Chapitre 31 : Accepter d'écouter

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Harold tournait en rond, faisant les 100 pas

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Harold tournait en rond, faisant les 100 pas. Il ne pouvait pas se résoudre à croire ce qu'il se passait. Pourtant, les rapports étaient formels. La colère se lisait sur son visage alors qu'il fixait une nouvelle fois la photo du journal de cette matinée d'octobre 1940. Il serra les poings sous l'image de la poignée de main de Pétain à Hitler à Montoir. Ce geste avait déjà fait beaucoup parler. Un nouvel éclat politique s'en découlait.

En tant que chef d'un groupe résistant, il ne voulait pas tolérer cette collaboration avec les nazis. D'autant que cela n'empêche pas l'Allemagne de violer les clauses de l'armistice en rattachant le Nord-Pas-de-Calais au commandement militaire allemand de Bruxelles. Ils annexaient déjà les trois départements d'Alsace-Moselle tout en enrôlant de force les jeunes de ses régions dans la Wehrmacht. Harold imaginait déjà les jeunes Français dans leur costume de SS posté sur le front de l'est du pays.

Et puis l'instauration du Service obligatoire du Travail allait régler le système économique telle une horloge. Les policiers n'étaient déjà plus considérés comme « français ». Le nouveau régime leur imposait des listes d'otages et de participer aux rafles contre les résistants et les Juifs. Harold voyait s'aventurer la Gestapo dans la zone sud, auparavant non occupée. L'état français avait désormais un rôle à jouer dans la mise en œuvre du génocide des Juifs.

L'ancien parisien serrait les dents. La situation du pays lui échappait. Mais il était sûr d'une chose : il ne pouvait pas rester ainsi, les bras croisés. Il veut agir. Seulement, il ignorait comment. Leur groupe de résistant n'était pas habitué à ce genre de situation. Cela changeait beaucoup de choses dans leurs actions. Serait-il capable de faire quoi que se soit ? Harold continuait de réfléchir, reprenant sa marche nerveuse aux quatre coins de la pièce, une cigarette entre ses lèvres.

Puis, Marie entra sans frapper telle une furie. La voix de Tiana la retenait par-derrière sans y parvenir réellement. Par respect pour son chef, la métisse resta près de la porte, les bras ballants. Cependant, Marie n'était pas de cet avis. Elle s'avança jusqu'à la table où reposent les journaux. Ses deux points percutèrent violemment la surface en bois, arrêtant la marche de son supérieur. Ce dernier lui donnait le dos. Il ferma un instant les yeux, déjà agacé. Il avait appris au fur et à mesure des jours de quelle trempe étaient Marie. Son tempérament de feu se heurtait constamment au sien. Leurs disputes rythmaient leurs discussions, souvent houleuses.

- ON NE PEUT PAS LAISSER FAIRE ÇA ! cria-t-elle.

- Et quelle est ton idée ? questionna-t-il calmement, il poursuit en se tournant vers elle. Je ne cautionne pas plus que toi ce qu'il se passe. Mais leur force est supérieure à la nôtre. On ne peut rien tenter sans avoir de perte. Je ne peux pas risquer la vie de tout un groupe.

- Alors tu ne vas rien faire ?

- Ce n'est pas ce que j'ai dit. Nous devons simplement réfléchir à une bonne stratégie.

- Par "nous", tu veux dire, toi ?

- C'est mon rôle.

- Et peut-être que nous aussi nous avons des idées ! renchérit-elle, ne se laissant pas manipuler.

- Marie ! Tu ne devrais pas. Tenta la métisse.

- Au contraire, Tiana. La coupa-t-elle, elle poursuit en défiant Harold du regard. On est un groupe. Il doit apprendre à nous écouter. Ou alors il ne vaut pas mieux que le chef pour qui il a travaillé en usine.

