Chapitre 6

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Depuis des heures, Isadora n'osait bouger dans le lit. Son cœur battait si fort qu'elle ne l'entendait plus. Elle enfonça ses ongles dans l'oreiller, en se retenant de se retourner pour savoir s'il dormait. L'envie de quitter le lit et de partir rejoindre sa chambre était trop forte. Mais soudain, elle fut par un courant d'air glaçant. Un son presque spasmodique l'immobilisa. Il provenait du roi, allongé juste à côté d'elle. Les yeux grands ouverts dans la pénombre, Isadora dut affronter le plus horrible des cris étouffés, retenant clairement un hurlement de douleur. Rassemblant tout son courage, elle se retourna et tendit le bras dans l'obscurité pour allumer la lumière. Les mâchoires serrées, le visage tordu d'une expression de douleur, l'homme dormait mais faisait un terrible cauchemar. Il gémit, du fond de sa gorge, retenant visiblement un cri perçant. Isadora écarta les draps prête à sauter du lit pour implorer de l'aide, mais qui ?

Les lèvres pincées presque à sang, elle leva sa main vers lui pour tenter de le réveiller. Dès qu'elle fut en contact avec sa peau, elle trembla devant la froideur émanant de son corps en pleine crise. Pourtant ses bras étaient croisés, son corps crispé. Son visage dessiné à la serpe lui criait de partir, mais Isadora résista et posa sa main sur son épaule.

Ses deux bras se décroisèrent si rapidement qu'elle ne put à échapper à une gifle monumentale. Secouée, Isadora se tint la joue et retint cri de douleur. Son œil l'a brûlé.

Mais son cœur se serra de douleur quand elle le vit se tordre de souffrance, les poings serrés. Toujours la main sur sa joue, elle se rapprocha en lui implorant de se réveiller, mais elle fut rapidement dominée par le cauchemar de l'homme. D'un bras, il l'attrapa, Isadora perdit l'équilibre et se retrouva coincée contre lui. Son bras entourait sa poitrine, l'étouffant presque.

La poigne de l'homme était si féroce qu'elle refusa de bouger. La respiration saccadée, elle resta des heures avec la lumière allumée, les yeux ouverts, le cœur battant. Elle qui avait jusqu'ici avait redouté se retrouver dans une situation comme celle-ci, devait à présent y faire face, avant une douleur lancinante sur la joue.

Enfin, elle sentit contre son dos collé à son torse, que sa respiration s'apaisait. Demain, elle s'attendait déjà à subir ses foudres, faisant allusion à une quelconque approche de sa part. Durant des heures, Isadora resta ainsi, devant sans cesse passer sa main sous son bras pour l'empêcher de l'étrangler. Puis enfin, il bougea, à l'aube, enfin...c'est ce qu'elle en avait conclu en apercevant les premiers rayons du jour traverser l'épais rideau.

Il se détacha d'elle aussi vite que son placage dans la nuit, qui l'avait contrainte à cette position si proche. Il sursauta jurant en arabe et se leva.

Isadora roula sur le lit et se cachant pour reprendre sa respiration.

— Qu'avez-vous fait !

Elle ne répondit rien, resta allongée, se tenant sa joue douloureuse.

— Qu'espérerez-vous tirer en me séduisant pendant que je dors ! Gronda l'homme fou furieux.

— J'espérais vous tirer de votre sommeil agité. Répondit-elle enfin en se redressant pour lui faire face.

Tiré entre la colère et l'incrédulité il respirait comme un fou.

— Que dites-vous ?

— Vous faisiez un cauchemar, je voulais vous réveiller et vous m'avez plaqué ainsi, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. J'avais trop peur de mourir étranglée.

Isadora fit une pause.

— Violer des hommes dans leur sommeil ce n'est pas mon genre. Ajouta-t-elle la main toujours plaquée contre sa joue.

Elle n'entendit que ses pas s'approcher rapidement. Il lui prit le poignet pour la forcer à retirer sa main. Ne sachant pas l'étendue des dégâts, Isadora étudia son regard en grimaçant.

La mine dure et coupable qu'il exprima dans un souffle d'horreur était le signe qu'il ne l'avait pas loupé.

— Je n'ai jamais frappé une femme de toute ma vie. Dit-il comme pour lui-même.

— C'était un accident. S'empressa de rajouter Isadora en le voyant pâlir sous le hale de son visage.

La bouche tordue, il la dévisagea en repoussant les mèches rebelles qui cachaient sa joue.

Il se leva d'un bond et disparut dans une pièce adjacente. Un vacarme la fit sursauter, l'instant d'après il revint avec un tube de crème.

Jafar avala sa salive une bonne dizaine de fois en réalisant l'horrible conséquence de son geste. Bien qu'il ne l'avait pas fait exprès, la jeune femme était blessée à la joue et à l'œil. Honteux, s'approcha d'elle, hésitant, accablé par sa faute impardonnable.

— Laissez-moi vous soigner. Déclara Jafar prudemment en la voyant reculer.

Ses yeux se baissèrent puis elle pencha sa tête sur le côté, lui laissant libre accès à la blessure qu'il lui avait infligée.

— C'est impardonnable. Murmura-t-il en essayant de limiter la douleur de ses gestes autour de l'hématome qui peu à peu virait au violacé.

— C'est un accident votre altesse.

Elle grimaça.

Un désir violent mêlé à de la colère s'empara de lui.

— Nous aurons juste à dire que je me suis pris la porte, je suis maladroite. Vous savez un jour, j'ai dévalé les escaliers pour atterrir dans la porte du placard d'entrée, les fesses en l'air.

Jafar esquissa un faible sourire en oubliant toutes les frasques qui pesaient sur sa femme. Elle ne posait pas de question, ne l'avait pas insulté, ni même utilisé cet incident pour demander le divorce.

Il s'attarda sur son visage.

Elle était belle, mais ce n'était cette vision qu'il voulait, ce n'était pas elle qu'il voulait. Pourtant, il prit le soin de la soigner.

— Mon devoir c'est de vous protéger pas de vous frapper.

Ses yeux verts rencontrèrent les siens. Jafar laissa son regard tomber sur ses lèvres. Une chaleur naquit dans son bas-ventre.

— Je vous dis que ceci n'a pas d'importance. Insista-t-elle en se reculant sur le lit lorsqu'il eut terminé.

Jafar prit sa main et la porta à ses lèvres.

— Je suis infiniment reconnaissant pour votre pardon Isabelle. Plus jamais cela se reproduira.

Elle se mordilla la lèvre.

Il se leva en serrant les dents.

— À présent, vous devriez dormir et rattraper votre nuit.

Jafar quitta la chambre, en remettant à présent son mariage en question.

Pouvait-il oublier le passé de cette jeune femme ?

Tourner la page sur ce qu'il aurait voulu et qu'il n'avait pas ?

Espérer un avenir avec cette femme ?

Jafar se passa une main sur le visage en traversant l'aile du palais, furieux.

La Mystérieuse épouse du cheikhOù les histoires vivent. Découvrez maintenant