Partie 18

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  Mal à l'aise en histoire, je n'ose même pas regarder mon ami. Le nez sur mes feuilles, je prends en note tout ce que le professeur dit. Je ne réfléchis même pas à ce que j'écris, mon esprit est bien trop occupé à penser à la façon dont je vais bien pouvoir recoller les morceaux. Dans ma tête je m'imagine des dizaines de plans plus compliqués et inefficaces les uns que les autres. La sonnerie va retentir dans quelques instants et je ne sais toujours pas comment faire. Instinctivement je me penche vers le garçon et lui chuchote que je l'attendrai à la bibliothèque et que s'il ne vient pas je comprendrais. Sans me regarder, ni montrer aucune émotion il hausse les épaules, sans répondre. La sonnerie claironne et, dans une tornade de bruits, de rires et de paroles incompréhensives, la classe se lève et sort de la pièce en laissant le professeur qui s'amuse à voir ses élèves sortir aussi prestement qu'ils sont entrés.

  Après être passée rapidement au casier je me rends d'un pas fébrile à la bibliothèque. A l'entrée, à côté de la double porte en bois,le bureau de la bibliothécaire, que j'ai toujours vu désert, est occupé par cette dernière. Sur sa table : un paquet de feuilles vierges, une lampe vintage, des taillures de crayons, des dizaines de livres, une boite à sandwich et quelques miettes de pain.

Plongée dans un livre à l'eau de rose, Mlle. Romence est prise dans la peau du personnage principal : une certaine jeune femme romantique et rêveuse à qui rien ne réussit en amour et dont la vie est des plus banale ; mais un jour, alors qu'elle se baladait dans le parc,elle rencontre un jeune homme séduisant. Et même si leurs vies sont radicalement opposées les sentiments amoureux vont leur permettre de dépasser les rudes épreuves qui les attend. Et vivent les fins heureuses des Arlequins !

-  Bonjour mademoiselle. Dis-je d'une voix discrète. Et bon appétit.

-  Bonjour jeune fille, merci ! à vous également. Me répondit-elle sans lever les yeux et continue de lire, comme si de rien n'était.

  Je traverse la pièce dans les allées de papier, amusée par la jeune femme qui ressemble beaucoup à la protagoniste de ce roman.

  « Pourquoi faut-il toujours que les gens aient besoin d'être avec quelqu'un pour que leur vie soit satisfaisante ?

  Non,la vie ce n'est pas l'Amour, loin de là ! La vie c'est apprendre, découvrir de nouvelles choses, bouger et voir ailleurs,être curieux et intrépide. Voir le monde d'un œil aussi aimant que critique et aussi bienveillant qu'objectif. Les rencontres sont essentielles, croiser des gens de cultures différentes, apprendre à les connaître et rire avec elles. » M'éditais-je.

  Au fond de la pièce, entre deux étagères monumentales, assise sur le rebord de la fenêtre, je regarde les élèves dans la cour. La tête contre la vitre fraîche, je cherche Laure du regard. Assise sur un banc avec ses nouvelles amies, je les vois parler et rire. Ça me fait plaisir de la voir comme ça, elle ne subit ni le déménagement,ni mes cachotteries.

Plus loin, près du mur, les amis de Till discutent et se bousculent. Je soupire et marmonne.

-  A quoi tu t'attendais Lune, ça a beau être ton... Je ne sais même plus qui tu es pour moi maintenant, Till. Si tu savais à quel point je suis désolée d'avoir réagi de la sorte. Tu étais là quand j'étais petite et tu es toujours là aujourd'hui. Et moi, j'ai bien l'impression de n'avoir jamais été là pour toi. Je replie mes jambes et entoure mes genoux de mes bras. Je ne sais même pas comment j'ai pu encore croire que tu viendrais. Je n'ai plus qu'à voir le côté positif, car même si tu ne connaîtras jamais l'état de mon désarroi, je sais que tu vivras bien mieux sans la plus pénibles de personnes que tu ais dû avoir à rencontrer. Attristée par cette conclusion je pose ma tête sur mes genoux serrés. Jamais plus je ne t'oublierai Till, plus jamais ; je t'en fais la promesse.

Le Croissant de Lune - Livre 1 La Nouvelle Constellation [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant