Partie 2

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Étrange, car elle est sombre et n'est éclairée que par la lampe de la commode. Étrange, car il y a une atmosphère différente. Étrange,car je me sens moi-même étrange. Étrange, car je ressens un changement dans ma vie qui commence avec ce déménagement.

Le tic-tac de ma montre et les gouttes d'eau qui tombent de mes cheveux sur le sol brisent le silence.

  Mélusine avait adoré ce meuble dès elle l'avait vu, c'était le premier meuble que Padouk avait dessiné et construit en tant que menuisier professionnel. Il lui avais fait la surprise de le lui offrir lorsqu'ils ont emménagés ensemble à Nantes. Il avait sculpté entre les deux poignées du dernier tiroir un croissant de lune à l'intérieur d'un cercle. Elle affectionnait particulièrement ce symbole.

Je passe délicatement les doigts dessus puis tire sur les poignées. Il ne bouge pas d'un millimètre. Je tire une seconde fois, plus fort,en évitant de faire tomber ce qu'il y a sur le plateau en bois. Il ne s'ouvre pas pour autant. Décidée à savoir pourquoi le dernier tiroir bloque, je m'assois devant lui, glisse l'avant-bras sous le meuble pour essayer de le faire bouger par-dessous. Les doigts sur le côté rugueux du bandeau du meuble heurtent quatre pitons de bois.Je pianote dessus. Nerveusement j'appuie avec force sur l'un d'entre eux, il rapetisse et entre dans le bois. J'appuie de la même façon sur une autre tige qui, elle aussi, rétrécie.

Le quatrième piton enfoncé, la gravure s'illumine d'un rapide éclat brillant. Les mains sur les poignées en bois je tente une dernière fois ; sans réelle conviction ; de desceller le caisson.Il s'ouvre et un léger nuage de particules de poussière s'en échappe. Je toussote.

Rangé dans le fond, un carton aux angles ratatinés et taché par le temps est entreposé. Je le sors. Il n'est pas très haut, plutôt long et assez large, il est ancien et sent les vieux livres. Lorsque j'ouvre les rabats, une photo s'envole ; j'en ai immédiatement la gorge nouée. Je me mets à pleurer en découvrant son contenu. Les larmes coulent sur mes joues rouges et mon cœur s'emballe. Je commence à paniquer à l'idée que ma sœur par alliance m'entende, au même titre que les parents. Padouk prendrait le carton et je ne le reverrais sans doute jamais. De plus, je n'ai aucune envie qu'ils me voient dans cet état.

Mes émotions sont plus fortes que jamais et me submergent. Des larmes n'arrêtent pas de couler, c'est comme si le Nil se déversait sur mes joues rougies par l'émotion.


  Laure passe la tête par le chambranle de la porte et est choquée de me voir dans cet état. Elle s'approche, le cœur serré, et me prend instinctivement dans ses bras. Tout en me murmurant des mots qui me calment elle me serre fort. Après quelques minutes, elle se redresse, me prend les mains et me fixe de ses jolis yeux noisettes :ils brillent d'incompréhension. Elle ramasse la photographie qui s'est envolée, la regarde rapidement avant de me la tendre.

-  Lune, ça va ? Je ne t'ai jamais vu dans un tel état. Elle me sourit avec compassion.

-  Bien sûr. Pourquoi ça n'irait pas ? J'essuie mes joues d'un revers de main et inspire profondément avant de reprendre ma froideur habituelle.

-  J'ai toujours su que tu n'étais pas comme ça. Même si on n'est pas de vraies sœurs, on pourrait quand même être amies! En plus, on va vivre ensemble pendant un moment.

-  Ce ne serait pas une bonne idée. Dis-je froidement.

-  Pourquoi ? Me demande-t-elle surprise par ma froideur.

-  Nous sommes bien trop différentes.

-  Mais, on ne s'est jamais parlé ! Comment connaître une personne sans passer du temps avec elle ?

Le Croissant de Lune - Livre 1 La Nouvelle Constellation [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant