Oser

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Une pluie fine tombait doucement du ciel couvert alors que les célestriers se laissaient planer dans un vent favorable. Le capuchon de sa pèlerine rabattu sur sa tête, Zelda serrait l'encolure de sa monture pour ne pas se laisser surprendre. Ses muscles étaient endoloris par leur long voyage : deux jours de célestrier, dans un crachin brumeux qui s'était mué en pluie. A l'arrière, elle avait solidement sanglé un sac de toile épaisse, à l'intérieur duquel se trouvait la tablette d'argile de la prophétie.

« Célesbourg en vue ! héla soudain un des deux chevaliers, l'homme – Nam.

— Oui ! Nous arrivons ! » répondit Numéa, la femme.

Zelda releva la tête, la main en visière. La cité, appelée la Paisible par les Extériens, se profilait à l'horizon, hameau accueillant et plein de promesses. La jeune femme poussa un hurlement de victoire et leva le poing en l'air, bientôt imitée par ses deux congénères. Même dans la nuit imbibée de pluie, les feux de la cité perçaient l'obscurité humide, et plus encore le phare lumineux qui la dominait.

Enfin ! Deux mois ... J'arrive, mon amour. J'arrive, papa. J'arrive, mes amis.

Puis :

Maman, si tu m'entends, j'espère que tu es fière de moi.

Parvenus au-dessus de Célesbourg, les célestriers amorcèrent leur descente en planant en cercle. La pluie fouettait les mains exposées de la jeune femme. Pour la énième fois, elle les recouvrit de ses manches, en sachant pertinemment qu'elles glisseraient quelques minutes plus tard sur ses poignets.

Les trois jeunes gens s'acheminèrent tranquillement vers la piste d'atterrissage de la cité, non loin de l'École de Chevalerie. Comme l'avait craint Zelda, la pluie s'intensifia et brouilla leur champ de vision. Ils s'en remirent à la vision des célestriers en toute confiance.

Les majestueux oiseaux étendirent leurs ailes et allongèrent leurs serres. Au bout d'un certain temps, une secousse brutale des cavaliers sur leurs selles annonça leur atterrissage. Zelda attendit d'être stabilisée pour se redresser et tenter de distinguer ce qui se trouvait devant elle. Plus loin, à l'abri, des torches brûlaient dans la nuit.

Des acclamations les accueillirent, et plusieurs personnes vinrent à leur rencontre. La jeune femme reconnut Carmin, avec son irremplaçable ciré jaune moutarde, qui luttait contre la pluie et le vent. Elle ne reconnut pas la deuxième personne, mais elle ressemblait à Kinaé. La troisième, trapue, autoritaire, se dirigeait à grandes enjambées vers elle.

« Bonsoir, petite mademoiselle. Puis-je vous aider à descendre ? »

Zelda eut tout à coup un grand sourire.

« Papa ! » qu'est-ce qu'il était comique, engoncé dans son grand manteau noir à capuche, avec ses moustaches blanches qui ressortaient des deux côtés du visage ! « Haha ! Papa ! Je suis tellement contente de te voir !

— Moi aussi, ma petite fille.

— Je ne suis plus une petite fille !

— Pour moi, tu seras toujours mon enfant. »

Il lui tendit une main pour l'aider à descendre. Elle le remercia d'un regard et lui fonça dedans pour le prendre dans ses bras, ce cher papa bourru mais tellement affectueux et aimant.

« Viens, Zelda. Tu es trempée. J'ai rassemblé les habitants dans le hall de l'École, il y a même des Extériens qui sont venus. On a allumé la grande cheminée du réfectoire.

— D'accord ! Attends un peu, je ramène un objet fragile », prévint-elle.

Elle désangla le sac en toile sur le dos du célestrier.

Jusqu'aux étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant