Homayra et Ayoub: Chaque pêcheur a un avenir et chaque pieux a un passé

Ayoub

"Ayoub pose ça !"

Debout au dessus de lui, je le dominais.
Il avait derouillé mon petit frère et ma mère, mais moi il allait pas me toucher !

Je le regarde sans même cligner des yeux, tandis que lui fixait l'énorme couteau que je tenais entre mes mains.
J'ai réussi à le faire tomber par je ne sais quel miracle ! Rien qu'en arrivant et en lui sautant dessus de nulle part avec ce couteau. Je m'y attendais pas. Je m'attendais à ce qu'il me mette à terre, à ce qu'il m'envoie valdinguer. Je m'attendais à plein de choses mais pas à ça !

Je vous laisse imaginer ma réaction ! Ebahi, j'avais écarquillé mes yeux au point qu'ils auraient pu sortir de mes orbites. Heureux. Surpris. Un sentiment d'adrénaline qui envahi mon corps et qui circule dans mes veines !

Aujourd'hui j'ai 14 ans, Riyad, lui, a 11 ans.

Aujourd'hui ne ressemble pas à hier, ni à demain.
Aujourd'hui est un grand jour. C'est le jour où je sauve mon frère et ma mère de ce tyran qui nous tétanise depuis si longtemps ! Je change le cours du destin ! Mon esprit ne cesse de me répéter cette phrase: Tu es maitre de ton destin. Tu es maitre de ton destin. Tu es maitre de ton destin.
Et j'ai envie d'y croire. C'est maintenant ou jamais. C'est l'occasion à ne pas rater pour se libérer !

"Ayoub ! Joue pas à ça !"
"Sinon quoi ?"

Je balade ce couteau digne d'un boucher au dessus de sa tête et voit simplement sa peur augmenter. Et le comble ? Je ne m'attendais pas à ce que je prenne autant de plaisir à le voir flipper. Ça parait fou... J'ai l'air d'un fou !

Peut être que je deviens complètement maboule ? Qui sais ? L'euphorie, l'adrénaline mélangeait à une énorme dose de peur peut peut-être me mener à ma perte ? Mais pour l'instant ça rend ma peur invisible aux yeux de mon père et ça me permet de rester debout avec cet énorme couteau entre les mains face à lui.

"Arrête Ayoub !" me supplie mon petit frère.

Les yeux brillant, tentant encore de retenir ses larmes, pris au piège par ses sentiments. Je le regarde de travers direct. Ma mère le serrait fort dans ses bras. La bouche grande ouverte, ses ombres yeux brillent comme une flamme. Flamme que je n'avais vus que sur ses photos de jeunesse jusque aujourd'hui. Aussi étrange que ca puisse paraitre je revois même mon regard à travers le sien. Une sorte d'espoir. Parce que c'est juste miraculeux. Parce que personne ne s'attendait à ça, personne ne s'attendait à ce que je me rebelle.
C'est bien connu, malgré toute la haine que j'éprouvais et la grande gueule que j'avais, jamais je n'aurai pu me mesurer face à lui. Jamais je n'aurai pu lui tenir tête. J'étais petit, chétif, pas un muscle à l'horizon. Seul mon regard que j'avais calqué sur le sien me donner une certaine crédibilité. Me faisait respecter dans la cours de récré.
Sauf qu'ils avaient torts ! Petit. Maigre. Chétif. Je suis devant lui arme blanche en main, prêt à le vaincre.

Mais j'ai jamais eu aussi peur ! Mais il fallait aussi que je leur prouve que je pouvais être quelqu'un ! Que je pouvais me lever face à lui ! C'est maintenant ou jamais pour montrer que je peux être un bonhomme ! C'est lui qui me noie dans la peur en me mettant plus bas que terre, mais hors de question. Je ne peux plus, je ne veux plus ! Aujourd'hui je remonte à la surface de cette peur qui me paralyse. Je me sens prêt !

"Ayoub ! Arrête ! C'est bon, viens on sort !"

Riyad s'était dégagé des bras de ma mère et se dirigeait déjà en direction de la sortie. Il pleure. Cette shmeta pleure encore ! Je lui ai dis 100 fois de ne pas pleurer devant ce monstre ! Il est entrain de me frustrer sévère !