Chapitre 1 : « Mien »

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Chapitre 1 : « Mien »

« Contrôle ton pouvoir avant qu'il ne te contrôle. »  C'était les mots de mon père. Je ne savais pas vraiment pourquoi ils m'avaient tant marqué, mais ils étaient à présent comme incrustés dans ma chair. Pourtant, mon père ne m'avait pas fait un discours grave sur mon pouvoir ou quoi que ce soit, non, il avait juste jeté cette phrase entre deux dossiers. Il les avaient dit, puis était retourné dans son dossier, indifférent, comme toujours. Mais moi, du haut de mes cinq ans, cette phrase avait chamboulé tout mon univers. Je ne pensais pas que des mots pouvaient avoir des répercutions si puissante sur quelqu'un. Pourtant, moi, qui contrôlais à peine mon pouvoir, j'avais réussi en quelques jours seulement à le maîtriser à la perfection. Depuis, je n'avais plus jamais eu de problème à gérer mon pouvoir si singulier.

Beaucoup dans la meute ne pouvaient pas me voir en photo ; je le comprenais. Je n'étais pas un vrai loup-garou, je ne pouvais pas me transformer, et n'avais aucune des aptitudes physique d'un loup-garou, mais j'étais le fils de l'Alpha, celui qui le deviendrais après la transmission. Je savais que lorsque je deviendrais un Alpha la lutte serait rude et longue, car peu de personnes apprécierons d'avoir quelqu'un comme moi en Alpha. Quelqu'un comme moi. Malgré le fait que je ne sois pas un loup-garou, je n'étais pas pour autant un humain. Mon corps et mon esprit résistait au surnaturel. L'hypnose des vampires, les pouvoirs des sorcières, le lien des loups-garous. Rien ne marchait sur moi, mais aucun d'eux n'avait de défense contre moi, Murmureur.
Être un Murmureur est quelque chose d'unique en son genre. On dit souvent qu'il n'y en a qu'un par millénaire, et que personne ne sait pourquoi ce pouvoir ne s'éteint jamais vraiment. Avant, lorsque les Murmureur étaient plus répandus sur Terre, ils servaient généralement d'espions, d'informateurs ou de bourreaux. Notre pouvoir était tout simplement impossible à contrer, peu importe combien la personne peut résister. Pour moi, les gens étaient comme des livres : il suffisait que j'ouvre la couverture pour en lire le contenu. Je me représentais l'esprit comme un livre : lorsque j'entrais dans l'esprit de gens, je lisais leur vie, voyais leur mémoire, dévoilais leur plus profonde pensée intime, leur plus sombre secret. Et, une fois dans leur esprit, je pouvais faire d'eux absolument tout ce dont je voulais. Leur faire dire ou faire ce que je voulais, sans qu'ils ne puissent lutter.

C'est pour cette raison que mon père m'emmenait très généralement partout avec lui. À ses yeux, j'étais un allié indispensable, une arme. Je n'étais pas triste qu'il me considère comme une arme, à vrai dire, cela ne me faisait ni chaud ni froid. J'avais appris depuis longtemps à ne jamais laisser mes émotions me contrôler, et à les faire disparaître. Avec mon pouvoir, être sentimental et faible n'était pas permis. 

C'était donc pour cela que je me retrouvais dans cette pièce chaleureuse, dans un territoire d'une autre meute. Mon père était assis, droit, sur le canapé rouge, et j'étais assis à ses côtés, mon dos contre le canapé. Il ne fallait pas que je sois perçu comme une menace, mais comme un faible fils incapable de ne serait-ce que se transformer à qui mon père essayait tant bien que mal de lui instruire les joies du commandement d'Alpha. En face de nous, l'Alpha de l'autre meute, dont j'analysais chacun des moindres mouvements. Mon père et lui parlaient affaires, tandis que moi je le scrutais de mes yeux. Nous étions dans leur demeure familiale, pour ne pas être dérangé par n'importe qui.

Plusieurs incidents ont eu lieu sur mon territoire, qui me feraient penser comme à une association entre des vampires et des sorcières, disait mon père. Il sortit des photos et les posa sur la table qui nous séparait de l'autre Alpha. Là, dit-il en désignant un cercle de Magie, on peut clairement voir le symbole des sorcières, mais là, dit-il en montrant en montrant sur le coup de la victime deux petites morsures, nous pouvons aussi aisément reconnaître le signe distinctif des vampires.

Je vis l'Alpha de l'autre meute froncer les sourcils. Je pouvais le comprendre, cela paraissait impossible : les vampires et les sorcières se vouaient une haine éternelle, et ne pouvaient même pas rester dans la même pièce. Alors collaborer ? Jamais.

Cela me paraît étrange, en effet, observa l'autre Alpha, vous êtes sûr que ce n'est pas un vampire qui s'amuserait à recopier le signe des sorcières ?
Non, dit mon père en secouant la tête, sinon, les sorcières auraient été furieuses et nous auraient immédiatement appelés. Seulement, cela fait plusieurs mois que nous n'avons plus aucun signe de vie. Et puis, j'ai du mal à m'imaginer un vampire qui ferait ça pour s'amuser...rien que de voir leur signe les dégoûtent, alors le refaire sans aucune raison ? Non.

Alors que l'Alpha de la meute d'en face allait répondre quelque chose, sûrement pour entrer dans le vif du problème (que faire ?), une porte claqua et une voix forte se fit entendre.

Pa'! Je suis rentré !

Les pas de la voix se dirigèrent vers le salon, et un homme y entra. Il était plutôt grand, frôlait sûrement le mètre quatre-vingt dix, avait des cheveux noir corbeau comme son père, des yeux verts hérités de sa mère, du moins je le pensais, et était tout transpirant, portant sous son bras un ballon de basket. Ses yeux croisèrent les miens, et son regard s'assombrit immédiatement. Ses yeux devinrent jaunes, comme si il entamait une transformation de loup-garou, mais il n'en fit rien, et se contenta de parler de sa voix grave et rauque, sûrement sous le coup de l'émotion :

Mien.

Je poussais un profond soupir avant de me pincer l'arrête du nez. C'était pas bon du tout, ça, tout en sachant que dû à mon statut, je ne ressentirais jamais les effets du lien. Je le plaignais, il allait devoir avoir une âme sœur qui ne lui rendrait jamais son amour comme il le voudrait.
Je le vis s'avancer vers moi à grand pas, comme si il voulait me prendre dans ses bras, mais je me levais et reculais vite. Il s'arrêta dans sa course, confus, et je lui fit signe de ne plus bouger, tandis que mon père et le sien regardaient la scène, interdit. Mon père savait déjà mon problème, mais le sien non, et il allait sûrement être très déçu, même si à l'instant présent il pensait que j'étais toujours un humain. Je poussais un soupir et relevais la tête.

Assis-toi, veux-tu, j'ai des choses à expliquer.

Le MurmureurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant