Chapitre 3 : Soren

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Chapitre corrigé !

Nous avions dépassé les limites du monde connu. J'avais apporté mon épée préférée et un poignard pendait à ma ceinture, juste au cas où. Je ne voulais pas forcer la main à Yola sans être sûr qu'elle serait en sécurité.

Nous marchions dans les plaines d'herbe sèche qui nous séparaient de la falaise quand un puissant frisson d'excitation me parcourut.

— Dire que nous allons dans l'Aurore ! Que nous allons expérimenter la fraîcheur, et ce que ça fait de ne pas sentir sans arrêt les rayons brûlants de ce fichu astre sur notre peau !

Yola frémit à son tour, mais pas pour la même raison.

— Soren... je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Imagine qu'on nous attaque ! Personne n'est allé dans l'Aurore depuis des dizaines de cycles solaires. On ne sait pas ce qui s'y trouve réellement. On pourrait mal tomber. Très mal, même.

— Tu as la frousse, Yola, l'asticotai-je en souriant.

— Et alors ? répliqua-t-elle vertement. Je te signale que c'est légitime. On va vers l'inconnu et l'on pourrait bien être désagréablement surpris.

— Ou bien, repris-je d'un ton sage, on va découvrir des choses extraordinaires et l'on n'aura plus du tout envie de rentrer.

— Parle pour toi. En ce qui me concerne, qu'il y ait un trésor de l'autre côté ou une horde de bêtes sauvages mangeuses d'hommes, ça ne fera aucune différence. Je rebrousserai chemin aussi vite que je le pourrai.

Je secouai la tête et ne répondis pas. Je ne comprenais pas son manque d'engouement. Certes, il y avait une part de danger dans ce que nous nous apprêtions à faire, mais il y avait surtout l'aventure, la soif d'apprendre. On m'avait toujours dit que l'Aurore était une sorte de monde intermédiaire, qui séparait les Terres de Lumière des Terres Sombres, mais qu'en était-il réellement ? On ne s'y rendait jamais. Personne ne s'en approchait. On n'avait même pas le droit d'en parler. C'était un sujet tabou qui faisait peur à tout le monde. À tout le monde, sauf à moi. J'en avais marre de vivre dans la lumière constante. De ne pas connaître la fraîcheur de la nuit. De ne pas savoir ce qu'on éprouvait quand une brise humide caressait votre visage. Bien sûr, à Ankan nous avions la saison des pluies qui nous prodiguait un peu de répit, mais elle ne durait jamais bien longtemps et la température ne baissait guère. Nous avions à peine le loisir de souffler avant que le soleil ne revienne, implacable.

J'écarquillai les yeux quand je reconnus l'endroit où j'avais découvert le trou. Je l'avais dissimulé à sous plusieurs arbustes. Lorsque nous parvînmes à proximité, je fus rassuré de constater que rien n'avait bougé depuis ma dernière visite. Je me baissai et retirai les branchages. La galerie était toujours là, intacte.

Je me tournai vers Yola, radieux.

— Je n'arrive pas à croire qu'on va le faire !

— Moi non plus, maugréa-t-elle. Après toi, Soren. Je te laisse l'honneur de mettre ta vie en danger.

Je reportai mon attention sur le trou. C'était un tunnel qui passait sous la falaise et qui avait l'air de s'engager profondément sous terre. Je n'avais pas particulièrement envie de ramper là-dedans et j'eus un instant d'hésitation.

Yola dut la sentir, car elle posa une main sur mon épaule :

— Viens, rentrons.

Je m'imaginai brièvement faire demi-tour, vivre mon existence insipide parmi mes semblables, avoir à supporter le soleil cycle après cycle. Ce fut un électrochoc des plus efficaces. Je n'avais aucune envie de subir cela.

Je me baissai alors et me glissai dans l'ouverture.

L'intérieur était sombre, presque ténébreux. Pour la première fois de ma vie, je me retrouvai dans un endroit resserré et étroit. Cela ne me plut pas du tout.

Ne voulant pourtant pas me dégonfler, je continuai à m'aventurer dans le souterrain en rampant, gêné de temps à autre par mon épée.

Je commençais sérieusement à angoisser lorsque je discernai une lueur au-dessus de moi. Je me tortillai plus vite dans le boyau et débouchai soudain sur un tableau époustouflant.

Je venais d'émerger dans une clairière parsemée de fleurs duveteuses. Des arbres gigantesques projetaient leurs ombres rafraîchissantes tout autour de moi. De la mousse verte couvrait les troncs et des insectes bourdonnaient tranquillement. Le ciel, que j'apercevais à travers la canopée, était d'une teinte bleu-turquoise. Nulle trace du soleil. L'air était doux sur ma peau, agréable.

Je me hissai hors du tunnel, les yeux écarquillés, abasourdi, émerveillé plutôt, par la beauté et la paix qui régnaient en ce lieu. Me rappelant soudainement que je n'étais pas seul, je me penchai sur le trou et glissai ma tête dedans.

— Yola ? Yola tu peux venir, la voie est libre !

Personne ne me répondit. Je me redressai et observait les alentours. Les fleurs étaient rouges et bleues. Elles ondulaient paisiblement avec le vent. Je m'étais tellement attendu à trouver danger sur danger que je ne pus empêcher mes muscles de se détendre.

Un gémissement retentit derrière moi et je fis volte-face alors que Yola s'extirpait de la galerie.

— Ah ! tu m'as fait confiance, finalement !

— Mais de quoi parles-tu ? aboya-t-elle, passablement agacée. J'étais sûre que tu t'étais fait dévorer ! Tu aurais pu me prévenir que c'était bon...

Elle s'interrompit en apercevant le décor qui nous entourait. Je croisai les bras et souris de toutes mes dents devant son air ébahi.

— Alors ? Qu'en dis-tu ?

Elle se reprit et enfila son expression la plus blasée.

— C'est mignon. Mais franchement, il n'y a rien de spécial. On y va ?

— Quelle mauvaise foi ! Rentre, si tu en as envie. Moi j'ai tout un monde à découvrir. D'ailleurs, je me demande pourquoi il y a de la lumière. Je croyais qu'il régnait dans l'Aurore un genre de crépuscule perpétuel.

Yola examina le ciel.

— À cause de son nom ? Peut-être que ça n'a aucun rapport. Peut-être qu'il n'y a pas de ténèbres, ici non plus.

Je m'avançai vers l'orée du bois et posai ma main sur un des mastodontes qui le composait. Pour la première fois de ma vie, j'avais l'impression d'être minuscule. Yola me rejoignit et caressa à son tour l'écorce rugueuse du géant.

— Tu as déjà vu des arbres aussi grands ? me demanda-t-elle dans un souffle.

— Jamais, non. Il faut dire que les maigres buissons qui arrivent à pousser chez nous ne peuvent pas vraiment être qualifiés « d'arbres ». Celui-ci fait la taille du palais. Peut-être même est-il plus haut.

Nous restâmes un moment à apprécier la majesté des lieux, puis je pris la main de Yola dans la mienne.

— Continuons notre exploration, tu veux ?

Elle hésita un instant puis finit par hocher la tête. Nous fîmes un pas en avant vers le mystère.

Entre Ténèbres et Lumière {en cours de correction}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant