I ► Ensemble

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Un, deux, trois.

Inspirer. Expirer. Doucement.

Un, deux, trois.

Le cœur qui palpite.

Un, deux, trois.

Le sang qui pulse.

L'appréhension le tenaillait, comme si un étau comprimait douloureusement son corps. L'attente creusait un peu plus sa poitrine à chaque instant.

Qu'est-ce qui lui avait pris ?

Un, deux, trois.

Link s'efforçait de ne pas y penser. Plus il penserait, plus il appréhenderait. Inutile de pousser l'émotion, quand elle menace déjà de rompre la digue de la contenance.

Un, deux, trois.

Il leva les yeux vers les cerisiers en fleur ; une profusion de blanc et de rose qui bordait le lac, et répandait son encens suave et sucré. Link s'imprégna de leur parfum en fermant les yeux. Il tentait de calmer les battements de son cœur. Tout lui semblait trop. L'attente trop longue. L'émotion trop forte. L'odeur trop écœurante.

Regarde les cerisiers, se morigéna-t-il. La cascade.

Oui. La cascade. Elle se déversait dans le bassin dans de joyeux gargouillis, étincelante sous le soleil. Link laissa ses cheveux emprunter le mouvement désordonné de la brise chaude et bienveillante. Il sentait des élancements douloureux parcourir ses jambes tant il s'était pressé et était resté debout longtemps. Mais cela en valait bien la peine, n'est-ce pas ?

Un, deux, trois.

Car voilà ce qui lui avait pris, de manière si subite : il avait donné rendez-vous à Zelda.

Et pas n'importe quel rendez-vous.

Quatre, cinq, six.

Ils étaient amis de longue date, d'aussi loin que remontaient ses souvenirs d'enfance. Link s'était constamment heurté à l'obstination légendaire de Zelda, sa soif immense de découverte, qui l'emmenait toujours hors de sa zone de confort à lui. Elle n'avait jamais hésité à planter ses doigts dans son bras pour l'arracher à sa chambre ou sa sieste paisible à l'ombre d'un arbre. C'était un feu rebondissant, courant, doté d'une curiosité insatiable. Un vrai ressort. Volubile, enthousiaste, de ceux qu'on ne peut pas en vouloir sous leurs immenses sourires qui disent : « Alors, tu viens ? ».

Quatre, cinq, six.

Le bouquet de fleurs glissa de sa paume moite. Il le transféra dans sa main droite, qui n'en menait pas large. Ses doigts se serrèrent autour des tiges. Est-ce qu'un homme autre que lui s'était déjà senti aussi en difficulté ? Aussi pris dans des émotions si puissantes ? Il respira profondément, puis il tourna le dos à la cascade, vers le pont Est. Aussitôt, le tiraillement dans sa poitrine se fit plus fort. A moins que Zelda n'émerge des bois derrière lui, risquant qu'il fasse une crise cardiaque, c'est par là qu'elle arriverait. C'est ce qu'il lui avait demandé dans sa lettre. Il préférait manier les mots avec un crayon que les exprimer à travers son corps. Accepter de ressentir était toute une histoire.

Sept, huit, neuf.

Il mit sa main gauche en visière et plissa les yeux. Quelques pâtés de maison plus loin se tenait le marché couvert. Encore plus loin dans la même direction, l'École de Chevalerie.

Dans une ou deux heures, le soleil passerait en-dessous de la ligne d'horizon. Depuis combien de temps était-il là ? Il l'ignorait. Il se savait capable d'attendre toute la nuit s'il le fallait.

Jusqu'aux étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant