Chapitre 44/ Part.2

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Peut être qu'on sous estime la tristesse des gens. Peut être qu'on ne se rend vraiment pas compte du mal que l'on fait. Ou alors on s'en fout. Et j'aime pas l'idée que j'ai pu m'en foutre de voir la mère de Ève en larmes en voyant l'état de sa fille. De voir ses petits frères et ses petites soeurs pleuraient sans vraiment comprendre.

Ève a perdu son père l'année dernière.   Sa famille, à ce rythme là, va se retrouver à la rue. La pauvre mère de famille portait une veste déchirait, ses enfants n'avait pas de chaussures potables, elles étaient totalement déchirées. Le stresse et la fatigue se lisait sur le visage de la pauvre dame qui passait ses mains sur ses yeux fatigués.

Est ce que quelqu'un aime voir ça ? Est ce que je suis heureux de la rencontrer dans cet état ?

Non ! Et j'aime pas penser que j'ai été égoïste à ce point non plus. Que j'ai été un élément de la déchéance de cette famille. Que cette mère pleure parce que sa fille ne pourra pas s'en sortir sans aide et qu'elle n'a pas les moyens de se payer cette aide...

Quel imbécile je suis... Quel crétin...

J'ai l'impression de me voir en elle... Quand j'étais plus jeune j'ai voulu m'évader et pour ça j'ai tout essayé. Quitte à faire du mal autour de moi. Quitte à faire pleurer ma mère qui avait déjà assez de problèmes comme ça. J'ai tenté de me droguer mais j'ai commencé à rapidement devenir accro. Alors je me suis contenter de mes cigarettes. Ma mère, pour se défaire de la boisson s'est rabattu sur la nourriture. 20 kilos en plus qu'elle n'arrive toujours pas à perdre aujourd'hui. Elle est passé d'une addiction à une autre. Je m'en souviens comme si c'était hier...

Le médecin parlant à Amalia, la mère de Ève, je n'ai eu qu'à tendre l'oreille pour comprendre qu'il ne pouvait pas garder la jeune fille éternellement sous médicaments et dans un lit d'hôpital. Qu'il ne sera pas toujours là pour l'aider. Mais il s'est empressé de dire à Amalia qu'il ferait tout même de son mieux pour aider sa fille. Fille qui fixe le mur d'un air oisif. Ils lui ont donné un calmant. Ça coupe son obsession et ça la calme. Mais va savoir pourquoi combien de temps.

La mère de Ève ne doit pas trop comprendre ce que je fais ici. Elle ne me connaît même pas. Elle va penser que je suis le copain de sa fille... Ce qui serait vraiment mal sain vu notre écart d'âge.

Je m'assois sur la chaise à disposition à côtés du lit de Ève. Elle ne relève même pas la tête. Un zombie. Un légume. Je trouve même pas de mots pour la décrire telle qu'elle est. Elle a des bleus partout sur le corps et des cernes jusqu'au menton. Ses yeux sont vitreux et ses cheveux sont gras et en désordre. On pourrait la comparer à un clochard mais elle garde tout de même une certaine propreté donc impossible de l'associer à un SDF. Indescriptible. C'est le bon mot. Complètement démolie. On l'a détruite...  J'ai aidé à sa destruction. Je l'ai pas aidé à remonter à la surface... Quel genre de personne je suis ? Souffrir et faire souffrir... C'est vraiment à ça que j'aspire ? Parce que personne ne m'a tendu la main lorsque j'étais en train de me noyer, je vais enfoncer une autre personne ? L'enfoncer dans des eaux profondes et obscures qui semblent ne pas avoir de fin ?

Non. J'aspire à tellement plus... Je veux être tellement plus qu'un briseur d'âme. Tellement plus qu'un spectateur... Tellement que je veux comprendre et savoir ce qui lui a brisé le coeur au point qu'elle quémande l'évasion.

"Ève..." ai je murmuré en me penchant vers elle. "Ève... Tu m'entends ?"

"Hum..." marmonne-t-elle en tournant son visage vers moi. "Oui..."

Définitivement moi au même âge...
Le même regard. La même voix cassé après un coup dur. Le même appel au secours. J'ai pas le coeur à la laisser tomber. Pas le coeur à ignorer son âme en peine. Si je suis une des causes de son malheur, je veux au moins ramener de la vie en elle. Réparer ce qui a été cassé...

Homayra et Ayoub: Chaque pêcheur a un avenir et chaque pieux a un passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant