sur une chanson que j'affectionne beaucoup, "La Bohème" de Charles Aznavour ! Bon, je l'ai modifié quelque peu pour que ça colle un peu plus à mon idée :3 Je suis plutôt fièr.e de ce texte et j'espère qu'il vous a plu !
Des bisous et coeur sur vous les gens ❤
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