Chapitre 26 : Voir l'humain en l'autre

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Les cris assourdissaient les plus durs d'entre eux

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Les cris assourdissaient les plus durs d'entre eux. Distinguer leur silhouette dans ce costume militaire attisait de plus en plus la méfiance. Le design de la croix gammée provoquait davantage de peur que de respect. Les mois avaient défilé. Les actions du gouvernement allemand s'étaient enchaînées sans qu'Eugène ne puisse y faire quelque chose. La chaleur de la fin du mois d'août de l'année 1940 tapait sur les quais des gares où les trains de marchandises demandaient à se remplir.

Le jeune soldat, désormais âgé de 26 ans, effectuait ses gestes à l'aveugle, presque comme un réflexe. Puis, un crie plus perçant que les autres le ramenèrent à la réalité. Un homme d'âge avancé se débattait avec son supérieur. Ce dernier ne voulait pas le lâcher. Eugène n'était pas idiot. Il connaissait les visages des politiques européens. Il se tenait informer. D'autant que le régime de Vichy tenait à ce qu'ils les connaissent tous, afin de leur mettre la main dessus.

Eugène comprit rapidement que cet homme, maltraité par son supérieur, en faisait partie. Son accent le désignait comme un Français. Depuis que son pays avait pris le pouvoir sur une partie de l'hexagone, il entendait de plus en plus de mots francophones se confondre avec les Juifs allemands embarquer dans ses ghettos. Le politicien continuait de crier sans que personne ne le comprenne.

- JE SUIS LÉON BLUM, POLITICIEN FRANÇAIS ! VOUS N'AVEZ PAS LE DROIT DE FAIRE ÇA !

Malgré qu'Eugène ne comprenne que du charabia, il devinait sa détresse et sa colère. Le jeune homme dégluti. Il assistait à la déportation de cet homme sans pouvoir intervenir. De force, Scare le fit monter dans un wagon. Avant que la porte ne se referme sur ses hommes et ses femmes, Léon Blum croisa le regard d'Eugène. Ce dernier y lut de l'angoisse, de la peine et à son grand étonnement, de la compassion. Pourquoi un tel sentiment ? Il ne le méritait pas. Il n'arrivait pas à se rebeller. Il suivait le troupeau, sans sourcilier. Au fond de lui, Eugène avait honte. Tout ceci ne lui ressemblera pas. Il avait eu des échos des lieux où se rendaient ses personnes. Il avait vu se construire ses premiers camps.

Eugène frissonna en s'éloignant du quai. Le train entama son trajet. Ses yeux restèrent bloquer sur les rails. Il aimerait se dire que tout ceci n'était pas de sa faute. Pourtant, il avait sa part de responsabilité. Il amenait ses hommes, ses femmes, ses enfants à faire ce voyage, probablement leur dernier, jusqu'à la mort. Comment pouvait-il être acteur de telles actions ? Le voyant perdu, son supérieur s'approcha comme pour le réveiller de ses songes.

- Que t'arrive-t-il Fitzherbert ? Ce n'est pas le moment de s'endormir !

- Je peux vous demander une faveur générale Scare ? Se réveilla-t-il en lui faisant face.

- Laquelle ?

- Aurait-il moyen de me changer de poste ?

Tout d'abord surpris, le gradé leva un sourcil à l'encontre de son soldat. Il ne s'attendait pas à une telle demande. Bien qu'il ne s'appréciait pas spécialement, il réfléchit un instant. Pour lui, Eugène n'avait pas l'étoffe et le courage nécessaire à cette tâche. Il était trop fragile, trop humain. Cela ramollissait ses troupes. Alors s'il lui demandait cette unique faveur, il devait lui accorder pour avoir la chance de ne plus l'avoir dans ses pattes.

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