Au fur et à mesure de ses paroles, Harold s'était approché de la rouquine. Il s'arrêta juste devant elle. Son regard la perçait à jour. La colère se lisait dans ses prunelles. Il aurait voulu lui hurler dessus, prononcer tous les noms d'oiseaux. Mais il se ravisa à la dernière seconde. Sa bouche s'ouvrit, puis se referma. Son expression s'adoucit. Il ne pouvait pas lui donner totalement tort. Qui était-il pour prendre toutes les décisions ? Il s'était battu pendant longtemps pour le droit des ouvriers, combattre les dirigeants des usines, telles que ceux où il avait travaillé. Il ne devait pas faire les mêmes erreurs. Il soupira fortement.

- Tu as raison. Je suis descendu dans la rue pour manifester un nombre incalculable de fois. Je ne dois pas faire les mêmes conneries que tous ses riches dirigeants.

- Ravis de le savoir.

- Mais tu n'as pas à me parler comme ça ! Il y a un respect à avoir jeune fille !

- T'aurais-je touché dans ton écho ? S'amusa-t-elle.

- J'espère pour toi que tu as une idée qui vaut le coup !

- Elle l'est.

- Je t'écoute. Ordonna-t-il en croisant les bras.

- Un groupe de la Gestapo va débarquer à Toulouse d'ici une semaine. Je suggère qu'on organise le sabotage de leur arrivée.

- Comment comptes-tu t'y prendre ?

- Le gérant d'une station d'essence est des nôtres, non ?

- Oui.

- Il pourrait nous fournir quelques bidons auxquels il nous suffira d'y mettre le feu au moment où leurs voitures entreront dans la ville. Explique-t-elle, satisfaite de son idée.

- C'est risqué.

- Robin pourra décocher quelques flèches incendiées à distance. Le pétrole sera déversé sur la route. L'explosion les empêchera de passer.

- Ce n'est pas ce que je voulais entendre. Je pense que c'est risqué, car ils sauront qu'un groupe de résistant est dans la ville. Et ils feront tout pour nous démanteler.

- Ils ne nous démasqueront pas. Ils ne pourront pas nous voir, car nous agirons de loin. Et si un autre groupe de bosh arrive jusqu'ici, nous ferons tout pour résister. D'ici là, d'autres personnes peuvent nous avoir rejoints. Nous serions plus forts et préparés. Insista-t-elle, convaincue.

- Elle a raison Harold. De toute façon, peu importe ce qu'on décide de faire, ce ne sera jamais sans risque. Intervint Tiana.

L'ancien parisien leva les yeux vers la métisse. Il se rendit compte que la porte avait été ouverte et que les autres membres de leur résistance avaient écouté la conversation. Chacun avait une expression dure et déterminée sur leurs visages. Ils étaient prêts à agir, à prendre le risque. Harold soupira à nouveau. Pour la première fois dans son rôle de chef, il était en position d'infériorité. Il croisa à nouveau le regard de Marie. Il n'y a pas à dire ! Ce petit bout de femme avait du caractère, autant que lui-même.

- Très bien. Vous m'avez convaincu. Se résigna-t-il, il poursuit malgré les cris de joie de son groupe. Mais il ne faut rien négliger. Nous devons être prêts à toutes les éventualités.

- Ne vous en faites pas. Nous serions prêts ! Souris Marie.

Marie tenue parole. À la fin de la semaine, leur action faisait les gros titres des journaux locaux. Personne n'avait été ni blessé ni découvert. La rouquine avait profité du bruit qu'a causé leur mission. Navine lui avait présenté un ami imprimeur, Gépéto. Rapidement, des centaines d'affiches mettant en avant la résistance avaient vu le jour.

Marie profitait d'une nuit calme pour les placarder aux quatre coins de la ville. Un sourire heureux ne quittait pas son visage. Elle espérait que chaque personne qui la voit voudrait se joindre à leur mouvement. Marie passa une main sur son front sans cessait d'observer sa création. Une simple photo noir et blanc mettait en avant les voitures incendiées sur le bitume abîmé. En en-tête, était écrit : « Vive la France ! »

La Force de t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant