Souvenirs

232 20 55
                                    

Herenya restait droite et digne, sa robe flottant autour d'elle comme une seconde peau.

« Tu es Zelda, n'est-ce pas ? Puisque tu utilises des manières si familières, je ne vais pas m'en priver. Habile déguisement, au fait. » ses lèvres remuèrent dans une moue dubitative. « Mais je crains ne pas croire en ton affirmation. Si tu souhaitais me déstabiliser, c'est raté. Bien, venons-en plutôt au fait : que veux-tu ?

— Je ... » troublée par sa découverte, Zelda avait du mal à entretenir sa colère. « Écoute-moi. Nous nous sommes connues, il y a très longtemps.

— Tiens donc ? Je serais curieuse de savoir comment. »

Elle ne pouvait pas se tromper sur ce point, pourtant...

Zelda inspira profondément.  Elle retira lunettes et casquette, laissant ses cheveux s'écouler librement. Elle n'avait pas peur. Elle savait que le moment était venu.

« Il y avait une petite fontaine dans les bois près de Célesbourg, narra-t-elle. C'était une fontaine magique qui était reliée à la terre. Mon père ne voulait pas que j'y regarde. Il disait qu'en-dessous ne subsistaient que les descendants des démons et des sorciers qui avaient jadis tenté de s'emparer du pouvoir de la Triforce. »

— Intéressant. Et donc ? » coupa impatiemment son interlocutrice, comme si elle perdait un temps précieux.

Zelda ne se laissa pas déstabiliser. Elle se sentait presque extérieure à elle-même. Les mots s'écoulaient entre ses lèvres comme un fleuve, sans que rien ne puisse endiguer ses flots. En la voyant ainsi, Herenya laissa échapper un ricanement méprisant, de ceux qu'on réserve aux fous.

« Un jour pourtant, malgré l'interdiction, j'ai regardé dans la fontaine. » elle vrilla son regard dans le sien. « Et j'ai vu ton visage. »

Elle s'interrompit quelques instants alors que les souvenirs affluaient dans son esprit, aussi vivaces que leur naissance.

Était-ce une illusion de sa part, ou bien Herenya venait-elle de se crisper ?

« A cette époque, je n'étais pas encore entrée à l'École de Chevalerie, poursuivit-elle. Mon père me poussait à me lier d'amitié avec les autres filles, de peur que je devienne un garçon manqué qui ferait des bêtises. Mais je trouvais les filles ennuyeuses et maniérées. Alors, quand je t'ai vue dans cette fontaine... je n'ai pas réfléchi. Je t'ai parlé. Toi aussi, tu disais avoir échappé à la surveillance de tes parents ... et tu étais destinée à une haute fonction, une fonction de responsabilités... »

Ses mains tremblèrent. Herenya recula d'un pas, le visage fermé.

Cette fois, elle ne la coupa pas.

« Chaque jour, je venais contempler le miroir... Et chaque jour, tu revenais. Tu revenais pour t'échapper de ton destin. Tu me disais qu'une femme d'une riche famille allait t'offrir une vie meilleure, qu'elle t'attendait depuis ta naissance, le temps que tu sois prête. Que tu étais une élue. Avant de partir avec elle, tu m'avais promis de me montrer ton trésor. Et je t'avais promis de te montrer le mien... »

Zelda serra les poings sous l'émotion. Herenya, quant à elle, ne ricanait plus du tout.

« J'ai réfléchi pendant des heures au trésor que je pourrais te montrer... je n'avais rien de spécial, rien qui ne sorte de l'ordinaire... Jusqu'à ce que l'évidence me frappe. Ça m'a tellement enthousiasmée que j'ai manqué de prudence ce jour-là, quand nous devions nous parler à nouveau. Mon père a découvert mes manigances... Et scellé le passage. »

En face d'elle, Herenya avait écarquillé les yeux. Ses mâchoires se contractèrent. Le vert étincelant de ses prunelles luisait comme une pierre lisse.

Jusqu'aux étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant