Un an...

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Pfffft.

La flèche alla se planter dans la palissade de bois juste derrière moi, frôlant mon oreille.

- Loupé ! Tente encore ta chance... A moins que je ne te tue avant, me murmurais-je à moi même.

Avant même que le monstre puisse réarmer son arc, je m'élançais vers lui. D'un coup rapide, je me glissais dans son dos, lui tranchant la gorge d'un geste sec. Dans un flot de sang, il tomba à genoux, puis s'effondra comme une masse sur le sol.

Je me baissais promptement, évitant un autre projectile en pleine tête, et sans me retourner, je lançais ma dague vers l'arrière. Cette dernière finit sa course dans un bruit écoeurant de chair coupé, qui me fit grimacer de dégoût. Le deuxième s'écroula sur le sol, tout aussi théâtralement que le premier.

M'amusant encore un peu avec la troisième créature, je lui tranchais chaque petit centimètre de peau. Apparement, cela avait le don de l'énerver. Je ne comprenais pas le Jolancre, mais vu ses cris, il ne m'invitait pas au prochain bal pour être sa cavalière.

Quand j'en eu assez de jouer, je tendis le bras, récupérant magiquement une branche qui trainait au sol. Tel Zeus et son Eclair, je l'enfonçait profondément dans la poitrine de mon adversaire.

Regardant fièrement ma dernière victime, je ne pus me retenir de lancer en allant récupérer ma dague dans la gorge d'un autre cadavre :

- Je devais être forte en javelot, dans une autre vie, tu ne crois pas ?

Pas de réponse. Dommage.

Profitant du calme des lieux, je décidais de planter mon campement ici pour la nuit.

Déroulant mon sac de couchage de fortune, j'allumais magiquement un petit feu.

Je fouillais dans mon sac, et en sortit quelques morceaux de viandes séchés et un pomme. Ca fera l'affaire pour ce soir, mais il fallait vraiment que je prenne le temps d'aller chasser demain.

Enfin, c'était ce que j'avais prévu de faire il y a une heure. Sauf qu'au lieu de tomber sur un cerf ou un sanglier, j'avais trouvé un joli petit groupe de Hundjags. Ils n'étaient pas très entrainés, mais j'avais au moins passé un quart d'heure sympathique avec eux !

Après ce léger festin, je me glissais dans mon sac de couchage, et comme tout les soirs depuis le début de ma quête, je déroulais avec délicatesse le parchemin que m'avait laissé ma mère.

Dans un hiver froid,

Lorsque tomberont les restes du Savoir

Quand le noir aura trahit les Lois

Naîtra l'ombre du dernier Soir


Seul l'un,

Après bien des dangers,

Sur le fil tranchant du Bien et du Mal,

Seul lui aura le pouvoir de décider

Seul lui pourra rétablir le Lien

Si le Monde s'éclairera, sombrera dans un dernier râle


Lui, précieux prophète,

Sera seul.

Rien, ni amitiés faites

Ne l'aidera dans son choix, seul.

Seul il sera et

Seul il décidera

De qui vivra, et qui mourra

De tout les sacrifices qu'il devra livrer.


Le sort en dépend

L'avis d'un seul enfant

Nous rendra la vie

Ou nous plongeras dans l'oubli de la nuit...


Impuissante à comprendre réellement le sens du texte, je me résignais pour la centième fois à le ranger dans ma besace. J'avais beau me dire qu'il devait contenir toutes les informations que je cherchais depuis des mois déjà, je n'avais pas plus avancé sur mes recherches.

Même la traduction n'était pas exacte. C'était de l'ancien Angélien, la légende prétendant même que c'était la langue utilisé par les Gardiens Fondateurs. Sur la vingtième ligne, cela pouvait être «la vie » d'un enfant, comme « l'avis ».

Prise dans ma lecture, je ne vis pas la fougueuse chevelure rousse s'approcher de moi.

- Sofya, je ne t'ai pas entendu, sursautais-je quand sa main se posa doucement sur mon épaule.

- Toujours avec ce parchemin, hein ? Tu ne renoncera donc jamais Elyana ?

- Moi ? Tu me vexes là petite sœur, feignais-je d'être blessé.

Bien que contre ma décision de partit à l'aventure, Sofya était tout de même venue avec moi, à mon plus grand soulagement, et elle ne s'était jamais plainte.

S'asseyant de l'autre côté du foyer, je l'observais distraitement.

Ses longs cheveux roux tombaient en cascades dans son dos et sur sa poitrine. Elle était la seule de la famille à avoir hérité de cette chevelure de feu. Pour ma part, je devais me contenter d'un noir sombre teinté de rouge. Ses yeux verts clairs étaient perdus dans le vide, quelque part au loin.

- A quoi tu penses ? la ramenais-je doucement à la réalité.

Prenant quelques minutes de silence encore, elle me répondit enfin, d'une voix lourde de mélancolie, empreinte du passé :

- Ca fait un an aujourd'hui.

Il n'en fallut pas plus pour que je la comprenne.

Ne sachant que répondre pour la consoler, je baissais la tête, mal à l'aise. Je n'étais pas très doué pour exprimer mes sentiments, même si j'étais consciente de tenir à Sofya plus qu'à ma propre vie.

Un an. Un an déjà. Un an depuis l'invasion. Un an que les monstres avaient détruis notre village, brûlé. Un an que notre mère avait été tué. Ainsi que notre père. Et notre frère. Devant nos yeux. Un an que Sofya et moi on s'était échappées des enfers.

Ne trouvant toujours pas les mots, je fis venir ma petite sœur près de moi. La serrant dans mes bras, je m'allongeais, lui caressant les cheveux, la berçant légèrement. Doucement, pour qu'elle seule l'entende, je lui fredonnais la chanson que notre mère chantait quand elle cuisinait. Elle ne la chantait que très rarement, mais quand nous étions petites nous adorions l'épier et l'écouter. Elle avait une voix plus pure que celle des Oiseaux de la forêt.

D'un geste de la main, je baissais l'intensité du feu. Remettant à demain la poursuite de la quête, je profitais d'une bonne nuit. Fermant les yeux, je sombrais dans un rêve verdoyant, une petite fille au cheveux bruns jouant avec un papillon.

Gardiens des Panthéons : Ahauréliane LorélysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant