Chapitre 25 : « A tous les français... »

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Juin 1940

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Juin 1940.

Une nouvelle journée s'entamait, laissant transparaître un peu plus la domination allemande en territoire français. Le soleil du sud apportait sa chaleur matinale et les étoiles avaient laissé place à un ciel bleu azur. Le chant des criquets apaisait les âmes tourmentées par les événements. Harold s'était levé en traînant les pieds. Le visage encore endormi, il se dirigea machinalement dans la cuisine. Il déposa des grains de café dans le percolateur afin d'avoir sa tasse de café entre les mains pour le réveiller. Un air de la chanteuse Édith Piaf résonnait en fond sonore depuis la radio.

Sa boisson chaude et caféine dans les mains, l'ancien ouvrier vint prendre place autour de la table. Il découpa quelques tartines à beurrer afin de remplir son estomac. Harold exécutait ses gestes par habitude, mais son expression ne trompera pas. Il prit une première gorgée de sa boisson en fixant l'horizon à travers la fenêtre, le regard las et livide. L'arrivée de la guerre avait déjoué ses plans de voyage et de bonheur.

Malgré la beauté de la ville de Toulouse, le jeune homme de 28 ans n'arrivait pas à y être heureux. Il pensait à Jakob qui a sûrement dû se battre sur le front. Il pensait à Paris qui devait avoir perdu de son charme avec les drapeaux en croix gammées qui habille ses rues. Harold soupira en reposant sa tasse sur la nappe à carreaux. Il prit son visage entre ses mains, frottant ses yeux. Il était normal qu'il se sente toucher et accabler par ce qu'il se passait.

Les événements politiques l'avaient mis hors de lui. Un armistice était sollicité pour éviter à l'armée le déshonneur d'une capitulation. Cependant, l'ancien parisien ne pouvait s'empêcher de croire qu'on avait vendu son propre pays à l'ennemie. La convention prévoyait le découpage de la France en deux zones : la zone occupée au nord et la zone non occupée au sud, de part et d'autre d'une ligne de démarcation allant de la frontière espagnole à la frontière suisse.

Bien que la ville de Toulouse échappait à leur envahisseur, Harold n'arrivait pas à se sentir chanceux. Il pensait à ceux qu'il avait laissés derrière lui en partant qui n'était plus en sécurité. De plus, leur armée était réduite à 100 000 hommes et la flotte était désarmée sous le contrôle de l'Allemagne.

Et la cerise sur le gâteau, La France qui devait payer une indemnité pour frais d'occupation, était livrée au pillage. Ils réquisitionnaient, effectuaient des prélèvements et confisaient des terres. L'économie se paralysait et le bilan des combats était lourd : 120 000 morts, 200 000 blessés, 1 600 000 prisonniers emmenés en captivité en Allemagne et des millions de réfugiés sur les routes.

Vichy s'installait dans le gouvernement français, prenant les pleins pouvoirs sur la partie de la France occupée, mettant à mort de la troisième république. La jeunesse française était embrigadée au sein des « Chantiers de jeunesse ». Un beau nom qui cachait une manière de les manipuler pour les enrouler dans l'armée allemande.

Une « Charte du travail » avait été créée, jetant les bases d'une économie corporative dans laquelle les patrons et ouvriers étaient invités à œuvrer ensemble à la réconciliation sociale. Le droit de grève était interdit. Les centrales syndicales étaient dissoutes. La lutte des classes et l'esprit de revendication étaient condamnés par la loi. Harold soupira à nouveau. La situation du pays ne pouvait être pire. Il eut un pincement au cœur. Il aurait voulu y changer quelque chose. Mais une sensation au fond de lui-même, l'empêcher d'agir. Le pouvoir allemand semblait si grand qu'il se sentait tout petit à côté, impuissant.

Ce sentiment le tiraillait. Il n'arrivait pas à le faire disparaître. Puis, la chanson se termina sur un grincement. La chaîne de la radio semblait être perturbée. Une interférence ? Peut-être. Harold ne serait plus surpris d'entendre les radios parler allemand. Pourtant, ce fut bien une voix française qui résonna dans le micro. Harold écouta d'une oreille distraite en faisant la vaisselle de son petit-déjeuner.

"Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises ont formé un gouvernement.

Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s'est mis en rapport avec l'ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestres et aériens, de l'ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd'hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous disons que rien n'est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire. Car la France n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle n'est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l'Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l'Angleterre, utiliser sans limites l'immense industrie des États-Unis. Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n'est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.

Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j'invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j'invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s'y trouver, à se mettre en rapport avec moi.

Quoi qu'il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.

Demain, comme aujourd'hui, je parlerai à la Radio de Londres."

Harold avait augmenté le volume. Il s'intéressait aux propos du général de Gaulle. Depuis la BBC, il invitait les Français à poursuivre le combat, à ne pas se laisser conduire par l'ennemie. Un regain d'énergie parcourait le corps de l'ancien ouvrier. Il ignore si cela provient de son café ou de cet appel. Il ne voulait pas le savoir.

La France ne se pliait pas. La France restait debout. Ils n'allaient pas se laisser faire. Ils étaient français, c'était leur pays, leur patrie. Elle ne sera jamais Allemande. Harold se sentait pousser des ailes. Une détermination sans faille le convainc. Il ne devait pas rester dans sa petite villa sans rien faire. Il devait se battre, pour les siens, pour lui-même. Et s'ils se ralliaient à plusieurs, il était convaincu qu'ils pourraient agir. Il ne devait pas perdre espoir. Harold semblait avoir trouvé un nouveau but à son existence. Il ne se résumait qu'en un mot : la résistance.

La Force de t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant