Chapitre 46

8.9K 851 84
                                    

Homayra

Je me sens observée. Épiée. Je ressens comme un malaise en ce moment même. Comme si on allait pas tarder à me prendre en traître ou que le ciel allait me tomber sur la tête sans que je ne m'en rende compte. J'ai l'impression que Samira est là même quand je mange une glace. Que je suis à la fac. Que je discute avec Hawa et Inès. Cette impression qu'elle prépare un mauvais coup et qu'elle a toujours un coup d'avance sur moi. C'est frustrant et pour tout dire ça me bouffe ! Je suis censée faire ma première mouqabala avec Ayoub ce week end et je ne suis pas du tout sereine. Pourtant ça a l'air pire que cool le programme de samedi. Le pique nique est passé à la trappe et il nous emmène moi, Ali et sa mère à un stand de tir. Ça prévoyait d'être cool. Mais mon instinct ne s'est jamais trompé et Hawa est satisfaite d'avoir raison sur ce fait là !

Alors je suis sur mes gardes. J'ai toujours été de nature paranoïaque. J'ai toujours été très prudente avec un spray anti-agression dans mon sac. Mais jamais je ne m'étais trimballée avec un sifflet autour du coup. Je sais pas vraiment si ça va m'aider mais ils  conseillent toujours d'en avoir un dans les vidéos YouTube. Le problème c'est que si je me fais agressé ça sera pas mon premier réflexe de me jetter sur mon petit sifflet pour prévenir qu'on veut me tuer. Et imaginez que tout le monde me prennent pour une folle en me voyant siffler dans ce machin ? Personne va comprendre.

Je le regarde pendouiller à mon cou et commence à me demander: "Est ce que c'est vraiment nécessaire ? Est ce que ce n'est pas pousser le vice ?".  J'y réfléchi un moment et en sortant de ma voiture, je décide de le ranger dans la boîte à gants. Ça servira bien à quelque chose un jour mais pour l'instant je me contente de sortir en étant sur mes gardes.

Des guetteurs sont postés près du parking et bizarrement ça me rassure. Je me dis que si quelqu'un veut me sauter dessus il y aura toujours ces gars là pour m'aider. Ils sont pas méchants dans le fond.

Je m'apaise en me rapprochant de mon immeuble. Encore une journée de paranoïa où rien ne se passe. Les séries comme esprit criminel et New York police judiciaire me montent peut être à la tête. C'est quand que j'arrête de regarder ces trucs là nuit, à minuit, alors que je suis une tapette ? Après j'enchaîne toujours avec des dou'as Ya Allah protège nous du mal des hommes ! Protège nous de cette bande de psychopathes !

Mais peut être que si ça me rappelle Allah c'est pas plus mal !

Je me stoppe pour chercher mes clés dans mon sac. Bien sûre elle sont toujours planquées tout au fond, ce qui fait que je dois poser mon sac à même le sol pour les chercher. Je le secoue inlassablement pour essayer de les voir et les faire monter à la surface mais c'est peine perdue... Je soupire et relève légèrement la tête. Mes yeux s'écarquillent alors lorsque  j'aperçois une paire de baskets se stopper devant moi. Mon coeur frappe un coup sourd lorsque je reconnais la paire de air max noir et le bas de survet' Adidas gris... Pu... Purée... J'avale difficilement ma salive reste tétanisée à même le sol. Je décide de faire mine de chercher mes clés avant de me faire soulèver par ma veste et me retrouver cogner contre le mur. Mon premier réflexe est de mettre mes mains devant mon visage. Je sentais que j'allais m'en prendre une à un moment ou un autre ! J'avais l'impression qu'Haïthem entendait mon coeur cavaler dans ma poitrine. Je sentais mes mains devenir moite et je ne m'étais pas rendu compte que je retenais ma respiration avant ce violent choc. J'expire. J'inspire. J'attends... Je ferme mes yeux lorsque je les sens se remplir de larmes. Ça fais combien de temps qu'on ne s'était pas fais face ? Longtemps... La dernière fois j'ai cru que j'allais y laisser ma peau... Haïthem m'a même laissé un souvenir de ce jour là avec une cicatrice tout au long du bas de mon visage. Elle a beau avoir blanchie avec le temps. J'ai beau la camoufler. J'ai beau oublier. Je me souviens de la douleur et de la sensation du couteau sur ma peau comme si sa lame était encore en train de me transpercer... Ce jour là j'ai cru mourir, c'était une punition qui me semblait inhumaine et je me demande encore si quelqu'un mérite réellement de subir ça, quelque soit le mal qu'il a fait.

Homayra et Ayoub: Chaque pêcheur a un avenir et chaque pieux a un passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant