Construire

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La nuit était tombée sur Célesbourg. Recroquevillée dans son lit, Zelda cherchait le sommeil. Elle était sortie plus d'une dizaine de fois dans le couloir, bougeoir en main, pour quêter le retour de Link. Deux petites bougies s'étaient ainsi entièrement consumées sans qu'elle ne vît l'ombre de l'homme qu'elle aimait.

Où es-tu ? Où peux-tu être ?

Elle transpirait, malgré la fraîcheur de la nuit. Ses draps étaient trempés. La lune diffusait des rayons argentés sur son plancher. Enfin, elle se redressa, dos contre le mur, pour calmer sa respiration saccadée. Elle n'était pas fière de son attitude mais elle ne pouvait changer ce qu'il s'était produit. Tant pis ; elle ferait mieux la prochaine fois.

Si Link ne venait pas, alors, c'est elle qui viendrait. Ruminer ne servait à rien. Il fallait réparer. Elle pouvait utiliser son mental pour cette énergie guérisseuse, plutôt que se détruire elle-même.

Zelda orienta ses pensées vers une analyse des relations de Link. Elle partageait, à quelques exceptions près bien sûr, le même réseau d'amis que lui. Où aurait-il pu se réfugier ? Elle ne le croyait pas capable de s'envoler à dos de célestrier et s'exiler sur une île. La jeune femme porta son regard sur sa fenêtre, légèrement entrouverte comme elle avait trop chaud. Vers qui Link aurait-il pu se tourner ? Ce qui était certain, c'est qu'il avait eu besoin de calme. Qui était susceptible de vivre près de la place du marché ? En qui avait-il confiance ?

Soudain, elle sut. Cela lui sembla si évident qu'elle manqua de se frapper le front du plat de la main.

Opale et Carmin. Évidemment !  Comment ai-je pu ne pas y songer plus tôt ?

Le couple était leurs aînés de quelques années, et, au moindre problème, les deux jeunes gens faisaient toujours de leur mieux pour les aider à le surmonter. Ils quêtaient souvent leur sagesse et leur bienveillance. Opale était une couturière, et ses vêtements étaient très appréciés de Célesbourg comme de l'Extérieur. Carmin, lui, réalisait de belles peintures qui inspiraient souvent les modèles à tisser de sa compagne. Zelda sourit en songeant que Link était animé de la même manière par la sculpture du bois.

Cette idée acheva de lui redonner courage. Elle sauta sur ses pieds, investie d'une nouvelle énergie. Elle enfila une robe légère et des sandales. Elle ne voulait pas attendre le matin ; de toute façon, elle savait qu'elle ne dormirait pas tant qu'elle n'aurait pas retrouvé Link. Elle alluma une troisième bougie et enjamba sa fenêtre, graciant Hylia de l'absence de vent qui aurait retroussé sa robe et dévoilé une partie de sa nudité. Puis, guidée par son instinct et son cœur, elle rejoignit la place du marché. Elle remarqua alors une torche à l'angle d'un bâtiment, et lui transmit la flamme de la bougie. Elle la jeta avec le bougeoir, et se mit à courir, torche pointée en avant.

Sa robe claquait contre ses mollets nus tandis qu'elle traversait plusieurs ruelles plongées dans l'obscurité. Pendant quelques mortels instants, elle crut s'être perdue et pila net au détour d'un carrefour. Puis elle se souvint du chemin et s'empressa de le suivre.

Enfin, elle parvint devant la maison d'Opale et de Carmin. Sa respiration s'arrêta un instant.

Elle n'avait aucune idée de la manière dont elle allait s'y prendre à partir de maintenant.

Après tout, elle n'était même pas assurée de la présence de Link. Et il faisait nuit ! Peut-être qu'il était déjà parti, qui sait, dormir à la belle étoile près de la cascade ? Zelda se mordit la lèvre en restant plantée devant la porte. Pourtant, c'était bien là que son cœur lui avait soufflé d'aller.  Elle décida de le croire. Elle prit une grande inspiration et frappa à la porte - au diable les commodités.

Jusqu'aux étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant